Le projet s’insère dans le cadre des recommandations de la politique nationale de la mobilité urbaine mise au point par le ministère du Transport concernant l’élaboration des plans de déplacement urbains pour les agglomérations de plus de 150 mille habitants. Cette politique repose sur trois piliers, à savoir la gouvernance, le financement et les compétences.
Une convention d’assistance technique pour l’élaboration du Plan directeur de la mobilité urbaine dans le Grand Tunis vient d’être signée entre l’Agence d’urbanisme du Grand Tunis (Augt) et l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica). Étalé sur trois ans, ce projet porte sur l’élaboration d’un Plan directeur de la mobilité urbaine dans le Grand Tunis et le renforcement des capacités des institutions impliquées dans la mise en œuvre et le suivi de ce plan. Un projet qui tombe à pic eu égard à la crise observée en matière de mobilité urbaine dans le Grand Tunis.
Parmi les principaux objectifs, il y a lieu de citer l’amélioration de la mobilité dans le Grand Tunis en assurant un équilibre entre l’offre et la demande, la réduction de la consommation d’énergie et, par conséquent, de la pollution. Le projet cherche aussi à améliorer le transport en commun et à favoriser les modes actifs de déplacement à faible impact sur l’environnement, à savoir la marche à pied et le vélo.
Une nouvelle vision orientée vers l’amélioration des conditions de mobilité
Ce projet constitue donc un acquis majeur, avec des retombées concrètes sur la vie quotidienne des citoyens, de par sa contribution à la promotion d’une croissance économique durable et l’amélioration de la qualité de service du transport en commun, tout en réduisant les impacts sociaux et environnementaux négatifs, tels que les embouteillages et la pollution de l’air dans le Grand Tunis, ce qui permettra de se mettre en conformité avec les conventions internationales inhérentes au respect de l’environnement ratifiées par notre pays.
Selon l’agence d’urbanisme du Grand Tunis, «cette étude est d’une importance cruciale pour le développement du système de mobilité urbaine dans la grande métropole tunisienne. Elle repose sur une planification durable et intégrée reliant les domaines du transport et du développement territorial et urbain». Le Plan directeur vise ainsi à améliorer les conditions de vie des citoyens en optimisant les transports publics qui font l’objet de nombreuses critiques, en promouvant des modes de transport plus fluides, et en réduisant l’usage des voitures particulières pour limiter les embouteillages. En point de mire également la rationalisation de la consommation d’énergie par le biais de la maîtrise des dépenses en carburant et l’atténuation de l’impact environnemental des transports. Parmi ces objectifs figurent l’amélioration de la sécurité routière en milieu urbain et le renforcement de l’attractivité de la grande métropole de Tunis.
En effet, le projet s’insère dans le cadre des recommandations de la politique nationale de la mobilité urbaine mise au point par le ministère du Transport concernant l’élaboration des plans de déplacement urbains pour les agglomérations de plus de 150 milles habitants. Cette politique, reposant sur trois piliers : la gouvernance, le financement et les compétences, s’est engagée ces dernières années et grâce aux travaux de plusieurs départements ministériels, dans une nouvelle et importante vision orientée vers l’amélioration des conditions de mobilité des populations tout en ciblant plusieurs axes stratégiques.
Mise en place des structures de gouvernance et démarche du projet
Plusieurs démarches sont à prendre en compte pour la réussite de ce projet, notamment en matière de gouvernance. A cet effet, plusieurs structures ont été mises en place, à commencer par un comité de pilotage ayant le rôle de valider les différentes étapes du projet et la prise de décisions stratégiques. Il est composé de représentants de divers ministères (Équipement et Habitat, Transport, Intérieur, Finances, Economie et Planification, Environnement, Domaines de l’Etat et Affaires foncières, Industrie, Mines et Énergie) et les quatre gouvernorats du Grand Tunis, ainsi que les quatre municipalités chefs-lieux de ces derniers. Ce comité s’est déjà réuni au mois de juin dernier et a donné le feu vert au lancement de ce projet. Un comité mixte de coordination élargi a été aussi mis en place. Il est composé de membres tunisiens de différents départements ministériels et institutions et des experts japonais. Son rôle est orienté vers l’information, la consultation et la coordination.
Un noyau dur nommé «task force» assumera le rôle d’interlocuteur direct avec le prestataire, c’est-à-dire la Jica, et avec les autres parties interférant dans le projet. En outre, des groupes de travail seront invités à participer à des ateliers de co-construction et de concertation sur des thématiques prédéfinies en rapport avec la mobilité urbaine.
