Influenceurs et créateurs de contenus sur les réseaux sociaux : Une mode mal cadrée

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Avec plusieurs milliards d’utilisateurs, les réseaux sociaux sont aujourd’hui le canal privilégié par les entreprises pour communiquer sur leurs produits. Face à la concurrence grandissante, le recours à des créateurs de contenus est indispensable pour mener à bien une campagne de marketing.


En contrepartie, les activités des influenceurs sur les réseaux sociaux génèrent des revenus pouvant être conséquents. Selon des observateurs, un certain flou entoure le traitement fiscal de ces gains et les gouvernements voudront bientôt y regarder de plus près.

« Les influenceurs, ou créateurs de contenus, utilisent les plateformes des médias sociaux pour partager du contenus– textes, liens, photos, vidéos – afin d’attirer des abonnés. Ils sont reconnus pour avoir une certaine influence sur leur audience en vue de créer ou d’encourager des habitudes et des tendances de consommation », résume une avocate fiscaliste.

Même si on s’entend d’une manière générale sur la définition de l’activité des créateurs de contenus sur les réseaux sociaux, le cadre fiscal qui régit leurs obligations fiscales est lui sujet à interprétations, ce qui complexifie la tâche des professionnels responsables de la planification financière de ces clients, ont souligné des experts.

« C’est un sujet nouveau, qui amène une pratique nouvelle. Il existe peu de jurisprudence sur la question et celle qui existe sera amenée à évoluer », estime l’avocate.

Au niveau mondial

En Tunisie et jusqu’à aujourd’hui, aucun statut juridique spécifique ou loi ne s’appliquent aux influenceurs. Cette absence de cadre juridique spécifique laisse le champ libre aux dérapages.

Même au niveau mondial la situation n’est pas meilleure. En France, ce n’est qu’en juin dernier qu’une loi a été adoptée (n° 2023-451 du 9 juin 2023) visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Cette loi commence par définir l’activité de l’influenceur : « Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique ».

Cette nouvelle loi française liste, ensuite, une série de conditions à respecter, avec des exigences et des interdictions. Le législateur français oblige tout influenceur dont l’activité de création de contenus est commerciale à la « renseigner au sein du guichet unique selon la catégorie activités de service – services d’information – influenceur et créateur ». Ils doivent être « immatriculés au registre du commerce et des sociétés et au registre national des entreprises et leurs revenus déclarés en BIC en plus de l’affiliation à l’Urssaf – SSI », selon le portail du ministère français de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique pour les influenceurs ayant une activité commerciale.

Aussi, ceux dont l’«activité de création de contenus ne vise pas à faire la promotion de biens ou de services en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature sont renseignés au sein du guichet unique selon la catégorie d’activités de services — services d’information — Community manager, ergonome web, blogueur professionnel, rédacteur web’».

Ceux dont l’activité rentre dans la catégorie « création artistique », ils sont « renseignés au sein du guichet unique selon la catégorie « Activités de services — Arts, culture et divertissement — Activités créatives, artistiques et de spectacle — Vidéaste, vlogueur, blogueur » ». Considérés comme « indépendants », ils sont « immatriculés au seul registre national des entreprises, leurs revenus déclarés en BNC ou en précompte par un tiers diffuseur et sont affiliés, après validation, à la sécurité sociale des artistes auteurs ».

En Côte d’Ivoire, le ministre de l’Economie numérique a rappelé, en mars 2022, l’importance de la régulation des réseaux sociaux. « Il serait dangereux de laisser prospérer l’idée que s’exprimer sur un média social peut tenir lieu de délibération démocratique, d’engagement citoyen. Nous sommes obligés de nous engager très rapidement dans ces nouveaux moyens de communication, en vue de réunir tous les moyens pour protéger l’environnement des TIC, de parvenir à sécuriser les informations et les données à caractère personnel », a-t-il indiqué, préférant évoquer un encadrement plutôt que de parler de régulation.

Depuis cette déclaration, le gouvernement a adopté deux projets de loi sur la régulation des médias et de la communication. D’après les premières informations, les blogueurs, les activistes et les influenceurs seront astreints à des règles aussi strictes que les journalistes sur les plans éthique et déontologique, si ces deux projets de loi viennent à être adoptés par les députés.

Pour certains, ce projet menace la liberté d’expression. « Pourquoi prendre cette ordonnance en y ajoutant les mots blogueurs, influenceurs et webactivistes ? Est-ce que ce n’est pas fait pour davantage censurer ou contrôler tout ce qui est dit sur ces différentes plateformes ? Nous luttons pour que les gens puissent avoir plus de voies pour dénoncer les choses en utilisant aujourd’hui tout ce qui est réseaux sociaux et internet », a interrogé le vice-président du réseau panafricain de blogueurs AfricTivistes.

Trouver une formule est une nécessité

Peu importe la nature de l’activité exercée dans ce cadre, les créateurs de contenus doivent se constituer en structure juridique et fiscale déclarée. Cela peut aller d’une simple «patente» ou une société unipersonnelle à responsabilité limitée à une société à responsabilité limitée ou encore une société anonyme. Aucune autorisation ou cahier des charges ne sont exigés.

Dans le respect de la liberté d’expression, les limites fixées par différentes lois tunisiennes demeurent applicables. Y compris les dispositions du décret-loi n° 2022-54 du 13 septembre 2022, relatif à la lutte contre les infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication. Il s’agit notamment de ce qui concerne la diffamation, le dénigrement, la propagation de fausses nouvelles, et autres, notamment celles relatives à la concurrence, aux prix (qui restent libres), aux spécificités techniques, aux produits soumis à autorisation de mise sur le marché et aux mentions obligatoires.

Selon Amine Ben Gamra, expert-comptable, commissaire aux comptes et membre de l’Ordre des experts-comptable de Tunisie, «tout comme il n’existe aucun statut juridique particulier, la loi ne prévoit aucun régime fiscal spécifique aux influenceurs. Le régime fiscal applicable à la rémunération de l’influenceur, qu’il s’agisse de sommes d’argent ou de produits fournis par la marque en échange de sa prestation, dépend de son statut juridique. Ses revenus sont imposés dans la catégorie des traitements et salaires, comme tout emploi salarié classique. Ils doivent être déclarés chaque année entre avril et juin dans cette catégorie. Il est rappelé que dans le cadre du prélèvement à la source, la marque employeur est tenue de collecter l’impôt dû par l’influenceur salarié et de le reverser à l’administration fiscale. L’imposition des revenus de l’influenceur non salarié dépend de la structure juridique qu’il a choisie afin de gérer son activité. Dans la majorité des cas, ses revenus sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). Ils doivent être reportés dans la déclaration de revenus annuelle. Les revenus perçus par les influenceurs mineurs sont imposables et doivent être déclarés par leurs parents ».

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