Au risque de se répéter, l’économie nationale est en pleine difficulté. Et c’est surtout la composante financière qui se retrouve, depuis quelques années déjà, victime d’une hémorragie profonde, qui justifie, en grande partie, cette difficulté. Heureusement, nos premiers décideurs semblent retrouver, progressivement, les bonnes potions qui sont en mesure de bien cicatriser cette plaie financière.
La Presse — Les multiples campagnes d’assainissement de l’environnement économique, l’actualisation des principales dispositions de notre système fiscal, l’engagement de programmes sérieux pour l’amélioration de la gouvernance au niveau des entreprises publiques, l’intérêt accordé à la garantie d’une meilleure adaptation de notre politique monétique aux nouvelles exigences du marché aussi bien national qu’international, ne sont que quelques échantillons d’un grand chantier.
Toutefois, l’on reconnaît que la difficulté de l’économie ne se limite pas à la question financière, elle la dépasse pour toucher d’autres aspects aussi graves.
Dans ce chapitre, notre politique sectorielle est pointée du doigt. En effet, nos secteurs, notamment productifs, apparaissent « fatigués » et incapables non seulement de se rentabiliser mais même de retrouver leur niveau d’autrefois.
Pour certaines activités, le constat est beaucoup plus profond, car on parle carrément, comme l’attestent tous les observateurs, de risque imminent de disparition. Une éventualité qui donne, en elle-même, des frissons. Le constat devient beaucoup plus alarmant lorsqu’on parle d’activités qui constituaient, quelques années auparavant, les dynamos de l’économie nationale, le textile-habillement en premier lieu.
Il est vrai en effet que cette industrie, pour longtemps stratégique, connaît, depuis quelques années un déclin spectaculaire, ce qui a amené tout le monde à tirer vite la sonnette d’alarme.
Une inquiétude tout à fait légitime, car le textile-habillement, comme dans tous les pays d’ailleurs, reste une activité phare pour les économies. Pour rappel, ce secteur, au début des années 2000, assurait, à lui seul, plus de 45% des exportations des industries manufacturières avec une valeur de plus de 5 milliards de dinars et détenait environ 47% de leurs emplois. Ce qui lui a valu le statut de 4e fournisseur de l’Europe. Aujourd’hui, on est très loin du compte.
Selon les rapports du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, le textile-habillement tunisien est passé d’une activité phare à une industrie précaire, car en panne de changements, ce qui explique la tendance baissière spectaculaire en nombre d’entreprises et en postes d’emploi. En 2005, le secteur comptait environ 2.500 unités, aujourd’hui ce sont seulement environ quelque 1.400 entreprises qui opèrent encore dans ce domaine. De son côté, le nombre d’emplois est passé de 250 000 à environ 170.000 seulement.
Une baisse de régime qui a impacté sérieusement le rendement de cette activité, puisque la part du secteur dans les exportations globales des industries manufacturières est actuellement aux alentours de 20%. Des statistiques à confirmer d’ailleurs.
Pour une approche innovante
Certes, le démantèlement des Accords multifibres et l’adhésion de la Chine à l’OMC ont redistribué les cartes sur le marché mondial, notamment européen, et, donc, affecté sérieusement le comportement de notre industrie en raison de pertes importantes de parts sur le marché européen. Mais la responsabilité de nos professionnels et décideurs du secteur reste entière, car ils n’ont pas réussi à doter notre textile-habillement des moyens de réactivité nécessaires. Et cela ne pardonne pas, notamment pour un secteur connu pour la rapidité de ses mutations.
Cela est d’autant plus vrai que le textile-habillement tunisien s’est retrouvé contraint, faute de certitude, à se contenter d’une navigation à vue, sans conformité aux nouvelles exigences des donneurs d’ordre internationaux.
Il est clair donc que cette activité a besoin de se réveiller rapidement avant qu’il ne soit trop tard. Un tel enjeu repose toutefois sur une requalification sérieuse de la mission réelle des structures d’appui, qui semblent beaucoup plus des charges qu’un soutien. Et c’est surtout au niveau de la gestion de ces structures qu’il faut chercher, puisqu’elles apparaissent dépassées, et mal outillées pour bien accompagner les professionnels.
Une requalification du rôle des structures d’appui et la garantie d’un bon accompagnement aideraient les professionnels à répondre positivement aux nouvelles exigences du marché et de s’inscrire ainsi dans une logique de compétitivité. Un enjeu qui dépend lui-même d’une orientation rapide vers un textile innovant et à forte valeur ajoutée.
Reste que ces menaces de disparition ne se limitent malheureusement pas au textile-habillement, mais touchent d’autres secteurs importants. On pense notamment au domaine du cuir et chaussure et même à l’artisanat, qui se retrouvent en perte de vitesse inquiétante.
On admet toutefois que malgré tous ces signaux négatifs, le sauvetage et la relance de nos secteurs traditionnels sont tout à fait possibles, surtout que la volonté politique y est.
Il suffit que les principaux acteurs de ces activités prennent réellement conscience de l’importance des enjeux et fassent montre de davantage d’implication.