«Césaria Evora, la diva aux pieds nus» d’Ana Sofia Fonseca à la clôture du festival «Vues sur les arts» à l’Agora : Portrait d’une artiste hors norme

 

C’est avec le documentaire «Césaria Evora, la diva aux pieds nus» d’Ana Sofia Fonseca que s’est clôturée en beauté, dimanche dernier à l’Agora de La Marsa, la 5e édition du festival «Vues sur les arts», qui a démarré le 16 octobre avec la projection en exclusivité du biopic «Monsieur Aznavour» de Mehdi Idir et Grand Corps Malade.

A l’instar de Kawkeb Echarq Oum Kalthoum et des stars tunisiennes Saliha et Fatma Bousaha, la Cap-Verdienne Cesaria Evora, la diva aux pieds nus, a connu le même destin. Issue d’un milieu pauvre, elle gravit les échelons et devient une star internationale grâce à sa voix grave et mélancolique qui fait l’écho d’une grande partie de la société cap-verdienne vivant dans la misère et la pauvreté.

Devenue star sur le tard, Césaria Evora a dû vaincre plusieurs obstacles de la vie dure, mais elle n’a pu résister au tabac et à l’alcool qui ont fini par la détruire. Le documentaire de la réalisatrice portugaise, Ana Sofia Fonseca, a réussi à résumer durant 1 heure 35 mn la vie et la carrière de la star disparue à l’âge de 70 ans, le 17 décembre 2011 détruite par l’excès de consommation d’alcool et de tabac. «Sodade» sorti en 1992, l’un de ses tubes qui l’a propulsée au rang de vedette internationale, reste comme un hymne dédié aux Cap-Verdiens qui ont connu l’esclavage et ont été privés longtemps de leur liberté.

Le documentaire nous donne à voir, sans clichés, le parcours singulier de cette artiste venue par hasard à la chanson et dont le trait distinctif est qu’elle chante pieds nus à cause des verrues qui la gênent lorsqu’elle porte des chaussures. D’ailleurs, le film s’ouvre sur un éclat de rires lors d’une séance d’enregistrement où elle s’adresse à José Da Silva, son manager, son producteur et son plus proche ami : «Tu filmes mes pieds ? Filmer mes pieds coûte une fortune !».

Ce petit bout de femme noire, au physique jugé peu vendeur, ne répondant pas au canon de beauté imposé par le show-business, pourtant, elle a su s’imposer grâce à sa voix unique, porteuse des malheurs de sa société. Lorsqu’on lui demande quel est son rêve, elle répond tout simplement une maison et de l’argent pour vivre à l’aise avec sa famille et son entourage. Sans chaussures, souffrant de strabisme et âgée de 50 ans, elle fait ses premiers pas sur la scène internationale et s’achemine droit vers la gloire.

Son album «Mar Azul» lance la carrière de l’une des plus brillantes voix de la morna, tradition musicale cap-verdienne. Evora n’aime pas beaucoup les répétitions. Elle mène une vie simple et partage son temps entre les fourneaux et sa famille et les tournées dans le monde entier. D’ailleurs, elle s’est produite au moins deux fois en Tunisie à la 7e édition du festival de jazz de Tabarka en 2002 et au festival d’été de Hammamet en 2004, mais le film ne mentionne pas ses représentations en Tunisie.

L’intérêt de ce documentaire est qu’il recourt à une diversité de documents d’archives de la vie de la chanteuse et de ses tournées dans le monde, des témoignages de ses proches, d’anciennes photos, de vidéos tournées par ses proches qui donnent corps et vie à ce monument de la chanson dont la séquence avec la légende cubaine Compay Segundo reste un moment d’anthologie et notamment ce dialogue succulent entre les deux stars vieillissantes.

Deux talents récompensés

Au cours des 5 jours qu’a duré le festival «Vue sur les arts», le public a pu assister à des projections de films nouveaux et inédits suivis de débats sans compter d’autres activités artistiques comme une master class sur l’art du documentaire, dirigé par le réalisateur français Jean-Michel Djian avec la projection de son film «Edgar Morin, journal d’une vie». Le documentariste a pu partager avec les participants son expérience cinématographique et matière d’écriture et de création de projets.

Une résidence scénaristique : «Courts entre 2 rives» dédiée aux jeunes réalisateurs méditerranéens et animée par le directeur artistique Tarak Ben Chaâbane, dont l’objectif principal consiste à développer une passerelle entre les deux rives de la Méditerranée en favorisant l’émergence de jeunes talents du 7e art et les coproductions internationales. Le jury de cette journée de coaching a remis le prix France Télévision, au cours de la soirée de clôture, à la jeune Marocaine Sihem Barlech pour son projet «La minute de silence» et le 2e prix à Marwen Trabelsi pour «Casting pour un kamikaze».

Par ailleurs, un focus sur le cinéma portugais ainsi qu’une exposition de photos autour du thème : «L’eau, l’air, le feu et la terre» ont enrichi le programme d’un festival émergent qui tient ses promesses.

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