Grands oubliés de la scène touristique, les guides touristiques jouent un rôle clé dans la promotion des territoires. Leur mission ? Romancer l’histoire des endroits emblématiques, donner une deuxième vie à des reliques séculaires et attiser l’imagination des voyageurs et des touristes dont les esprits iront vagabonder entre les venelles des villes et les artères des souks. Ils constituent, pour ainsi dire, un maillon essentiel de la chaîne touristique bien que leur travail demeure souvent invisible.
En effet, l’activité des guides touristiques est confrontée à plusieurs difficultés dans le contexte tunisien, du fait que le cadre réglementaire n’est plus en phase avec les exigences du marché mais aussi avec la réalité de la profession.
C’est ce qu’a affirmé, en somme, Chedli Sfaxi, président du syndicat des guides touristiques à La Presse. “Le cadre réglementaire date de 1973. Il est devenu caduc. Toutes les filières du secteur touristique ont procédé à une mise à niveau des réglementations qui les organisent à l’exception de notre métier qui est resté à la marge”, a-t-il souligné. Affirmant qu’il s’agit d’une vieille revendication du syndicat, Sfaxi a indiqué que la révision de la loi organique relative au statut de guide touristique s’avère aujourd’hui nécessaire pour préserver le métier et assurer sa mise à niveau de façon à suivre les nouvelles exigences du marché. “Notre profession a beaucoup évolué, notamment avec la percée des nouvelles technologies qui ont transformé la façon de l’exercer.
D’autres facteurs externes, tels que les crises géopolitiques ou encore la crise Covid, ont changé irréversiblement notre métier”, a-t-il ajouté. Sfaxi a, dans ce sens, indiqué que les nouvelles technologies sont en train d’impacter significativement la profession. “Malheureusement, la loi en vigueur comporte des contraintes qui nous empêchent de nous adapter aux nouvelles attentes du marché, en constante évolution”, a-t-il asséné.
Une transformation bouleversante
La digitalisation constitue, en effet, un des enjeux majeurs auxquels le métier est appelé à répondre. Ce besoin de basculer vers le digital n’a pas été aussi impératif qu’il l’est aujourd’hui. La crise Covid a donné un coup d’accélérateur à une tendance qui faisait déjà son chemin. Le métier est en train de se virtualiser et l’utilisation des nouvelles technologies n’est plus aujourd’hui une option. “Dans plusieurs pays, les guides ont profité de la crise Covid qui, on le sait tous, a paradoxalement touché de plein fouet le secteur du tourisme et au moment où tous les pays ont été mis sous cloche. Pour les guides touristiques, cela a constitué une opportunité qui a pu voir le jour grâce à l’espace virtuel où ils ont pu exercer leur métier. Or, en Tunisie, il existe encore des contraintes réglementaires qui empêchent la profession de se moderniser. Par exemple, la loi interdit l’utilisation des smartphones et des stabilisateurs pour filmer et vendre en ligne une aventure créée et vécue par un guide touristique. Les moyens et les canaux de communication ont changé et notre métier doit s’adapter à cette nouvelle donne”, a-t-il enchaîné.
Sfaxi a, en outre, ajouté que la fixation du plafond de rémunération, l’amélioration des conditions de travail, la prolifération des intrus à la profession et le manque de contrôle sont autant de difficultés qui entravent l’essor de ce métier. “Nous sommes des travailleurs indépendants. Il est donc crucial que le statut de la profession puisse garantir nos droits vis-à-vis de nos clients qu’il s’agisse d’agences de voyage ou autres.
On est considéré comme étant un métier annexé aux voyagistes alors qu’en réalité, nous sommes une profession libérale et nous pouvons exercer notre métier de façon indépendante. Le guide touristique peut offrir ses services à n’importe quelle personne qui en demande”, a-t-il enchaîné.
Une décision qui arrive à point nommé
Sfaxi n’a pas hésité à pointer du doigt la prolifération des intrus à la profession qui sont en train de nuire à l’image du guide touristique. “Le guide touristique est un métier à part entière qui nécessite une formation académique, d’autant plus que qu’il n’est pas permis à n’importe quelle personne d’accompagner les étrangers. C’est une activité réglementée par la loi. Nous comptons parmi nous même des doctorants. Ces intrus sont en train de nuire à notre métier. L’instauration de sanctions pénales à l’encontre de toute personne usurpant l’identité d’un guide touristique peut être une solution efficace à ce fléau. A l’instar de tout autre métier, la profession du guide touristique doit être protégée”, a-t-il indiqué.
Sfaxi a ajouté que le corps de métier propose de résoudre tous ces problèmes, en procédant à la révision du statut professionnel du guide touristique, qui définira les contours du métier mais aussi le protéger.
Dans ce contexte, la récente décision du conseil des ministres, prise lors de sa réunion de jeudi dernier, visant à réviser le décret n° 512 du 30 octobre 1973 relatif à l’organisation de la profession de guide touristique, s’inscrit dans cette mise à niveau nécessaire. «Le deuxième projet de décret va dans le sens de la politique sociale de l’Etat, en permettant aux diplômés de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur, ayant suivi avec succès la formation de base à la profession de guide touristique, d’obtenir une carte professionnelle. L’objectif ultime de cette mesure est d’améliorer la qualité des services touristiques et culturels, et d’ouvrir de nouveaux horizons aux jeunes», explique le communiqué. Une décision qui sera certainement suivie d’autres.