Réduit à consommer de la volaille, le Tunisien ne sait plus où donner de la tête. Chaque jour, les professionnels de cette filière, ainsi que les marchands spécialisés dans le commerce des poulets et dérivés, lui en font voir de toutes les couleurs.
Ce n’est, donc, pas de gaieté de cœur qu’il se rabat sur la viande blanche. Et encore moins sur les produits dérivés. L’explication est simple: les viandes rouges ou les poissons sont hors de portée. Non seulement de la bourse du Tunisien à faible revenu, mais aussi de celle de l’écrasante majorité de la population.
Toujours en hausse
La mise en scène orchestrée depuis l’été dernier autour de la filière volaille se devait de créer un climat favorable à une augmentation des prix et du poulet de chair et des œufs.
On a pu le constater au jour le jour. C’est, aussi, ce que révèle un rapport de l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri). Au cours du mois de septembre 2024, les prix ont connu des fluctuations faisant varier les prix du kg du poulet entre un maximum de 7D 947 millimes et un minimum de 6D 370. Ce qui veut dire une hausse de 5.7 % par rapport au mois de septembre 2023. Mais, dans les faits, il faut multiplier ces prix par deux. Ce sont les prix pratiqués par les marchands de volaille.
Quant au cours des œufs, la même remarque est à faire. En effet, une hausse évidente a été enregistrée en juillet dernier. Le prix moyen de production a été fixé à 253.3 millimes l’unité. Soit une augmentation de 25.1 % par rapport à la même période de 2023. Il faut dire qu’au cours de cette décennie, le prix des 4 œufs a plus que quadruplé. Si, avant, on pouvait enregistrer des hausses ou des baisses selon l’offre, aujourd’hui les cours sont toujours orientés vers les sommets. Les profiteurs sont là pour maintenir la situation sur cette trajectoire. Aussi, les autorités ont-elles fixé un tarif pour les 4 œufs mais on trouve toujours le moyen de contourner la mesure. Tout en respectant la consigne, les commerçants vendent alors des œufs de petit calibre. Les œufs moyens ou de taille habituelle disparaissent de la circulation comme par enchantement. On se demande où ils vont et ce que l’on en fait.
Motus et bouche cousue. La spéculation est à l’œuvre.
L’explication la plus évidente se cacherait derrière la multiplication des marques d’œufs proposés dans de nombreux emballages et vendus plus cher. Les grandes surfaces s’illustrent parfaitement dans ce commerce en offrant des produits soi-disant spéciaux (couleur de la coquille, jaune d’œuf plus foncé, oméga 3, etc.). Pour tout dire, tout est bon pour en faire un argument de vente.
Changer les méthodes de contrôle
Ce qui est plus grave, par contre, c’est que ce phénomène a ruiné d’importants circuits à l’instar de celui de la viande rouge, des poissons et des fruits. Il est en train de s’attaquer à la seule filière représentant une source de protéines pour les plus démunis. Au rythme où les choses évoluent, on craint que les spéculateurs ne parviennent à s’emparer de ce créneau pour en faire leur chasse gardée et, par la suite, imposer leurs règles. Ce sera, alors, l’impasse pour le consommateur tunisien qui sera privé de l’unique issue de consommer de la viande. Par ailleurs, on ne peut que s’étonner des déclarations de responsables de la filière avicole qui ne font que rassurer les Tunisiens en promettant une stabilité des prix et de la production. On aimerait, pourtant, rappeler à ces responsables qu’ils sont, malheureusement, à côté de la plaque. Ils n’ont qu’à voir les pratiques du marché. Rien de ce qu’ils affirment n’est vérifiable sur le terrain. Bien plus: c’est tout à fait le contraire qui est vrai. Aussi, est-il souhaitable que les autorités réagissent de manière plus énergique et plus méthodique pour éviter une dérive du secteur, quitte à revoir certaines réglementations désuètes.