L’université tunisienne s’ouvre-t-elle réellement sur son environnement professionnel ? Aussi, offre-t-elle un enseignement de qualité, censé être un tremplin pour l’emploi? Et l’étudiant dans tout cela ?
La Presse— Dans la pratique, certains estiment que ce dispositif universitaire n’a pas changé d’un iota. Et plus souvent, l’intérêt s’est, quasiment, porté sur l’apport académique, dans un cursus conventionnel fourni sous la forme de cours magistraux et des théories loin du sens pratique. Soit un mode de formation qui ne sort pas des amphis !
S’investir dans le capital humain
Le comble de l’ironie réside dans le fait que l’université publique, bien qu’elle produise des profils de bons leaders et compétences mondialement reconnues, continue à élargir le cercle du chômage dans le rang de ses diplômés. D’ailleurs, selon les chiffres actualisés de l’INS, Institut national de la Statistique, «le taux de chômage des diplômés du supérieur a augmenté pour atteindre 25 % au 3e trimestre de l’année en cours, contre 23 % à la même période de 2024». Soit le un quart du total des chômeurs estimé à plus de 667 mille à l’échelle nationale. Et là, l’enseignement supérieur privé a sauté sur l’occasion, se voulant un succédané de celui public. Trente ans déjà, il s‘est considéré comme un filon du savoir et d’opportunités professionnelles, dans lequel on devait s’investir et y mettre le paquet.
Certes, un tel investissement dans le capital humain pour développer «la matière grise»— expression empruntée à Bourguiba, le père fondateur de l’école publique- demeure, plus que jamais, l’enjeu majeur de la nation et gage de son essor, à bien des égards. A cet effet, l’Université arabe des sciences (UAS), un des fleurons de l’enseignement supérieur privé agréé par l’Etat, n’a pas manqué, à chaque fois, de réveiller les vieux démons de l’université tunisienne, sa réforme, son potentiel d’employabilité et sa réponse aux besoins du marché économique. Jeudi dernier, elle a abrité une nouvelle édition, la 20e, du forum des entreprises, tenue sous le thème « Pour une université innovante et ancrée dans son environnement socio-économique». Une université qui donne sur le marché de l’emploi, étroitement liée à des relations de partenariat horizontales, à même de favoriser à ses diplômés de fortes chances d’intégration professionnelle.
Tout diplômé a droit à l’emploi
Ceci étant, à l’aune des mutations technologiques accélérées que connaît le monde, mais aussi en raison des difficultés d’insertion de nouveaux arrivants sur le marché du travail local, devenu de plus en plus saturé, l’université doit s’engager dans cette logique de changement et d’ouverture, et ce, en soutien à l’employabilité de ses diplômés. Elle doit, également, faire de l’entreprise son partenaire stratégique, où l’étudiant ou le diplômé peut trouver son compte et jouir de son droit d’accès à des stages de formation et postes d’emploi. «Ce partenaire joue un rôle déterminant dans l’établissement des référentiels métiers et référentiels compétences, conformément à l’évolution du contexte socioéconomique et technologique, compte tenu qu’il connaît mieux les besoins du marché du travail et les exigences de la mondialisation», souligne le Pr. Hédi Khir, docteur en Ingénierie mécanique-Energie et vice-président de l’UAS chargé de la qualité, de l’innovation et de recherche scientifique. Ainsi, un tel partenariat, poursuit-il, est-il de nature à redéfinir l’orientation stratégique des programmes de formation universitaire et ouvrir aux diplômés de nouvelles perspectives professionnelles.
Erigé, d’ailleurs, en tradition annuelle, ce forum s’intéresse à renouer avec ce partenariat pratique, mettant en contact direct chefs d’entreprise-étudiant universitaires. Et comme l’UAS s’enorgueillit d’un mode de formation en immersion dans le milieu professionnel, elle s’applique à se conformer aux nouvelles orientations de l’université tunisienne, du fait que tout diplômé a droit à l’emploi. Et partant, cette rencontre vise à aboutir à des contrats de stages de formation, avec en toile de fond des promesses d’embauche. «De ce fait, l’étudiant sait où il met les pieds et se prépare mieux à la vie professionnelle…», évoque M. Khir, notant, ici, que l’occasion est d’autant plus propice qu’elle permet de dévoiler ce que l’on attend de l’entreprise, d’une part, et ce que doit fournir à l’étudiant, d’autre part.
Formation par alternance, un choix incontournable
L’ambiance était telle que les jeunes étudiants se sont vus tirer profit des offres de stages pour leurs projets de fin d’études et s’informer des profils, qualifications et les soft skills dont l’entreprise a réellement besoin. Ainsi va la vie active, étant dans l’air du temps. Quitte à ce que l’université tunisienne se retrouve à côté de la plaque et ne réponde plus présente. «Si l’on veut réussir notre enseignement supérieur, on devrait le pousser vers l’adoption de nouveaux choix basés sur le mode de formation Co-construit ou celui par alternance», recommande-t-il encore. Et c’est ainsi, selon lui, qu’on pourrait franchir le cap et améliorer l’employabilité de nos jeunes diplômés. « Dès l’année prochaine, cette formation par alternance sera obligatoire pour tout étudiant de l’UAS», lance Kamel Ben Yaghlane, homme d’affaires et syndicaliste à l’Utica et un des partenaires de ladite université privée. Il agit ainsi en soutien auprès des étudiants, les aidant à trouver des emplois.
Pour lui, la formation par alternance, soit celle qui se déroule dans université et en entreprise, demeure aujourd’hui un choix incontournable. D’autant plus qu’elle fait l’objet d’une loi qui existe depuis des années, mais qui dort encore dans les tiroirs du ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle. «Je suis désolé de le dire, mais c’est la réalité, surtout que ce mode de formation, aussi obligatoire soit-il, revêt un caractère pratique pur et simple.
Ce dont tout étudiant tunisien a pleinement droit», affirme-t-il, estimant nécessaire son adoption par l’université publique. D’où l’impératif d’impliquer les entreprises dans cette démarche pragmatique, le tout pour le plus grand bonheur de nos jeunes diplômés. M. Ben Yaghlane a fini par annoncer à l’assistance une nouvelle : en cette journée du forum, l’Association des anciens amis (AAA) de ladite université voit le jour. Elle serait, désormais, le porte-voix de ses étudiants.