En Afrique, de plus en plus de pays veulent engager la coopération avec les initiatives « La Ceinture et la Route ». La coopération entre la Chine et les pays de l’Afrique du Nord pourrait aider à mieux faire face au changement climatique et avoir accès à un développement durable.
Le modèle de développement chinois inspire de nombreux pays africains. En particulier, l’initiative « la Ceinture et la Route » lancée en 2013, qui illustre le renforcement des liens entre la Chine et l’Afrique. La Tunisie est appelée à ne pas rater le train d’une coopération triangulaire Afrique-Tunisie-Chine qui offre une opportunité historique pour les pays africains en vue d’accélérer leur développement. C’est la conclusion qui se dégage du colloque Chine-Afrique organisé à Tunis le 9 octobre par l’Académie diplomatique internationale en présence de Mohamed Ben Ayed, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, à la Migration et aux Tunisiens à l’étranger, SE Wan Li, ambassadeur de la République populaire de Chine, des chefs de missions africaines, ainsi que des cadres de l’État, d’anciens ambassadeurs, des universitaires, des experts en relations sino-africaines et des représentants des médias.
Un volume d’échanges commerciaux en nette évolution
En réalité, et au-delà du thème de ce colloque axé sur une coopération triangulaire appelée à se renforcer davantage, c’est une autre vision du monde de demain qui se profile à l’horizon. « Les conflits géopolitiques sont en train de l’emporter sur l’agenda du développement dans le monde. Les sanctions prises par les pays occidentaux contre la Russie ou l’Iran n’ont été suivies par aucun pays du Sud global, ce qui démontre bien le changement dramatique intervenu dans ce monde », déclare à cette occasion le professeur Khaled Hammes, de l’Université Mohamed V, au Maroc. Ce dernier s’est attardé sur la naissance des Brics qui reflète l’émergence du « Sud global », une notion très à la mode aujourd’hui. Les pays du sud, en développement, manquent d’investissement dans les infrastructures. Mais grâce aux initiatives « Ceinture et Route », beaucoup de pays ont amélioré leur infrastructure et se sont engagés dans l’industrialisation.
Les pays des Brics représentent le changement fondamental sur l’échiquier international. Dans les années 90, le PIB des Brics était très limité. En 2020, le PIB des pays constituant ce groupe a dépassé celui des G7, enregistrant un record historique, et l’écart ne cesse de s’élargir. Selon le professeur Hammes, les investissements directs chinois en Afrique ont atteint en 2021 plus de 4 milliards de dollars. Depuis 2013, plus de 1000 projets d’infrastructure ont été financés par la Chine en Afrique le montant total du financement chinois des projets d’infrastructure en Afrique dépasse les 150 milliards de dollars. La Chine a fourni plus de 60 milliards de dollars d’aide au développement de l’Afrique depuis 2000. Les secteurs qui bénéficient de l’aide chinoise sont la santé, l’éducation à l’agriculture et le développement urbain
En 2022, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique a atteint 282 milliards de dollars contre 254,3 milliards de dollars en 2021. Les exportations africaines vers la Chine sont principalement les matières premières telles que le pétrole, les minéraux, les produits agricoles. Les exportations de la Chine vers l’Afrique comprennent des produits manufacturés tels que les machines, les véhicules et les biens de consommation.
Parce que les pays africains ont confiance dans la capacité de la Chine à les aider à se développer, à la fin 2022, le stock d’investissement direct de la Chine en Afrique dépassait déjà 40 milliards de dollars, et plus de 3000 entreprises chinoises ont investi et créé des entreprises en Afrique. La Chine a construit et modernisé plus de 10.000 km de voies ferrées, près de 100.000 km de routes, près de 1000 ponts et près de 100 ports en Afrique et a construit des réseaux d’électricité et de télécommunication pour de nombreux pays.
Ainsi, la diplomatie du développement pacifique axée sur le principe de non-ingérence a-t-elle permis de renforcer les échanges commerciaux et économiques entre les deux parties. En 2023, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique a atteint des sommets historiques de 282,1 milliards de dollars.
Lors d’une intervention en live streaming à partir de la Chine, le professeur Ding Yifan, directeur adjoint du centre de recherche du développement du conseil des Affaires d’Etat de Chine, a expliqué de son côté que son pays n’a jamais été une puissance impérialiste contrairement à la puissance occidentale et que plus de 19 pays ont déjà demandé l’adhésion aux Brics.
L’initiative « La Ceinture et la Route » illustre bien le renforcement des liens entre la Chine et l’Afrique. En août 2023, plus de 150 pays étaient officiellement affiliés à cette initiative.
La Tunisie et la problématique de la logistique
A ce propos, Anis Jaziri président de Tunisia-Africa Business Council (Tabc) souligne, avec un certain regret, que la Tunisie n’est pas réellement sur la route de la soie. La question est de savoir comment mettre en œuvre une réelle stratégie de coopération. « Il y a beaucoup à faire d’autant qu’on n’a pas une ligne maritime directe avec la Chine. On est en compétition avec d’autres pays en raison de la problématique de la logistique alors que l’un des grands projets programmés dans le secteur du transport et qui consiste notamment à réaliser deux quais (n°s8 et 9) sur une profondeur de 11 mètres en vue d’accueillir de grands navires et assurer la liaison entre la zone logistique et les routes accuse un grand retard au niveau de la concrétisation.
