« Nous voulons donner un nouveau souffle à l’image de notre destination, de la même manière que nous voulons être en phase avec les nouvelles tendances et cerner au plus près les attentes des touristes de tous bords, qu’ils soient tunisiens ou internationaux », a affirmé Wahida Jaiet, chargée de mission auprès du ministre du Tourisme.
Le tourisme méditerranéen, qui a tant fait rêver les visiteurs étrangers — qu’ils viennent de la région-même ou d’autres continents —, fait aujourd’hui face à de multiples défis. Changement climatique, instabilité régionale… Le tourisme en Méditerranée est à la croisée des chemins. Pourtant, avec son histoire millénaire, ses traditions ancestrales et son patrimoine culturel diversifié, cette région continue d’occuper une place centrale sur la scène touristique mondiale. Aujourd’hui, professionnels, gouvernements des rives sud et nord de la Méditerranée, et diverses parties prenantes débattent des moyens de transformer ce secteur en un modèle de tourisme durable et équitable, capable de créer de la valeur pour l’ensemble de l’espace méditerranéen. C’est autour de cette thématique que s’est tenu récemment, à Hammamet, le 26e Forum international de « Réalités », en présence d’officiels, d’ambassadeurs et de professionnels du secteur.
Une nouvelle manière de promouvoir et de communiquer
En ouverture du forum, Wahida Jaiet, chargée de mission auprès du ministre du Tourisme, a rappelé l’importance de la Méditerranée comme destination touristique prisée à l’échelle mondiale. Elle a évoqué les réformes entreprises par la Tunisie pour moderniser le secteur et le rendre plus résilient face aux défis émergents. Selon elle, la diversification des produits touristiques est un axe clé de la stratégie de développement du secteur en Tunisie.
La représentante du ministre a souligné, à cet égard, que la diversification des produits constitue un axe majeur de la stratégie de développement du tourisme tunisien. Énumérant les différentes offres touristiques sur lesquelles mise la Tunisie, telles que le tourisme rural, culturel, gastronomique, sportif, saharien ou encore de santé, Jaiet a affirmé que ces produits offrent des potentialités considérables que le ministère continue à soutenir et à développer dans un cadre de partenariat privé-public et dans une démarche de durabilité sociale, économique et environnementale.
Elle a, en outre, rappelé que les nouvelles formes d’hébergement qui se développent, telles que les maisons d’hôtes, les gîtes ruraux ou les hôtels de charme, constituent un atout de taille pour la Tunisie car elles permettent d’élargir le spectre commercial de la destination, et en conséquence, de répondre aux aspirations nouvelles, et ce, conformément à la politique gouvernementale des territoires.
La responsable a souligné, à cet égard, que le ministère est en train de finaliser le projet du nouveau cahier des charges relatif aux hébergements alternatifs. D’après ses dires, ce cahier des charges va permettre de mieux réguler le secteur, d’encourager les promoteurs engagés dans l’activité et d’attirer de nouveaux investisseurs.
Évoquant les nouvelles méthodes de promotion touristique prônées par le ministère, la responsable a fait savoir que l’adoption d’une nouvelle stratégie numérique et de communication, combinant les réseaux sociaux, l’utilisation de l’intelligence artificielle et le marketing d’influence devraient porter la Tunisie à un autre palier de visibilité, de notoriété et de rentabilité. « Nous voulons donner un nouveau souffle à l’image de notre destination, de la même manière que nous voulons être en phase avec les nouvelles tendances et cerner au plus près les attentes des touristes de tous bords, qu’ils soient tunisiens ou internationaux », a-t-elle affirmé.
Une politique renouvelée
Jaiet a, par ailleurs, ajouté que la politique du ministère est axée sur la diversification de l’offre, l’encouragement des investissements, la résolution des problèmes qui entravent la finalisation des projets, la généralisation de la qualité et la révision de la promotion du système de formation touristique. Des actions qui sont sous-tendues par de nombreux partenariats dans le cadre de la coopération bilatérale et internationale, précise-t-elle. Sur un autre volet, la représentante du ministre du Tourisme n’a pas manqué de rappeler les nombreux défis qui se présentent à l’activité touristique non seulement en Tunisie, mais dans tous les pays méditerranéens. C’est dans ce cadre qu’elle a appelé les décideurs et les professionnels du Nord et du Sud de repenser un tourisme durable dans l’espace méditerranéen, avec toutes les spécificités qui le caractérisent.
