Alors que les grandes économies investissent massivement dans cette technologie, la Tunisie, avec son potentiel solaire et éolien, se positionne comme un acteur clé dans cette révolution… Ce secteur représente une opportunité stratégique pour diversifier son économie et renforcer sa sécurité énergétique tout en attirant des financements internationaux.
L’hydrogène vert est de plus en plus reconnu comme un élément clé dans la transition énergétique mondiale. Ce type d’hydrogène est produit par électrolyse de l’eau en utilisant de l’électricité provenant de sources renouvelables, telles que l’éolien ou le solaire, ce qui le rend totalement exempt d’émissions de carbone. Cette méthode contraste fortement avec les méthodes traditionnelles, qui dépendent des combustibles fossiles et sont responsables de grandes quantités de gaz à effet de serre. A l’échelle internationale, l’hydrogène vert est au cœur des stratégies de nombreux gouvernements et organisations. Par exemple, en juillet 2020, l’Union européenne a dévoilé une stratégie ambitieuse pour l’hydrogène, visant à investir entre 180 et 470 milliards d’euros d’ici 2050 pour développer une infrastructure adéquate et promouvoir les technologies nécessaires. Ce soutien se traduit par des projets concrets comme l’Alliance européenne pour l’hydrogène propre (Clean Hydrogen Alliance), qui rassemble des entreprises et des investisseurs pour accélérer le développement de l’hydrogène vert. En Asie, le Japon et la Corée du Sud font également des avancées significatives. Le Japon, par exemple, a lancé en 2020 un plan de 19 milliards de dollars pour établir une chaîne d’approvisionnement mondiale pour l’hydrogène, incluant des projets d’importation et de production locaux. De même, la Corée du Sud prévoit d’investir 13 milliards de dollars pour développer son infrastructure d’hydrogène, avec une attention particulière sur les transports et les applications industrielles.
L’opportunité pour la Tunisie
Pour la Tunisie, l’hydrogène vert représente une opportunité stratégique non seulement pour répondre aux besoins énergétiques internes, mais aussi pour positionner le pays comme un leader régional en matière d’énergie renouvelable. Le pays bénéficie d’un potentiel solaire important, avec un ensoleillement annuel de 3.000 heures, ce qui pourrait être exploité pour produire de l’hydrogène vert de manière compétitive. Selon des analyses, la Tunisie pourrait produire de l’hydrogène vert à un coût comparable à celui de l’Europe dans un futur proche, grâce à ses conditions climatiques favorables et aux projets en cours dans le domaine des énergies renouvelables. Des études, y compris celles soutenues par des institutions internationales comme la Banque mondiale, soulignent le potentiel de la Tunisie dans ce domaine.
Face à ce potentiel énorme, le pays a déjà amorcé des initiatives en ce sens. En 2022, la Tunisie a entrepris des démarches pour signer des protocoles d’accord avec des partenaires européens, visant à explorer la production d’hydrogène vert. Ces accords incluent des projets pilotes destinés à évaluer la faisabilité technique et économique de cette production. L’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (Anme) travaille également à l’élaboration d’une feuille de route pour intégrer l’hydrogène vert dans le mix énergétique national, renforçant ainsi les efforts du pays pour promouvoir les énergies renouvelables. Par ailleurs, la Tunisie est en train de finaliser un accord stratégique avec des partenaires français et autrichiens pour développer un projet majeur d’hydrogène vert. Ce projet prévoit la production initiale de 200.000 tonnes d’hydrogène vert par an, avec la mise en place de 5.000 mégawatts d’énergies renouvelables et 2.000 mégawatts de capacités d’électrolyse. L’objectif à long terme est d’atteindre une production d’un million de tonnes par an, nécessitant des investissements estimés à 6 milliards d’euros pour la phase initiale et 40 milliards d’euros pour la phase finale d’ici 2050. Ce protocole d’entente marque le début d’une ambitieuse stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène vert, lancée en octobre 2023 par le ministère tunisien de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie. Cette stratégie vise à produire 8,3 millions de tonnes d’hydrogène vert d’ici 2050 et à générer environ 430.000 emplois dans ce secteur émergent. Les conditions climatiques favorables de la Tunisie, avec un ensoleillement élevé et des vents constants, sont idéales pour la production d’hydrogène vert. Et donc, ce projet représente une opportunité significative pour le pays de se positionner comme un leader dans cette nouvelle ère énergétique, ce qui constitue une alternative propre aux combustibles fossiles et offre des applications diverses allant de l’industrie aux transports.
