Dynastie husseïnite – Mohamed El Hédi Pacha Bey : Le Bey empoisonné

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Comme toute monarchie qui se définit en tant que famille régnante, le beylicat de Tunis avait ses propres us et coutumes qui trouvent leur essor dans les circonstances religieuses et les traditions du pays. Ces coutumes  se maintiennent lors des fêtes religieuses, des cérémonies officielles, des funérailles…Qu’adviendra-t-il si un événement extérieur s’interpose et fait gripper les maillons de cette machine coutumière ?

Dans son œuvre «L’héritage du trône chez les Husseïnites», l’historien analyste Mohamed Salah Mzali, qui était ministre durant les années 40 et 50 du siècle dernier, avait levé une équivoque concernant le décès de Ali Pacha Bey. L’annonce du décès avait accusé un certain retard, ce sont des témoins oculaires qui avaient déclaré que les femmes du palais beylical portaient le vêtement de deuil depuis le 10 juin 1902 c’est-à-dire vingt-quatre heures avant l’annonce du décès, soit le 11 juin 1902.

Il y avait énigme : est-il logique que les femmes du palais portaient le vêtement de deuil alors que le bey était encore en vie ?

Selon l’auteur, cette équivoque se confirme aléatoirement par une rumeur persistante rapportant que l’ambassade de France avait autorisé l’inhumation immédiate du bey décédé, alors que de coutume chez la famille husseïnite, la cérémonie d’allégeance du bey successeur précède celle des funérailles, et c’est le nouveau bey, une fois intronisé, qui autorise l’inhumation de son prédécesseur afin de recevoir officiellement les condoléances.

Au cours de cette fameuse journée du 10 juin 1902, Mohamed Aziz Bouattour, le grand vizir, avait même menacé les autorités françaises de présenter sa démission, afin de ne pas assumer la responsabilité du chaos qui pourrait en résulter au cas où le bey défunt serait inhumé avec vacance du trône.

Ce n’est qu’après maintes tractations que la cérémonie d’allégeance au nouveau bey avait eu lieu comme de coutume; sauf que, dans le cas d’espèce, le représentant de la France était présent parmi l’assistance, et c’était lui le premier qui avait prêté le serment d’allégeance au nouveau bey. Il avait déclaré, entre autres, avoir l’honneur en tant que représentant du pays protecteur d’offrir le siège de souveraineté à Mohamed El Hédi Pacha Bey en tant que successeur officiel de feu son père et listé quatorzième bey de la dynastie.

Tentative d’éviction de la monarchie

Pour revenir aux heures de flottement qui avaient caractérisé l’annonce du décès de Ali Pacha Bey, l’auteur analyste, Mohamed Salah Mzali, avait tenté d’élucider le mystère en recourant aux mémoires de Crisbi, le premier ministre italien, édités et traduits en langue française au courant de l’année 1913. Crisbi affirmait, dans ses mémoires, que son consul à Tunis Makiavéli, lui avait rapporté des tractations secrètes tenues entre l’ambassade de France à Tunis et Ali Pacha Bey.

Il était convenu a priori, le 9 juin 1890, que le pouvoir beylical allait prendre fin dès le décès de Ali Bey III et c’était à la France de prendre seule les rênes du pouvoir à Tunis.

Les supposés futurs «héritiers du trône» recevraient une forte indemnité en contrepartie de leur désistement au trône.

Il paraissait, d’après ses mémoires, que Crisbi avait fait des reproches à Ribot son homologue français, pour lui signifier son mécontentement au sujet de cet arrangement indigne, enfreignant d’une part les règles élémentaires de la morale et qui porte préjudice à la diplomatie française, puisque la France s’était engagée auparavant à protéger et maintenir le trône des beys, et ce, d’après le traité du Bardo.

Le ministre Crisbi affirma par la suite que Ribot, le premier ministre français, avait nié la véracité des faits en lui signifiant à son tour que la France tenait ses engagements et que la situation gardait son statu quo. L’équivoque était ainsi complètement levée.

Le bey du trône continuait à régner conformément aux règles du traité du Bardo du 12-05-1881 et à la convention de La Marsa signée le 8-06-1883. Quant à la France, elle est représentée par son résident général, siégeant à Tunis, et est considérée comme pays protecteur.

Echange de visites avec la France

Afin de maintenir de bons rapports avec le pays nouvellement colonisé, le Président de la République Française, Emile Loubet, s’était rendu à Tunis au cours de l’année 1902 pour une visite de courtoisie à sa majesté Mohamed El Hédi Pacha Bey. Cette visite avait eu un impact positif dans la mesure où elle consolidait les bonnes relations entre les deux pays. Elle rassurait aussi l’aspect protecteur de la France au régime beylical.

Dans ce même cadre, Mohamed El Hédi Pacha Bey s’est, à son tour, rendu en France au cours de l’année 1903. Il a été reçu avec tous les honneurs d’un grand sultan par Emile Loubet, le président français. Par cette visite à caractère diplomatique, le bey de Tunis avait voulu suivre la voie de ses prédécesseurs en consolidant et en maintenant de bons rapports avec l’Etat souverain français devenu pour la circonstance un Etat protecteur.

Affaiblissement des relations avec le califat ottoman

Depuis l’instauration au royaume de Tunisie d’un régime protecteur français, les relations entre la régence de Tunisie et le sultanat ottoman n’étaient plus au beau fixe.

Les rapports s’étaient rapidement détériorés. Faut-il rappeler qu’en cette période de fin du 19e siècle et début du 20e siècle l’Empire ottoman vivait des périodes de vaches maigres. On le comparait à «l’homme malade». Le régime ottoman ainsi que le pouvoir d’Istanbul avaient subi des à-coups et perdu peu à peu le rayonnement d’antan : les beys de Tunis ne bénéficiaient plus des rentes accordées par le régime ottoman. De même, ils ne bénéficiaient plus de titres honorifiques ni de l’approbation et de la reconnaissance de leur souveraineté. Mohamed El Hédi Pacha Bey, à l’instar de feu son père Ali, s’était plutôt rapproché de la gouvernance de la France.

Décès énigmatique de Mohamed El Hédi Bey

Le règne de ce Bey n’a pas dépassé les 4 ans (11 juin 1902-11 mai 1906) en dépit de son jeune âge (il avait 47 ans lorsqu’il fut intronisé Bey).   

Sa mort était pour le moins énigmatique. Selon la version de plusieurs princes husseïnites, il serait mort empoisonné par les services français qui n’appréciaient pas ses sentiments nationalistes et sa volonté de s’affirmer, à leurs dépens, comme le véritable souverain du pays. Eux qui se sont habitués à la docilité de feu son père Ali qui ne leur a jamais opposé de résistance !

Au départ, il a été victime d’une paralysie des membres inférieurs alors qu’il s’apprêtait à monter dans son carrosse devant la porte principale de Dar El Bey après la cérémonie du Sceau qu’il avait présidée.

Mohamed El Hédi Bey décéda le 12 mai 1906 dans son palais de Dermech dans la banlieue de Tunis.

Sources
«L’histoire de Tunisie», de Hassen Hosni Abdelwaheb
«L’héritage du trône chez les Husseïnites», de Med Salah Mzali«Les Bey de Tunis» de Mokhtar Bey

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