Faire des études, c’est bien, les exécuter, c’est encore mieux
Partant d’un diagnostic sur la mobilité urbaine dans le Grand Tunis basé sur une Enquête ménages déplacements (EMD), une vision stratégique pour les 15 années à venir sera développée s’articulant autour d’objectifs stratégiques précis et clairs et des conditions de gouvernance métropolitaine. Ensuite, un scénario optimal retenu sera décliné en un plan d’action avec des modalités organisationnelles et financières pour sa mise en œuvre à court, moyen et long terme. Des mécanismes assurant le suivi de la réalisation du plan d’action seront identifiés et mis en place, dont l’Observatoire de la mobilité urbaine qui sera appelé à fournir une base de données et des indicateurs relatifs notamment au trafic, à la planification des routes et des voiries urbaines, aux transports publics.
Le problème réside parfois dans les retards accusés au niveau de la mise en œuvre des études réalisées et dans le fait que les décideurs ne sont pas le plus souvent à l’écoute des techniciens qui se projettent dans le futur et tentent d’anticiper les crises. A ce titre, il est utile de souligner que la dernière enquête déplacements auprès des ménages dans le Grand Tunis effectuée par l’Augt remonte à 1994. Malgré tout, de telles enquêtes sont indispensables dans la mesure où elles renseignent les institutions spécialisées sur les pratiques de déplacement des habitants. Le grand problème ne réside pas dans les études, mais plutôt dans leur mise en œuvre.
Des experts japonais et des compétences tunisiennes déjà à l’œuvre
Dans le cadre des préparatifs pour le lancement de ce projet, des experts japonais ont déjà effectué une mission en Tunisie en mai 2024 à travers des visites de terrain et des réunions de travail auprès des organismes et ministères concernés afin de définir le contenu et les composantes de l’étude, ainsi que les actions à entreprendre à l’avenir. Le rapport de mission a été signé à la fin du mois de mai 2024 avec l’Augt.
L’étude sera achevée dans trois ans et la mise en œuvre de son plan d’action nécessitera l’implication des différents partenaires et acteurs, ainsi que le portage politique de ses actions, d’après la même source.
Il est à souligner que ce projet implique plusieurs parties prenantes comme les ministères de l’Intérieur, de l’Equipement et de l’Habitat, de l’Économie et de la Planification, du Transport, de l’Environnement, l’Agence de maîtrise de l’énergie relevant du ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, et les communes de Tunis, Ariana, Manouba et Ben Arous. L’Augt, relevant du ministère de l’Equipement et de l’Habitat, est chargée de l’exécution de ce projet en coopération avec la Jica.
Quelles solutions face à la crise de mobilité ?
«Il est évident pour toute personne qui se déplace dans le Grand Tunis que nous sommes en train d’y vivre une crise de la mobilité urbaine. Cette crise trouve ses causes dans plusieurs facteurs, notamment un déséquilibre entre la demande de la mobilité et la capacité du réseau routier et de l’offre du transport public urbain, une concentration de la population dans le Grand Tunis pour des intérêts économiques et sociaux avec un étalement urbain générateur de demande de mobilité, une croissance exponentielle du parc automobile, et enfin un déficit important dans la capacité du transport urbain public avec une dégradation de la qualité des services, malgré les efforts déployés par les entreprises publiques», souligne à La Presse Youssef Ben Romdhane, ancien chef de cabinet au ministère du Transport.
Selon lui, ces facteurs impactent négativement la vie des citoyens et constituent un frein pour la mise en œuvre des politiques économiques et sociales du pays et un obstacle majeur pour la stratégie nationale en matière de réduction de l’effet carbone du transport avec des conséquences graves sur les équilibres énergétiques. «Le projet d’appui pour la mise en place d’un plan directeur pour la mobilité urbaine dans le Grand Tunis constitue une opportunité pour la révision du schéma directeur d’aménagement pour le Grand Tunis en cherchant des solutions adéquates. Il présente aussi l’occasion pour la mise en place du système de gouvernance et de bonne gestion des déplacements dans le Grand Tunis en favorisant la mobilité durable».
Les conclusions de ce projet d’appui devraient tenir compte des propositions avancées par les actions précédentes réalisées par les institutions tunisiennes concernées, notamment les principales composantes de la Politique nationale de la mobilité urbaine, élaborée par le ministère du Transport, les recommandations de l’étude sur la Mobilité électrique durable, préconise notre expert. Et d’ajouter que ce projet devrait apporter des solutions et des propositions pour certaines problématiques. A ce propos, il faut garantir un usage coordonné, intégré et complémentaire de tous les modes de transport en favorisant les modes de grande capacité et les moins polluants avec la mise en place de solutions numériques, réduire la part modale du transport par voiture dans les déplacements urbains augmenter la part du transport public, améliorer la sécurité routière et moraliser la conduite des véhicules.
La mise en place des procédures de coordination systématique entre toutes les institutions concernées par la mobilité urbaine dans le Grand Tunis est aussi nécessaire, sans oublier la création d’un observatoire de la mobilité urbaine dans le Grand Tunis et la constitution d’une base de données de la mobilité urbaine, conclut-il.