Une année durant, les élèves ont été pris en otage et l’école a été sacrifiée sur l’autel des revendications syndicales. Un remake est à redouter pour l’année en cours car les prémices d’une nouvelle crise sont réunies sur fond d’appel à la grève des enseignants et professeurs suppléants.
Le bras de fer reprend de plus belle entre la coordination nationale des enseignants suppléants et le ministère de l’Education et la menace de suspendre les cours refait surface, comme ce fut le cas pour l’année scolaire 2022-2023 qui a été marquée par une tension très tendue entre la partie syndicale et le ministère de tutelle, d’une part, et entre les enseignants et les parents d’élèves, d’ autre part.
Suite à l’accord signé entre le ministère de l’Éducation et le Syndicat de l’enseignement de base en novembre 2022, et qui a permis de mettre fin au problème, devenu récurrent, des enseignants suppléants, on a cru que tout est rentré dans l’ordre. Mais voilà que le spectre de la grève plane de nouveau. Sonia Abidi relevant de la coordination des enseignants, nous a fait savoir dans une déclaration que cet accord a été délaissé par le ministère. «Nous vivons actuellement une situation très difficile. Le nombre d’enseignants suppléants est estimé à 4500, a-t-elle ajouté. Nous sommes dans une grève de trois jours (20,21,22) et un rassemblement est prévu devant le ministère de l’Education, ce jeudi 23 novembre. En cause, un accord resté sans suite.
Les deux coordinations des enseignants et professeurs suppléants haussent le ton
Par ailleurs, la coordination nationale des professeurs suppléants présidée par Malek Ayari a organisé au début du mois un sit-in devant le ministère de l’Education, pour revendiquer la régularisation de la situation professionnelle de plus de 9 mille professeurs suppléants en poste depuis 2008 et jusqu’à l’année 2023.
L’accord conclu le 23 mai 2023 portant sur la régularisation de la situation des enseignants et professeurs suppléants selon une base de données déterminée pour les années 2008-2016 et 2016-2023 n’a pas été respecté, d’où l’appel à la grève émanant des deux coordinations nationales ( celle des enseignants suppléants et celle des professeurs suppléants), à partir du 20 et jusqu’au 23 novembre. Dans une déclaration à la Presse, le président de la coordination nationale des professeurs suppléants, Malek Ayari, a confirmé que cet appel a été, selon ses propos, largement suivi hier par les enseignants et les professeurs suppléants dans toutes les régions du pays. Sonia Abidi a confirmé, à son tour, le « succès » de la grève.
Toutefois, et selon une source relevant du ministère de l’Education, les cours se sont poursuivis d’une façon normale dans tous les établissements scolaires aussi bien dans les lycées que dans les écoles. Certains parents ont confirmé pour leur part cette information.
Malek Ayari a appelé le ministère de l’Education à mettre en application l’accord conclu le 23 mai 2023, qui porte sur la régularisation de la situation des enseignants suppléants selon une base de données déterminée pour les années 2008-2016 et 2016-2023, ajoutant qu’une réunion sera tenue aujourd’hui mardi 21 novembre, avec la Fédération générale de l’enseignement secondaire relevant de l’Ugtt. Elle sera consacrée à l’évaluation de la situation des enseignants suppléants.
Pour rappel, le ministère de l’Éducation a été intraitable face à la grève entamée l’année dernière par cette catégorie d’enseignants. Il avait décidé de combler les postes vacants dans les écoles primaires, en faisant appel à des enseignants suppléants non concernés par les accords en question.
Dans son communiqué publié en août dernier, le ministère a indiqué qu’il prendrait en considération uniquement cette base de données à partir de l’année scolaire 2023-2024. Tout enseignant refusant sa nomination sera, selon la même source, limogé. Ceci explique le refus de se conformer aux appels à la grève.
Un dossier complexe
D’après le coordinateur Malek Ayari, la protestation est due essentiellement à la situation d’instabilité professionnelle dans laquelle vivent ces enseignants. Il a assuré à notre journal que cette situation les a conduits à porter le brassard rouge dans une première étape, puis à observer une journée de colère la semaine dernière pour aboutir à la grève d’hier.
Il a tenu à rappeler que c’est le ministère de l’Education qui n’a pas respecté l’accord du 23 mai 2023 mentionné précédemment, indiquant que malgré les 6 mois écoulés depuis la signature de cet accord, les délais de la mise en œuvre de ces dispositions n’ont pas été fixés et le nombre des promotions concernées non plus.
Un dossier bien complexe qui donne du fil à retordre aussi bien au ministère qu’à la partie syndicale relevant de l’Ugtt. Le secrétaire général de la Fédération générale de l’enseignement secondaire, Mohamed Essafi, avait indiqué que la régularisation de la situation des enseignants suppléants constitue l’un des dossiers les plus complexes du secteur de l’enseignement secondaire. Il a par la même occasion appelé le ministère de l’Education à mettre en œuvre les accords précédents, ce qui est difficile eu égard à la situation actuelle du pays et le manque de sources de financement.
Cette situation marquée par des grèves à répétition a considérablement impacté le niveau de l’enseignement public en Tunisie en général. Le recours aux enseignants suppléants qui travaillent à leur tour dans des conditions précaires témoigne de la déchéance d’un grand secteur public.
Quelque 83% des élèves de la neuvième année de base sont quasi analphabètes. C’est l’ancien ministre de l’Education, Fethi Slaouti, qui avait annoncé ce taux en septembre 2022. L’année dernière a enregistré la plus longue période de grève dans les écoles du pays. Le risque d’une nouvelle année scolaire chahutée par les grèves est à craindre.