Négociations ou jeu de dupes ?

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Editorial La Presse

ON atteint, on dépasse même les trente mille morts à Gaza, dont la grande majorité est constituée de femmes et d’enfants. Les chiffres montent, et c’est toujours le ministère de la Santé palestinien qui les fournit. En face, le gouvernement israélien se bande les yeux et joue au sourd-muet; les morts, il ignore. C’est que du côté palestinien, derrière les chiffres, il y a des visages, des corps mutilés, des parents, des amis, des enfants disparus, des femmes qui hurlent et la mort au bout du compte ; et en face, du côté israélien, on fait des calculs de type et d’ordre militaire, comment affamer et punir les uns, exterminer les autres en rasant les lieux d’habitation et les centres de soins.  A l’échelle internationale, les responsables bougent à grande vitesse et reprennent du service ; il y a quelques mois, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a sillonné les pays du Proche-Orient, serré des mains, promis des solutions, il est reparti avec ses plans, sans avancer d’un seul pas. Des promesses qui disparaissent avec le départ de celui qui les a conçues. Vraisemblablement, Blinken et son plan de cessez-le-feu n’ont pas convaincu l’arrogant Netanyahu, qui, à chaque fois qu’il y a une lueur d’accord, met des bâtons dans les roues. Qu’à cela ne tienne, on reprend le sujet, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, va prendre les choses en main. D’entrée de jeu, il déclare que le Qatar et l’Égypte accueilleront deux cycles de négociations visant une trêve dans le conflit israélo-palestinien. Des Américains, ainsi que des responsables d’Israël et du Hamas, seront de la partie, pour travailler sur les termes d’une trêve dans la bande de Gaza et d’un accord de libération des otages. Le sujet de la trêve semble enrichi. Le président Biden annonce même qu’Israël cesserait ses opérations durant le mois de Ramadan. Cette proposition, la énième du genre, a-t-elle des chances d’aboutir ? Les négociateurs et les médiateurs peuvent-ils faire plier Netanyahu, celui qui a fait de la guerre un marathon ? On ne le pense pas.

Les raisons sont simples et multiples : Netanyahu, ivre de sa force et de ses illusions, lui et son gouvernement, ne veulent ni cessez-le-feu ni paix. Primo, chaque jour, des milliers d’Israéliens manifestent contre l’aide humanitaire apportée à la bande de Gaza, des centaines d’entre eux se retrouvent au poste-frontière pour bloquer les convois d’aide destinés à la population, dans un contexte où de nombreuses ONG alertent sur la crise humanitaire qui touche le territoire palestinien. Secundo, avant même la rencontre des négociateurs, des frappes israéliennes ont ciblé Gaza et, enfin, c’est Netanyahu qui donne le ton, il anticipe, comme pour s’opposer d’avance à toute sorte d’accord.  Et déclare sans ambages qu’ «un accord de trêve ne fera que retarder l’opération militaire à Rafah» : il tient mordicus à ses opérations de destructions. Il ajoute : «La victoire totale est à notre portée, non pas d’ici quelques mois, mais d’ici quelques semaines, quand nous commencerons l’opération».  On ne peut plus clair, avec des déclarations pareilles, comment peut-on croire encore à un cessez-le-feu ?

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