Un événement malheureux (la disparition de l’épouse de l’auteur de ces lignes) est venu, trois semaines en arrière, interrompre la parution de cette chronique du coup restée sans la suite annoncée dans notre édition du 7 juin dernier. De ce fait, un bref rappel du sujet s’impose. Il s’agit de l’esquisse très sommaire d’une figure de légende qui a marqué un tournant majeur dans l’histoire du Maghreb, celle de Dihiya fille de Thabtet fils de Tifâne, plus communément désignée par l’appellation d’el-Kahéna (la Sorcière), censée nuire à son image.
Cette femme, née vers le milieu du VII° siècle dans les Aurès au sein de la branche Jraoua de la grande tribu des Zénètes. Elle a fait irruption sur la scène africaine (Tunisie et Est algérien) à la mort de son époux. Celui-ci s’était imposé comme le fédérateur de plusieurs tribus berbères pour la lutte contre les conquérants arabes dont ils ne partageaient ni l’histoire, ni la langue, ni les mœurs, ni, évidemment, la religion alors toute nouvelle. Au fil des campagnes, Dihiya s’était distinguée par son intrépidité et sa perspicacité vite confondue avec des dons surnaturels et, pour tout dire, la sorcellerie, d’où le sobriquet et, par glissement sémantique, sa réputation d’adepte du judaïsme, probablement infondée et, en tout cas, jamais prouvée, le tout, selon ses détracteurs, devant nuire à son image. Aujourd’hui, on dirait de cette femme qui a résisté aux envahisseurs qu’elle était une patriote. Tout simplement. Et c’est probablement cette vision qui a prévalu parmi les siens puisqu’ils l’ont sans hésitation placée à leur tête dès la mort de son époux.
Un espion à la cour
En l’an 75 de l’hégire (vers 697) eut lieu le premier choc entre la Kahéna et les troupes arabes conduites par Hassèn ibn-Noômane non loin de Béjaïa, en Algérie actuelle. La défaite des conquérants fut sévère. Ils eurent un très grand nombre de morts et beaucoup d’entre eux ont été faits prisonniers qui furent tous par la suite libérés sauf un, dit la version traditionnelle de l’événement, Khaled ibn-Yazid Kaïci (ou ‘Absi) que Dihiya garde auprès d’elle après lui avoir donné le sein en manière d’adoption et qu’elle fit jurer d’être un frère sincère à ses deux enfants.
Le répit dans la confrontation des deux parties dura cinq ans au cours desquels Dihiya régna en maîtresse sur le Maghreb central et oriental, contenant les troupes de Noômane aux confins de la Tripolitaine. Mais le jour d’une nouvelle confrontation approchait. Ayant réussi à introduire un espion jusqu’auprès Khaled ibn-Kaïci, Noômane obtint des enseignements qui lui permirent de juger le moment opportun pour lancer une nouvelle offensive.
(A suivre)