Engagement des bailleurs de fonds et… financement
L’engagement des bailleurs de fonds joue un rôle crucial dans la réussite des projets d’hydrogène vert en Tunisie. La Banque mondiale, par exemple, a identifié des priorités en matière de transition énergétique pour l’Afrique, incluant le soutien à des projets innovants comme ceux liés à l’hydrogène vert. En 2023, la Banque a annoncé un fonds spécial de 500 millions de dollars pour les projets d’énergie renouvelable en Afrique, dont une partie est dédiée au développement de l’hydrogène vert. De même, l’Union européenne a manifesté un intérêt pour soutenir des projets d’hydrogène vert en Tunisie dans le cadre de ses programmes de coopération internationale. L’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (Ndici) de l’UE prévoit des financements pour des projets énergétiques durables, offrant ainsi une opportunité pour la Tunisie de bénéficier d’une aide technique et financière.
Pour tirer pleinement parti de l’opportunité que représente l’hydrogène vert, la Tunisie doit adopter une approche proactive. Il est crucial que le pays développe une stratégie nationale claire, qui inclut la définition d’objectifs précis pour la production et l’utilisation de l’hydrogène vert. Une telle stratégie devrait également inclure des mesures pour encourager les investissements privés, en offrant des incitations fiscales et en facilitant le cadre réglementaire. Le développement d’infrastructures adaptées est également essentiel. La Tunisie devra investir dans la construction d’installations pour l’électrolyse de l’eau, le stockage et la distribution de l’hydrogène. La création de partenariats public-privé pourra aider à mobiliser les ressources nécessaires pour ces investissements. Il est aussi recommandé que la Tunisie renforce sa collaboration avec des partenaires internationaux pour bénéficier de leur expertise et de leurs technologies. Des projets pilotes réussis peuvent servir de tremplin pour une adoption plus large et plus rapide de l’hydrogène vert. Un tel objectif devient de plus en plus réel, surtout qu’en septembre 2023, le ministère tunisien de l’Énergie a dévoilé une stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène vert, visant à faire de la Tunisie un acteur clé sur le marché international de l’énergie propre. La feuille de route ambitionne de produire 8 millions de tonnes d’hydrogène vert d’ici 2050, dont 6 millions pour l’exportation vers l’Europe et 2 millions pour le marché local et la transformation en dérivés.
La stratégie repose sur le dessalement de l’eau de mer en raison de la situation hydrique du pays et prévoit une capacité de production d’environ 100 GW d’énergies renouvelables. L’exportation devrait débuter en 2030 avec 300.000 tonnes d’H2V, atteignant 2 millions de tonnes en 2040. Les investissements seront axés sur les énergies renouvelables, les électrolyseurs et l’infrastructure nécessaire.
Cette stratégie est conçue pour améliorer la balance commerciale tunisienne en réduisant les importations par la production locale d’hydrogène vert et ses dérivés, ce qui pourrait atténuer les déficits commerciaux futurs.
Ceci pour dire que l’hydrogène vert a le potentiel de transformer profondément le paysage énergétique mondial et tunisien. Avec un engagement fort des bailleurs de fonds et une stratégie nationale ambitieuse, la Tunisie peut jouer un rôle de premier plan dans cette révolution énergétique, tout en stimulant son développement économique et en contribuant à la lutte contre le changement climatique. Ainsi, la Tunisie dispose de tous les atouts nécessaires pour devenir un acteur majeur dans la révolution de l’hydrogène vert. Avec ses conditions climatiques favorables, ses plans d’investissement ambitieux et l’engagement substantiel des bailleurs de fonds internationaux, le pays est idéalement positionné pour saisir cette opportunité stratégique. Cependant, le temps est un facteur critique : il est impératif de passer à l’action sans délai pour concrétiser ces projets et transformer ces promesses en réalisations tangibles. Seul un passage rapide à l’étape de mise en œuvre permettra à la Tunisie de tirer pleinement parti de cette révolution énergétique avant qu’elle ne devienne une opportunité manquée.