Selon ses dires, « la Méditerranée, cette mer qui unit les deux rives, est un bien commun. La responsabilité de la préserver et de la protéger incombe, donc, à tous les pays du pourtour méditerranéen ». Elle a évoqué, dans ce contexte, les dangers qui menacent l’activité touristique dans cette région, notamment la pollution, les changements climatiques, l’émergence de nouvelles destinations touristiques et le développement parfois anarchique de l’activité touristique qui impactent l’environnement en général et les écosystèmes littoraux en particulier. « La Méditerranée est exposée à bien des risques. D’abord un risque environnemental, avec la montée des eaux qui constituent une grande inquiétude, notamment pour les destinations qui ont fait du balnéaire la principale offre de leur activité […]Ensuite vient le risque climatique avec le réchauffement de la planète, dont les retombées peuvent être néfastes et entraver la bonne marche de l’activité touristique partout ailleurs et en particulier dans notre région », a-t-elle poursuivi. Jaiet a ajouté, dans ce même contexte, que la rationalisation de la consommation dans le secteur du tourisme figure, aujourd’hui, en bonne place dans la vision de la Tunisie, surtout dans un contexte de sécheresse hydrique. « Notre industrie offre de belles opportunités pour le plaisir et les loisirs, mais elle repose aussi sur un patrimoine naturel et culturel unique. C’est pourquoi les pays méditerranéens ont de ce fait une responsabilité internationale, régionale et individuelle afin de veiller à ce que ces trésors soient préservés pour les générations futures », a-t-elle conclu.
La nécessité de partager
un espace commun
De son côté, Taieb Zahar, président du Forum, a souligné que la Méditerranée, première destination touristique mondiale avec 30 % des arrivées internationales (environ 300 millions de visiteurs), pourrait voir son attractivité décliner pour plusieurs raisons. Il a notamment évoqué la montée en puissance de nouvelles destinations touristiques comme l’Asie-Pacifique ou les Caraïbes, mais aussi l’instabilité politique sur les rives sud et est de la Méditerranée. D’après Zahar, ce déclin s’explique, également, par des impératifs structurels, tels que la nécessité de réaliser de lourds investissements, de renouveler l’offre touristique et, surtout, de repenser le modèle du tourisme de masse.
Le réchauffement climatique, un danger croissant pour l’activité touristique dans la région, pourrait entraîner la disparition de 38 500 km² de littoral, dont 250 en Tunisie, en raison de la montée des eaux. Soulignant que la consommation et la gestion de l’eau et de l’énergie représentent aujourd’hui des défis majeurs pour le secteur, le président du Forum a affirmé que tous les pays riverains ont une responsabilité particulière dans la préservation de leur environnement pour éviter une accélération du déclin du tourisme. Il a appelé, à cet égard, les pays du Sud à agir comme partenaires et non comme concurrents, afin que le tourisme devienne un véritable outil d’intégration, en particulier pour les pays maghrébins. Zahar a, par ailleurs, plaidé pour une répartition plus équitable de l’activité touristique dans un contexte où le Nord est confronté à un surtourisme, tandis que le Sud souffre d’un déficit de flux. «Il est évident que les pays méditerranéens ont besoin d’un plan stratégique global pour guider leurs actions futures et relever les défis du secteur. Si la crise a permis de réunir toutes les parties concernées, il est désormais crucial de définir une vision commune et de mettre en œuvre une stratégie globale, capable de donner un nouveau sens aux partenariats dans ce domaine. Cela nécessite une gouvernance locale forte et volontariste, ainsi que l’introduction de nouvelles régulations touristiques, adaptées aux spécificités des destinations méditerranéennes, où le tourisme s’est souvent développé de manière organique », a-t-il ajouté.
Zahar a, en outre, indiqué que le tourisme tunisien, déjà fragilisé par des problèmes structurels aggravés par la crise du Covid-19, risque de perdre en attractivité dans un contexte de changement climatique et de dégradation environnementale. « Un plan de sauvetage a été élaboré, et pouvoirs publics comme professionnels ont exploré de nouvelles pistes pour renouveler l’offre et ramener les vacanciers. Les résultats sont prometteurs, mais il reste un effort à fournir pour développer le tourisme local, qui nécessite une stratégie dédiée. Aujourd’hui, il représente environ 15 % du total. Nous pouvons imaginer le porter à 30 %, en fixant cet objectif comme une priorité pour le secteur », a-t-il insisté.
Il a ajouté que le ministère du Tourisme semble déterminé à montrer l’exemple dans ce domaine, avec plusieurs initiatives cette année, notamment la création d’une route touristique autour du cinéma, d’une route culinaire et d’une route dédiée au patrimoine pour valoriser plusieurs sites historiques tunisiens.