VÊTEMENTS DE SECONDE MAIN: Un business lucratif pour les pays riches

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La Tunisie est le 2e plus gros importateur africain en volume de vêtements de seconde main. Selon les données de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (Unece), le pays importe environ 160.000 tonnes de fripes chaque année. A l’échelle mondiale, les volumes échangés ont augmenté presque 7 fois entre 1992 et 2021, atteignant 3,6 millions de tonnes, cette année-là, pour une valeur de 9,3 milliards de dollars. Ce commerce qui se développe au détriment des pays en développement connaît un essor sans précédent ces dernières années et reste très profi table pour les pays riches.


Cinq pays ont été recensés comme étant les plus gros importateurs de vêtements de fripe en volume, selon les données de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (Unece). Le secteur des vêtements de seconde main représente un business très lucratif pour les pays riches. Ce commerce qui se développe au détriment des pays en développement connaît un essor sans précédent ces dernières années. Le commerce mondial des vêtements d’occasion est à sens unique. Il va principalement des pays développés vers les pays en développement. Selon l’Unece, les volumes échangés ont été presque multipliés par 7 entre 1992 et 2021, atteignant 3,6 millions de tonnes cette année-là pour une valeur de 9,3 milliards de dollars.

A la tête des pays africains

Le Kenya, la Tunisie et la RD Congo sont les trois pays africains qui accaparent la part du lion en volume d’importation. Le continent africain est au cœur de cette dynamique avec d’autres pays comme le Ghana et l’Angola qui sont aussi de grandes destinations pour les fripes. En tête des importateurs africains de vêtements de seconde main, le Kenya. Ce pays a importé, en 2021, pour 172,6 millions de dollars. Il se classe au troisième rang mondial derrière le Pakistan et l’Ukraine. Ses importations représentent 4,5% du commerce mondial, en forte hausse par rapport à 2017. Les données de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe présentent dans le détail l’évolution de ces importations.

Ainsi, ces importations ont évolué en valeur de 126,3 millions de dollars en 2017 pour atteindre 172,6 millions de dollars en 2022. Le principal fournisseur du Kenya est la Chine, avec 20% de ses exportations mondiales acheminées vers ce pays d’Afrique de l’Est en 2021 (140 millions de dollars). En seconde place des plus gros importateurs africains en volume de vêtements utilisés, se trouve la Tunisie. Et même si le document n’avance par des données chi rées et détaillées sur l’évolution de ces importations, on sait que le pays importe environ 160.000 tonnes de fripes chaque année. La troisième place du podium a été octroyée à la République démocratique du Congo avec 150.000 tonnes environ importées annuellement selon le rapport. D’autres pays africains comme le Ghana (100.000 tonnes/an) et l’Angola (80.000 tonnes/an) sont de grandes destinations pour les vêtements d’occasion.

Il est à préciser que ces deux pays ont été des destinations importantes des exportations chinoises de vêtements de seconde main vers l’Afrique en 2021. D’après la base de données « Comtrade » de l’ONU, 1,4 milliard de vêtements de seconde main sont importés chaque année en Afrique subsaharienne. Ces chi res montrent que cette partie du monde est littéralement noyée sous un déluge de fripes.

Une activité qui n’est pas sans dangers

Selon les spécialistes, cette frénésie pour les vêtements bon marché n’est pas anodine. Elle a de lourdes conséquences sociales, économiques et surtout environnementales. Pour ce qui est des conséquences économiques, cet a ux massif de vêtements d’occasion à bas coût vers le continent africain représente une concurrence dangereuse pour les fi lières locales de production textile, déjà qualifi ée de fragile. De nombreux pays ont connu un déclin massif de leurs entreprises traditionnelles locales. Ces dernières n’ont ni la force ni la capacité fi nancière et humaine pour rivaliser avec ces importations.

Il faut également savoir que s’il fallait relancer un secteur dynamique comme celui de la confection, les importations massives de friperie seraient un obstacle total. Il est à rappeler qu’en parallèle, la revente des fripes emploie des milliers de personnes dans le secteur informel, et ce, dans la plupart des pays importateurs. La fi lière représente environ 200.000 emplois directs et indirects au Kenya, selon les données disponibles.

Les emplois dans ce secteur sont multiples, depuis les importateurs jusqu’aux revendeurs en passant par les centres de tri. Au niveau social, les conditions de travail précaire des employés du secteur et l’exposition aux produits chimiques issus des vêtements interpellent, également, les spécialistes. Même si l’accès facilité à des vêtements bon marché permet de répondre aux besoins des populations les plus démunies, sur le plan environnemental, l’importation massive de fripes soulève les plus vives inquiétudes. Une part non négligeable de ces vêtements, en trop mauvais état pour être revendus, termine sur des décharges sauvages libérant des substances toxiques.

Mieux contrôler les flux et réduire la dépendance

Au Kenya par exemple, en plus de la mauvaise gestion des déchets, le secteur doit se conformer à un code de pratique encadrant les importations. Cet arsenal réglementaire vise à limiter les fl ux de produits prohibés comme la lingerie ou les vêtements d’hôpitaux. Face à cette multitude de problématiques, aucun des pays africains n’a osé interdire ces importations, car une pareille décision aurait des répercussions sociales considérables en privant des populations pauvres de l’accès aux vêtements bon marché.

À l’échelle continentale, on réclame davantage de régulation, plutôt que des législations éparses pays par pays. L’objectif serait de mieux contrôler les fl ux, cibler les vêtements de qualité en stoppant les envois de fripes impropres, et encadrer cette activité pour en maximiser les retombées économiques positives tout en réduisant l’empreinte environnementale. Il est important de préciser que ce commerce augmente la dépendance de nombreux pays africains envers les puissantes nations exportatrices comme l’Union européenne (30,4% des exportations globales pour 1,659 milliard de dollars de revenus en 2021), les États-Unis (15,2% des exportations globales pour 830,9 millions de dollars de revenus) ou encore la Chine (15,6% des exportations globales pour 852,6 millions de dollars de revenus).

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