Les deux causes principales de la crise économique en Tunisie qui ont contribué au déclenchement de la révolution sont une situation économique internationale défavorable et l’échec du modèle de développement en vigueur.
Au cours des années précédant la révolution, on a assisté à une augmentation continue des prix des produits pétroliers et alimentaires sur le marché international. La Tunisie étant importatrice de ces produits, cela a entraîné de nombreuses difficultés au niveau des paiements externes et du budget de l’Etat, ce qui a engendré une augmentation du budget alloué à la subvention des produits de base. Au cours de cette période, l’UE, qui représentait le principal partenaire de la Tunisie, s’agissant de commerce extérieur, d’investissement, de tourisme et d’emploi, a traversé une crise économique grave causée par la crise financière, ainsi que par la crise de la dette publique.
Échec du modèle de développement
Le modèle de développement en vigueur depuis plus de quarante ans a été la principale cause du déclenchement de la révolution du 14 janvier, en raison de la fragilité de l’économie nationale, de l’érosion de la compétitivité et de la prévalence du chômage parmi les diplômés de l’université. S’y ajoutaient les disparités régionales, la marginalisation de larges pans de la société et de l’incapacité à assurer la sécurité alimentaire. L’ouverture du marché, la priorité aux exportations, l’importance donnée au tourisme et la diversification de l’économie n’ont pas été des choix possibles, dictés par des facteurs naturels et géographiques objectifs. Cependant, le défaut réside dans l’échec du passage progressif de la structure d’une économie traditionnelle dont la capacité concurrentielle dépend du faible coût de la main-d’œuvre à une économie développée basée sur la connaissance et les compétences pointues. La Tunisie a pris beaucoup de retard dans ce domaine. Ainsi, elle était classée 82e sur 145 pays en 2009 selon l’indice de l’économie de la connaissance de la Banque mondiale, preuve d’un cercle vicieux entre l’éducation supérieure et l’économie nationale. L’économie avait continué à s’appuyer sur une industrie manufacturière à faible valeur ajoutée, à faible contenu en connaissances, à faible gestion et à très faible intégration dans la filière industrielle locale. Un exemple frappant est celui de l’industrie textile, en particulier dans la production de vêtements prêts à l’emploi pour les accords de sous-traitance à grande échelle. Le marché du travail, quant à lui, n’a pas été en mesure de suivre le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur.
Dans le cadre d’une administration fortement centralisée, les incitations contenues dans le « Code des incitations à l’investissement » n’ont pas permis de transférer les industries d’exportation des régions côtières proches des ports et à forte densité de population vers les régions intérieures. Cela est dû à la faiblesse des infrastructures et des services dans ces régions, ainsi qu’au fait que ces industries dépendent davantage des matières premières importées que des matières premières locales disponibles à l’intérieur du pays. Le tourisme n’a pas non plus réussi à diversifier ses produits en fonction des besoins, car on est resté essentiellement axé sur le tourisme de masse. Les infrastructures hôtelières et la capacité d’hébergement ne se sont pas développées.
Des mesures urgentes s’imposent
Pour surmonter la situation actuelle et promouvoir l’économie, il est nécessaire de prendre des mesures urgentes, d’élaborer et de suivre une stratégie de développement à moyen et long terme, de l’avis de plusieurs économistes et experts.
À court terme, il faut maîtriser, de manière plus efficace, les prix à la consommation et lutter contre l’inflation pour maintenir le pouvoir d’achat des citoyens. Il faut également améliorer la compétitivité de l’économie et consolider la valeur du dinar. Cela nécessite l’utilisation d’un panier intégré de politiques monétaires, fiscales, économiques et commerciales. Il faut aussi œuvrer à réduire la pauvreté en encourageant les projets générateurs de revenus et d’emplois. Cela nécessite la mise en place de mesures d’accompagnement des jeunes promoteurs par la formation, le financement et la commercialisation, ainsi que la mise en place d’un ensemble de programmes de « plans de relance » visant à lutter contre la pauvreté et le chômage dans les régions défavorisées. Il y a aussi la lutte contre la contrebande et la réorganisation du secteur informel, la réduction du déficit de la balance commerciale pour combler le déficit budgétaire par la maîtrise et la rationalisation des dépenses courantes, tout en réformant le système de subvention des biens de consommation. L’objectif étant d’orienter l’aide vers ceux qui le méritent, ainsi que par la mise en place d’une réforme visant à lutter contre l’évasion fiscale.
À moyen et long terme, il est nécessaire de concevoir un nouveau modèle de développement basé sur l’économie du savoir qui doit pouvoir atteindre un taux de croissance élevé, un développement intégré et durable capable de répondre aux aspirations des générations actuelles et futures. Pour garantir son succès, toute stratégie de développement doit permettre une utilisation optimale des ressources et tirer profit des opportunités afin de les exploiter efficacement pour atteindre les objectifs escomptés. Elle doit également reposer sur des bases solides qui prennent en considération l’actualité nationale et internationale.