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Agence Foncière Industrielle : Vers une vision stratégique plus pertinente

 

Aujourd’hui, l’Agence foncière industrielle est à la croisée des chemins. Face à un impératif de renouvellement, elle doit se réinventer pour répondre aux aspirations des investisseurs. Des enjeux majeurs se dressent devant cette institution qui constitue un acquis pour la Tunisie. Entre durabilité et connectivité, la  nouvelle génération de zones industrielles doit être à la hauteur des attentes des industriels qui doivent, eux-mêmes, faire face à des obligations environnementales et à des défis logistiques. 

Créée dans les années 70 pour appliquer les politiques de l’Etat dans le domaine du foncier industriel, l’Agence foncière industrielle (AFI) constitue un instrument clé auquel recourt l’Etat pour accroître l’attractivité du pays en matière d’investissement. A peine sortie de son expérience très controversée des coopératives, la Tunisie, changeant de cap, a balisé la voie vers une économie libérale qui encourage l’investissement privé, en particulier l’investissement étranger. L’AFI s’est vue alors confier la mission de gérer les réserves foncières, en vue d’aménager des zones industrielles. La première génération desdites zones a rapidement vu le jour vers la fin des années 70, et ce, grâce à la volonté de l’Etat d’accélérer la cadence des investissements.

En effet, le tiers des zones industrielles créées jusqu’à aujourd’hui a été aménagé en un temps record entre 1975 et 1985. Tout a été mis en œuvre pour faciliter le travail de l’agence qui a mis les bouchées doubles et n’a pas lésiné sur les efforts : acquisition de terrains au dinar symbolique, travail concomitant et sans interruption entre les diverses structures étatiques impliquées… L’objectif était d’aboutir à la conception de lots aménagés exploitables par les promoteurs. Mais cet élan a été, par la suite, freiné. La complexité et la lourdeur administratives ont, en quelque sorte, ligoté l’agence et réduit ses marges de manœuvre et les procédures de conversion des terres agricoles en terrains industriels s’étirent en longueur.

Dans le Grand Tunis, où se concentre une forte demande des investisseurs, le stock foncier devient une denrée rare. La réalisation de nouvelles zones industrielles a commencé à prendre davantage de temps, estimé aujourd’hui à une moyenne de 6 ans. Après 2011, les délais de réalisation de nouvelles zones industrielles se sont davantage allongés, les travaux de certaines zones ont été carrément bloqués. C’est le cas de Jaâfer à Raoued qui est une zone industrielle programmée dans le plan d’aménagement de 2009, mais dont les travaux ont été suspendus en 2011, en raison de l’occupation illicite de l’entrée de la zone par des habitants de la région.

Les zones de développement, une priorité pour l’Etat 

L’AFI est également un instrument de développement régional, puisqu’elle assure la conception des zones industrielles dans les régions de façon à répondre aux besoins des investisseurs qui peuvent être parfois réticents à s’installer en dehors des grandes villes. L’agence a, en effet, achevé l’aménagement de 100 zones industrielles sur une superficie de 3.000 hectares. Le Grand Tunis et la zone littorale se taillent la part du lion avec 53 zones industrielles, financées entièrement par l’AFI, totalisant une superficie de 2.248 hectares, tandis que celle des zones de développement régional, financées par l’Etat, s’étend sur 841 hectares.

Selon les responsables de l’AFI, l’appétence des investisseurs pour le foncier dans les régions intérieures, bien que moindre par rapport à celle pour les zones littorales, reste significative. Ces derniers sont souvent attirés par les avantages financiers offerts par l’Etat.

Le problème latent de la maintenance des zones industrielles

Sachant que certaines zones industrielles datent de plus d’une cinquantaine d’années, la question de leur maintenance et réhabilitation se pose avec acuité. Le décret publié en 1994, permettant la création de groupements de maintenance et de gestion (GMG), n’a pas résolu le problème. Le modèle de financement des GMG, basé sur la cotisation volontaire des promoteurs installés dans les zones industrielles, n’était pas, à vrai dire, un modèle réussi. La loi est pratiquement restée lettre morte. La Tunisie ne compte actuellement que 50 GMG, dont la moitié est inactive.

Le décret 68-2022, avait pour finalité de trouver définitivement une solution à la problématique de la maintenance des zones industrielles, et ce, en autorisant l’AFI de procéder à la maintenance et à la réhabilitation des zones industrielles, en l’absence de GMG et de toutes autres structures intéressées, chaque fois que cela était  nécessaire. Son intervention est déterminée par un cahier des charges et le financement des travaux de maintenance et de réhabilitation est possible grâce au recouvrement des cotisations des industriels.     

Une nouvelle vision 

«Aujourd’hui, l’AFI est à la croisée des chemins. Face à un impératif de renouvellement, elle doit se réinventer pour répondre aux aspirations des investisseurs», c’est ce qu’a confirmé en somme, le PDG de l’AFI, Kais Mejri à La Presse, en marge d’une journée de formation organisée par l’Agence. Selon le premier responsable de l’Agence, des enjeux majeurs se dressent aujourd’hui devant cette institution qui constitue un acquis pour la Tunisie.

Entre durabilité et connectivité, la nouvelle génération de zones industrielles doit être à la hauteur des attentes des industriels qui, eux-mêmes, sont face à des obligations environnementales, mais qui aussi doivent faire face à des défis d’ordre logistique.

Mejri explique, en ce sens, que la Tunisie doit préserver voire améliorer sa compétitivité dans un contexte où la concurrence régionale est rude. Deux événements majeurs ont, en effet, donné du fil à retordre à l’AFI dont le principal souci est de satisfaire le besoin immédiat des investisseurs. La guerre russo-ukrainienne et la pandémie du Covid ont accéléré les politiques de relocalisation et changé les cartes industrielles mondiales. Ainsi, les industriels européens se sont orientés massivement vers les pays de la rive Sud de la Méditerranée en vue de sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement.

L’exemple le plus flagrant est celui des constructeurs automobiles qui n’ont pas hésité à délocaliser leurs unités vers des pays tels que le Maroc, la Tunisie ou encore l’Egypte.

La demande était pressante mais la Tunisie, forte de ses atouts compétitifs, a réussi malgré tout à retenir ces industriels dans un contexte très concurrentiel. Cela a constitué pour l’AFI un élément déclencheur la poussant à réfléchir à concevoir non seulement une nouvelle génération de zones industrielles mais aussi des locaux industriels clés en main. Une façon d’attirer davantage les investisseurs et de les détourner des autres sites concurrentiels.  Selon le PDG de l’AFI, la taxe carbone aux frontières constitue un autre élément catalyseur qui est à l’origine de l’idée de zones industrielles durables.

Ce mécanisme est, en effet, venu imposer aux industriels installés en dehors de l’Europe des normes environnementales strictes dont l’objectif consiste à réduire l’empreinte carbone.

Faisant montre d’agilité, l’AFI a d’abord procédé à une comptabilité de sa propre empreinte carbone, afin de mieux comprendre les défis auxquels font face les investisseurs qui se doivent de réduire leurs émissions.

Cet exercice a permis à l’agence de prendre conscience de l’ampleur des nouveaux enjeux industriels. Aujourd’hui, la conception de zones industrielles vertes et intelligentes permettant aux industriels, à la fois, l’accès aux énergies renouvelables (grâce à la mutualisation de la production) ainsi qu’aux services Smart (via une infrastructure développée) est le fer de lance de l’AFI pour la période à venir.

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