« Qui dit faible logistique dit faible coopération et il nous manque un corridor central pour booster la coopération avec la Chine », signale-t-il, et ce, au moment où 76% de nos échanges se font avec l’Europe. L’Ethiopie a réalisé des avancées considérables grâce à la coopération avec la Chine et la question qui se pose est la suivante : « Pourquoi on n’a pas de grandes entreprises en Tunisie ? », se demande Anis Jaziri. Ce dernier insiste à dire à la fin qu’il y a une urgente nécessité de faire augmenter les investissements chinois en Tunisie.
Sur le plan économique, la Chine a développé sa propre conception d’une mondialisation avec des caractéristiques chinoises. C’est une perspective alternative au néolibéralisme occidental qui n’a pas réussi à tenir les promesses de prospérité pour le monde, y compris l’Afrique qui considère la perspective chinoise d’une mondialisation économique inclusive et bénéfique pour tout le monde, comme la plus proche de ses aspirations et de ses principes, révèlent les intervenants dans le cadre de ce colloque.
Le projet « Ceinture et la Route » repose sur la non-ingérence et le rejet de la conditionnalité
Le professeur Khaled Hammes conclut, à cet effet, que l’Occident croyait que sa civilisation était supérieure à celle des autres, ce qui a fait que sa barbarie est acceptable dans l’opinion publique de ses pays, durant la période du colonialisme européen et de l’impérialisme américain, mais aujourd’hui le temps change. La coopération des Brics a attiré l’attention de beaucoup d’autres pays. En même temps, la Chine est devenue le plus grand partenaire commercial de ces pays.
Le commerce de la Chine avec les pays partenaires de l’initiative « La Ceinture et la Route », dépasse celui avec l’Occident, ce qui réduit l’exposition de l’investissement chinois aux risques financiers américains.
D’autres intervenants, dont l’ancien ministre sénégalais Hamidou samba Kassé, ont insisté en particulier sur la stabilité politico-financière comme une condition indispensable et nécessaire susceptible d’encourager et de faciliter l’implantation des entreprises. Il faut aussi veiller à l’application des principes de la bonne gouvernance, à assurer la bonne connectivité et adhérer aux accords de libre-échange. « La Ceinture et la Route », c’est la philosophie de la solidarité et du partage qui transcende les continents, offrant un exemple unique d’une mondialisation corrigée. C’est l’aspiration affirmée de l’Afrique à traiter d’égal à égal dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant » dans un contexte marqué par les conflits en Palestine, au Liban, entre la Russie et l’Ukraine, en RDC. « Aux décideurs politiques de passer à l’action », conclut-il.
Le train du développement en matière de coopération sino-africaine est bel et bien sur les bons rails, s’accordent à constater les participants dans ce colloque. Le projet de la « Ceinture et la Route » est considéré comme une véritable incarnation de l’idée de mondialisation selon des caractéristiques chinoises. Il est l’exemple le plus important de la dimension mondiale de la pensée et de l’action chinoise. La vision de ce pays pour la coopération économique repose sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays, le rejet de la conditionnalité, et la recherche du profit mutuel gagnant-gagnant.
Gratitude pour le soutien chinois à la Tunisie
Notons que dans son allocution, M. Mohamed Ben Ayed, secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, a salué le niveau des relations sino-africaines privilégiées, fondées sur des intérêts communs et un développement solidaire et inclusif, conformément à la vision Africa 2063 et à l’Agenda 2030 pour le développement durable. Il a également souligné la solidité des relations bilatérales tuniso-chinoises et la dynamique positive observée ces dernières années. De son côté, l’ambassadeur de Chine, SE Wan Li, a réaffirmé l’importance que son pays accorde à son partenariat avec le continent africain. Il a exprimé à cette occasion la disposition totale de la Chine à renforcer le partenariat stratégique avec la Tunisie.
Il a exprimé sa gratitude pour le soutien chinois à la Tunisie dans des secteurs prioritaires tels que les infrastructures, la santé, la jeunesse et le sport, particulièrement après la visite historique du Président de la République, Kaïs Saïed, à Pékin en mai 2024, qui a abouti à la signature de la déclaration conjointe sur le partenariat stratégique entre les deux nations.
Ce colloque, qui s’est déroulé sous forme de trois sessions de discussion, s’inscrit dans le cadre de la célébration du soixantième anniversaire des relations diplomatiques tuniso-chinoises. Il vise également à approfondir la réflexion sur l’état et les perspectives de la coopération et du partenariat entre la Chine et le continent africain. Les participants ont, à cet effet, souligné la nécessité de poursuivre le dialogue et le partenariat entre les deux parties afin de bâtir une communauté caractérisée par la durabilité et la justice, constituant ainsi un modèle de coopération internationale au service de l’humanité à l’avenir.