Accueil A la une Fonds de protection sociale des ouvrières agricoles : L’autonomisation économique au concret

Fonds de protection sociale des ouvrières agricoles : L’autonomisation économique au concret

 

La création de ce fonds est venue confirmer le rôle social de l’Etat prôné par le Président Kaïs Saïed durant ce nouveau quinquennat, ainsi que le rétablissement des femmes ouvrières agricoles dans leurs droits.

Le 26 août dernier, le Président de la République avait ordonné, lors de sa rencontre avec le Chef du gouvernement, Kamel Maddouri, l’élaboration d’un texte de loi pour la création d’un fonds de protection sociale au profit des ouvrières agricoles, qui leur garantit la prise en charge médicale et l’assurance contre les accidents de travail et les maladies professionnelles, en plus d’une pension de retraite. Le grand intérêt accordé par le Chef de l’Etat à ce projet émane de sa conviction que la femme ouvrière en dépit de sa grande contribution dans la chaîne de production agricole, demeure marginalisée socialement et économiquement, étant l’objet d’exploitation et d’exclusion et vivant dans la précarité. L’incapacité de l’Etat à la protéger ne pouvait plus durer.

Le rôle social de l’Etat

A peine quelques jours après les directives présidentielles inhérentes à la création de ce fonds de protection sociale, et plus précisément le 14 septembre dernier, le Chef du gouvernement est passé à l’action en soulignant lors de la tenue d’un Conseil des ministres restreint la nécessité de parachever l’élaboration du cadre juridique du système de protection sociale des ouvrières agricoles. Ce conseil s’est tenu en présence des ministres des Finances, de la Famille, de la Femme, de l’Economie, des Affaires sociales, de l’Agriculture, de l’Emploi et de la Formation professionnelle ainsi que du Transport.

«L’objectif ultime de la création du Fonds de protection sociale est de permettre aux travailleuses dans le domaine agricole d’être un des acteurs économiques dans le cycle du développement de manière à leur garantir l’autonomisation économique», avait souligné Kamel Maddouri à cette occasion. «Ce mode de protection sociale repose sur un système intégré qui vise à promouvoir la culture de l’entrepreneuriat à travers des incitations financières et des mécanismes garantissant la protection sociale contre la maladie, les accidents de travail et des pensions de retraite», ajoute le Chef du gouvernement. Il a dans ce même contexte mis l’accent sur l’importance de concevoir un nouveau modèle de développement basé sur le rôle social de l’État ainsi que sur les politiques publiques sociales et économiques, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la formation et de la protection sociale.

La création de ce fonds est venue confirmer le rôle social qui incombe à l’Etat durant ce nouveau quinquennat, ainsi que le rétablissement des femmes ouvrières agricoles dans leurs droits, elles qui perçoivent des salaires très bas contre un travail physique épuisant qui dure toute la journée.  Ces dernières ne bénéficient d’aucune protection sociale ni d’accès aux services de soins.

Problèmes de santé, transport dangereux et travail exténuant

Selon des chiffres du ministère de l’Agriculture, 32% des femmes tunisiennes vivent en milieu rural. L’Institut national de la statistique (INS) rapporte que 65% d’entre elles abandonnent leurs études à un âge précoce, ce qui contribue à un taux d’analphabétisme de plus de 30% chez les femmes rurales.

Les femmes représentent 70% de la main-d’œuvre agricole tunisienne, mais elles sont payées environ 50% de moins que les hommes et ont un accès très limité à la protection sociale . Seulement 33% des femmes travaillant dans l’agriculture sont protégées par la sécurité sociale, un chiffre qui est également bien inférieur à celui des hommes – avec seulement 93.500 femmes contre 377.000 hommes bénéficiant du régime de protection sociale, indique une étude élaborée en 2021 par l’Arab Reform Initiative, (Think Tank indépendant).

De nombreuses travailleuses journalières ou saisonnières perçoivent une très faible rémunération journalière comprise entre 7 et 15DT, alors que les hommes gagnent entre 14 et 30DT pour le même travail fourni. Il est courant que de nombreuses femmes acceptent 7DT par jour juste pour avoir un peu d’argent et subvenir ainsi aux besoins de leurs familles, rapporte la même source. Elles ont généralement une charge de travail excessivement lourde, car elles doivent combiner un travail agricole physiquement exigeant, des responsabilités d’éducation et de soins à domicile. Selon une étude réalisée en 2015 par l’Association tunisienne des femmes démocrates, environ 60% des femmes des régions rurales souffrent de problèmes de santé essentiellement liés au travail au moment où elles n’ont pas de couverture sanitaire. En effet, seule une petite fraction de femmes rurales, estimée à 10%, a accès à des soins de santé gratuits, en raison de la nature informelle de leur travail, selon une étude récente réalisée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes).

Les ouvrières agricoles sont aussi confrontées à de graves risques en raison des moyens de transport dangereux étant inadaptés auxquels elles recourent pour se rendre sur leur lieu de travail et en revenir. L’adoption d’un décret organisant un service de transport public non régulier pour les femmes travaillant dans l’agriculture, relatif à la loi 51 de 2019, adopté en août 2020 n’a pas été en mesure de mettre un terme aux tragiques accidents qui surviennent sur les routes agricoles.

A ce propos, des plans et programmes sont en cours de développement au sein du ministère de la Femme visant à encourager l’inclusion de la main-d’œuvre agricole féminine dans les Groupes de développement agricole et la société mutuelle de services agricoles et s’assurer que ces femmes sont employées formellement. Des propositions sont également débattues pour intégrer les intermédiaires travaillant de manière informelle dans le secteur formel.


Une subvention publique de 5MD

Le projet de loi de finances 2025 prévoit la création d’un Fonds de protection sociale des ouvrières agricoles et la garantie d’avantages fiscaux en leur faveur et ce, dans le cadre du soutien des efforts de l’Etat dans l’encadrement des catégories vulnérables et à revenu limité.

Selon l’exposé des motifs de ce projet de loi, l’objectif est de mobiliser les financements nécessaires pour garantir la mise en œuvre des programmes de protection sociale en faveur des ouvrières agricoles afin de renforcer leur rôle en tant qu’acteur économique.

Ce fonds sera financé par une subvention du budget de l’Etat de 5 millions de dinars, une taxe de 1% sur les primes d’assurance payée par les assureurs, une taxe de 5 dinars sur les certificats de visite technique payée par l’Agence tunisienne de transport terrestre et 10% du montant total des infractions routières annuelles, outre les donations et les ressources pouvant être mobilisées selon la législation en vigueur.

Soumis hier au Parlement et au Conseil national des districts et des régions, ce projet de loi prévoit également l’exemption totale des ouvrières agricoles bénéficiaires du fonds de l’impôt sur le revenu pendant 5 ans afin d’alléger leurs charges fiscales.

Par ailleurs, en vue de réduire le coût du transport des travailleurs agricoles et d’encourager les professionnels du secteur à exercer cette activité, le projet de loi propose l’exemption des véhicules destinés au transport des travailleurs agricoles des taxes de circulation à condition de ne pas exercer d’autres activités liées au transport de personnes ou de marchandises.

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