Avec le départ hier, jeudi 24 octobre, de Lamine Sasssi, c’est l’un des derniers dinosaures qui quitte la scène de la peinture et de la picturalité. Le dernier de ce triangle qui a pris la diagonale du fou et la longitude du beau, à savoir Habib Bouabana, Lamine Sassi et Fawzi Chtioui. Avec le départ de Lamine Sasssi, le monde de la peinture perd également l’un des représentants de ce mouvement qui a pris la tangente de la peinture «bien pensante» qui a dominé avec et après l’Ecole de Tunis, un mouvement qui avait sa propre position affichée contre cette école qui est devenue à elle seule une sorte d’autorité qui bloquait la route à tout autre tentative innovatrice et faisait la part belle aux peintres déjà installés avec un style sans cesse répété. En effet, Lamine Sassi, en compagnie de Bouabana (une amitié qui a duré pendant trente ans) et de Chtioui et plus tard de Hechmi Ghachem sont le porte-étendard de cette picturalité qui a bafoué le chic, de cette peinture iconoclaste et rebelle, audacieuse et saisissante qui se lit sur la toile comme une narration, tellement elle semble mouvante sur la toile. A la question est-ce que le trio Bouabana-Sassi-Chtioui n’est pas aussi institutionnalisé que l’Ecole de Tunis ? Lamine Sassi a répondu: «Non ceux-ci réfléchissent! Nous on ne réfléchit pas, on vit !»
Avec Lamine Sassi, nous avons partagé des moments de réflexion, d’humour où il nous a raconté plusieurs anecdotes sur le choix de ses couvre-chefs, d’autres sur ses réflexions avec son compagnon de toujours Habib Bouabana, mais on se souviendra toujours de sa réflexion autour de la peinture et du football en 2004 lorsque nous étions invités à regarder le match de la CAN Tunisie-Sénégal. Ce jour-là, Lamine Sassi avait réuni Fawzi Chtioui, Hechmi Ghachem, Halim Karabibène, Iadh Chebbi, Kaouther Bourissa, Mourad Harbaoui, Mahmoud Chelbi et Mohamed Chelbi, pour rendre hommage au football africain en réalisant une gigantesque toile, tout en regardant le match et en s’inspirant de ses rythmes et de ses couleurs. Un intense moment plein d’émotion et de création débridée que nous a offert Lamine Sassi et qui a généré cette fameuse toile «multisignée». Ce jour-là, nous avons posé cette, question à Lamine Sassi: Quelle est la relation entre un match de foot et la réalisation d’une toile? Lamine Sassi a répondu : «Il y a, à mon avis, des points communs ne serait-ce que la contrainte du temps et de la composition. Car un match de foot est aussi un travail de composition tourné vers un objectif». Adieu l’ami… Tu as tout compris.