Reportage au Kenya: Une mine d’or à Nairobi

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Il est seize heures à Nairobi. Le soleil progresse dans sa chute du côté ouest de la capitale du Kenya, pays d’Afrique orientale. Donnant sur l’océan Indien, le Kenya est entouré par le Soudan du Sud et l’Ethiopie au nord, la Somalie à l’est, l’océan Indien au sud-est, la Tanzanie au sud et le lac Victoria et l’Ouganda à l’ouest.


Sur la route vers le parc national, unique en son genre au monde, et le centre des girafes, l’on se sent comme emmitouflé dans une fourrure odorante dispensant non le chaud mais la fraîcheur.

Les Kenyans semblent avoir très tôt compris que la protection de l’environnement et de l’écosystème est primordiale non seulement pour une vie saine, mais aussi pour le développement durable de leur pays.

En traversant la ville, il reste embusqué dans un coin de la mémoire des signaux routiers qui montrent l’attachement des Kenyans à la préservation de la faune et de la flore en plein milieu urbain. On n’a aucunement le droit de toucher à un pingouin ou à un gorille traversant hilare une route ou une piste sinueuse. Les files indiennes tapissant le macadam devant les deux plus grands sites touristiques de Nairobi, à savoir le parc national et le centre des girafes, montrent à quel point les Kenyans ont eu raison de miser sur la préservation de leur environnement naturel.

Au Kenya, Etat membre du Commonwealth, le tourisme est aujourd’hui un moteur essentiel de l’économie. «Avant le Covid-19, le secteur contribuait à près de 10% du PIB du pays. Les performances du tourisme au Kenya ont augmenté de manière significative au cours des cinq dernières années», note le journaliste kenyan Maina Waruru.

En 2015, le nombre d’arrivées de visiteurs internationaux s’élevait à 1.459.500 et les recettes du tourisme international atteignaient 84,6 milliards de shillings kenyans, selon des données officielles. En 2019, ces chiffres sont passés à 2.048.834 arrivées de visiteurs internationaux et des recettes de 163,6 milliards de shillings kenyans. En 2020, les performances touristiques ont continué à croître avec une augmentation de 7,5% d’arrivées de visiteurs internationaux, d’après le ministère du Tourisme kenyan.

Et si l’on renaît de ses propres cendres ?

L’apparition du Covid-19 a provoqué une onde de choc dans le secteur du tourisme, qui s’en est trouvé paralysé à l’échelle mondiale. Au Kenya, des établissements touristiques ont été fermés et la main-d’œuvre licenciée.

A partir de mai 2020, le ministère du Tourisme, en collaboration avec celui de l’Industrie, a tenu des consultations régulières alors que la pandémie du Covid-19 déclenchait ses effets dévastateurs.  «On a accepté le fait que le secteur allait changer à jamais et que nous ne pourrions pas revenir à l’environnement d’avant la pandémie du Covid-19. La nouvelle stratégie touristique pour le Kenya 2021-2025 était donc la réponse du Kenya pour réimaginer l’avenir du secteur du tourisme. Dans cette stratégie, on a fixé les priorités pour le redressement et la croissance du secteur», témoigne la chargée de communication auprès du réseau femmes d’Afrique, Victoria Otieno. La nouvelle stratégie comporte quatre composantes, à savoir la marque, le marketing, les expériences et les catalyseurs et neuf initiatives, dont le repositionnement de la marque, le développement de marchés internationaux nouveaux et existants, l’expansion du marché touristique national, le développement d’une expérience nouvelle et améliorée dans les parcs et réserves et le renforcement du tourisme côtier. La mise en œuvre réussie de cette stratégie a fait que tous les acteurs de l’industrie du tourisme travaillent en synergie.

Une des meilleures expériences réussies d’Afrique Australe

Les zones protégées sont cruciales pour la préservation des espèces animales. Au Kenya et en Afrique Australe, des aires protégées ont été aménagées à cet effet. Ces zones de conservation ont été créées en Namibie dans les années 1990, alors que ce pays était le premier du continent à introduire des mesures de protection de l’environnement dans sa Constitution. Gérées par des propriétaires privés ou des communautés, ces zones protégées ont pour but la conservation des ressources naturelles, afin de sauvegarder les espèces qui y vivent. Des opportunités de recherche scientifique, d’éducation et de loisirs y ont été développées. Financée en partie par le Fairmont Mount Kenya Safari Club, la Mount Kenya Wildlife Conservancy (MKWC) est plantée sur les splendides pentes du Mont Kenya. La propriété centenaire qui abrite l’hôtel et la MKWC fut une demeure privée, avant de devenir un club de chasse. En 1967, elle devient hôtel de luxe avec une réserve de faune sauvage. Aujourd’hui, l’hôtel et son parc comptent plus d’une centaine d’espèces animales, dans des zones de semi-liberté, à proximité d’autres sanctuaires naturels proches du Mont Kenya.

Bongos et girafes sauvés de l’extinction

Les bongos, ces grandes antilopes des forêts tropicales sont endémiques au Kenya. Récemment, ils étaient extrêmement menacés par la pression sur leur habitat et le braconnage.

En partenariat avec le Kenya  Wildlife Service (KWS), la MKWC a mené le programme Bongo, notamment pour restaurer les habitats naturels via la plantation d’arbres. Le programme a porté ses fruits: aujourd’hui, la MKWC abrite 67 bongos en cours de réintroduction dans les forêts du mont Kenya, alors qu’il reste moins de 100 bongos à l’état sauvage dans le monde.

Pourtant animal emblématique en Afrique, la girafe était aussi en déclin. Au Kenya, le nombre de girafes réticulées, l’une des quatre espèces de girafes kenyanes, a diminué de près de 50% au cours des 30 dernières années. Après 40 ans d’extinction locale, la MKWC a pu réintroduire ces girafes dans sa zone protégée.

Le tourisme, une solution

D’habitude, le tourisme est décrié pour son impact carbone, mais l’expérience de la MKWC semble avoir bousculé bien des certitudes. Et les touristes se sont avérés une part de la solution pour la préservation de la faune sauvage.

La pandémie du Covid a permis l’expérimentation d’une période sans visiteurs. Pour Dr Robert Ahuro, c’était néfaste : «Plus de 90% des ressources pour nos programmes viennent du tourisme. Les zones protégées ne peuvent pas survivre sans le tourisme, sans parler de l’augmentation du braconnage à cette période», a-t-il déclaré à la presse locale. Et de poursuivre : «La manière dont on voyage compte beaucoup. Il faut évidemment compenser son empreinte carbone. Et les quotas aussi peuvent être une solution, comme au Bhoutan par exemple, on pourrait fixer des limites pour contrer le tourisme de masse. L’éducation et la sensibilisation sont pour nous prioritaires».

Après un long voyage en terre kenyane, l’on retient que le passage d’un espace citadin marqué par le style anglo-saxon vers une faune et flore sauvage en plein milieu urbain se fait sans rides. Il reste également embusqué dans un coin de la mémoire que l’inertie des hommes est une borne au-delà de laquelle la lumière est plus crépitante.

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