Stratégie nationale de promotion du leadership féminin à l’horizon 2035 : Conforme aux exigences du futur

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La mise en place d’une telle stratégie d’avenir dépend d’une mûre réflexion dans le présent. Ainsi, Silver Economy et She Economy en sont les mots d’ordre.

L’élaboration d’une stratégie nationale pour la promotion du leadership féminin des PME exige la conjugaison des efforts de toutes les parties prenantes, notamment le gouvernement, les institutions de tutelle et les organismes nationaux. S’y joignent également partenaires internationaux, bailleurs de fonds, femmes cheffes d’entreprise, diplômées du supérieur désirant s’installer à leurs propres comptes, ainsi que des experts en la matière dont l’avis ne peut qu’être précieux.

Objectifs 2035

Lors de l’organisation, mardi dernier, d’un workshop portant sur ladite stratégie, l’assistance a été tout-ouïe pour connaître les grandes lignes d’une stratégie que l’on veut efficace, car réfléchie, et dont les axes seraient orientés vers nos priorités nationales et les exigences internationales à la fois. Il est indispensable, certes, de renforcer le statut de la femme en tant que leader et vecteur du développement économique intégral ; un statut qui s’appuie sur la compétence, le mérite, la persévérance et la perspicacité. Il impose, en outre, la convergence de tous les efforts et la mise à la disposition des entrepreneures tous les mécanismes à même de leur faciliter le parcours. Cependant, sans une étude minutieuse du contexte national et celui international, toute approche serait vaine. A quoi bon instaurer un système déphasé ou préserver des priorités désuètes ?

La présente stratégie, dont les objectifs sont fixés à l’horizon 2035, doit non seulement tenir compte du contexte actuel, mais aussi anticiper sur les priorités de demain. M. Adel Ben Youssef, expert en leadership, universitaire exerçant à Nice et entrepreneur, détenant deux entreprises en France et une en Tunisie, a axé son intervention lors du workshop organisé par le ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes âgées, au siège du Credif, sur une feuille de route, à même de clarifier la vision des décideurs chargés de l’élaboration de ladite stratégie.  D’emblée, l’expert a commencé par faire état d’un constat des plus désolants : le taux de développement pour la décennie 2000- 2010 était de seulement 4,3%. Il a chuté d’un cran pour se situer à 1,3% dans la période 2011/2019, et ce, sans tenir compte des répercussions de l’épidémie du Covid. S’agissant du leadership féminin, il ne représente que 10% à l’échelle nationale. «Autant commencer par se rattraper sur ce plan. Les ressources humaines féminines sont, jusque-là, vouées au gâchis. Il convient d’inverser la situation », indique-t-il.

Parfois, il faut échouer pour réussir !

M. Ben Youssef a tenu, avant tout, à rectifier un préjugé. La présente stratégie ne doit aucunement reprendre de vieilles notions telles que la discrimination positive. Elle doit cerner la nature du leadership à opter  pour une efficacité et une durabilité certaines. « Il faut faire la distinction entre leadership de survie et leadership innovant de croissance. Le premier émane d’un besoin. Il tire l’économie vers le bas et ne peut avoir des résultats positifs à long terme. Par conséquent, si nous n’optons pas pour l’entrepreneuriat innovant de croissance, nous allons forcément nous leurrer et nuire au développement économique », explique-t-il. L’homme a saisi l’occasion pour mettre le doigt sur un point qu’il juge pertinent. Pour s’adonner au monde des affaires, il n’est pas nécessaire d’être jeune ni de récolter les fruits du succès aussitôt le pied mis à l’étrier. Aux USA, la tranche d’âge des entrepreneurs réussis est située entre 45 et 54 ans. «Les meilleurs startupeurs sont des retraités. Mieux encore, poursuit l’expert,  pour réussir dans le monde des affaires, il faut souvent survivre à deux ou trois échecs. Or, en Tunisie, on n’a pas droit à l’erreur, c’est du moins l’avis des bailleurs de fonds ! Pourtant, parfois, il faut échouer pour réussir ».

Le leadership, selon M. Ben Youssef, n’est point restreint au seul monde des affaires. Les compétences du leadership sont à cultiver dans tous les domaines, y compris dans celui administratif et au sein de l’entreprise. Parallèlement aux points précités, l’expert a abordé un volet fondamental qu’est le contexte mondial, lequel est placé sous le signe de la transition voire des transitions. Pour élaborer la présente stratégie, il convient de retenir en tête quatre défis pour la Tunisie, à savoir la transition écologique et climatique, digitale, démographique et économique, ainsi que la transition des valeurs. « Nous devons savoir dans quel monde nous vivons et connaître les trains du futur. Nous sommes face à un nouveau concept économique qu’est l’économie du confort, du bien-être. En Tunisie, le contexte national nous place face au vieillissement de la population ; une donnée capitale », indique M. Ben Youssef.

Silver Economy : le plus grand marché !

En effet, le vieillissement de la population figera la croissance démographique à 14,3 millions d’habitants tout au plus. En revanche, il nécessitera la mise en place d’une économie répondant favorablement aux besoins des personnes âgées qui seront majoritaires. «  Nous parlons dans ce cas de la Silver economy, laquelle n’est toujours pas élaborée en Tunisie, en dépit d’un vieillissement certain de la population.

Pourtant, nous avons là le plus grand marché ! », s’exclame l’orateur. Et d’ajouter que l’augmentation du taux d’urbanisation, qui s’élève à 75%, devrait également être prise en considération pour le nouveau modèle développemental. Le boom démographique des uns fait le bonheur des autres

Autre donnée et non des moindres, la transition démographique.

Certains pays africains et du Moyen-Orient ont été cités en exemple. Ceux-ci, rien que de par leur développement démographique, seraient des marchés alléchants ! « C’est le cas de Nigeria qui est à 220 millions d’habitants et qui frôlerait les 800 millions d’âmes à l’horizon 2100. C’est aussi le cas de l’Egypte qui compte actuellement pas moins de 120 millions d’habitants et qui pourrait atteindre 220 millions d’habitants dans quelques décennies. Sans pour autant oublier l’Ethiopie… En voilà des marchés potentiellement prometteurs », souligne l’expert. Et d’ajouter que le nouveau modèle développemental doit tenir compte du changement climatique et de l’impératif d’instaurer l’économie verte. Le rôle du secteur privé est crucial et mérite d’être encore renforcé.

La « She Economy » ou l’économie au féminin

M. Ben Youssef a insisté sur la transition numérique et son impact sur le secteur industriel et sur celui de l’enseignement. Selon lui, il demeure inconcevable de préserver le même modèle de l’enseignement alors que le monde vit au rythme de l’intelligence artificielle. «La France excelle dans le monde numérique grâce à une poignée de matheux dont le nombre n’excède pas les 600 personnes.

Ce constat devrait inciter la Tunisie à investir dans les compétences tunisiennes féminines dans ce domaine et dans tous les domaines scientifiques. Le leadership féminin innovant est capable de changer notre vie, notre réalité», estime-t-il, optimiste. Et M. Ben Youssef de terminer sur un message d’espoir : « Si l’on mise sur la She Economy et sur la Silver Economy, nous pouvons relever des défis immenses surtout que l’écosystème est là. Il suffit d’avoir une volonté politique pour franchir bien des pas ».

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