Une semaine s’est écoulée depuis le démarrage de la période des soldes d’hiver 2025, et voilà que les commerçants semblent perplexes face à une demande trop timide pour être rassurante !
La Presse — Contrairement aux habitudes, le ministère du Commerce a cru bon de fixer la date de lancement des soldes nettement plus en avance dans le but, probablement, de booster l’activité commerciale relative aux filières de l’habillement, du cuir et de la chaussure. En effet, deux semaines après la célébration du nouvel an, les vitrines ont été délestées des guirlandes, des bouts de coton en guise de neige, des sapins et des boules étincelantes pour entrer dans un autre thème, celui des soldes. Ces derniers ont été annoncés en grande pompe, agrémentés de promotions allant de 20 à 70%. Tout devrait attirer l’attention des clients et les inciter à s’adonner au shopping. Or, et contre toute attente, l’activité demeure parfaitement anodine, sinon moindre en comparaison de la normale !
Il est midi en ce mercredi 22 janvier 2025. Le beau temps motive les Tunisiens qui profitent du soleil et des températures quasi printanières à faire des courses, se promener et passer d’agréables moments en groupe d’ami(e)s ou en familles. Les passants circulent devant les vitrines sans accorder de l’intérêt aux promotions affichées. Quant aux commerçants, ils se tiennent debout au seuil de leurs boutiques, en proie à l’ennui et à la routine. Mayssa Sayeb, gérante d’une boutique de prêt-à-porter masculin, sidérée par une activité commerciale qui ne rime aucunement avec le concept des soldes, explique la faible demande par l’anticipation inopportune de la date du démarrage. « Le ministère du Commerce a probablement anticipé la date afin que les soldes ne coïncident pas avec Ramadan. Pourtant, nous avons toujours eu l’habitude d’appliquer des promotions spécial Ramadan pour inciter les clients à l’acquisition des vêtements de l’Aïd. Sauf que cette décision a eu des retentissements négatifs. C’est qu’à peine sortis des festivités du nouvel an et ce qui s’ensuit comme dépenses et shopping, les Tunisiens se sont trouvés nez à nez avec des promotions de taille. Or, ils n’envisagent pas, de sitôt, d’entamer d’autres dépenses », explique-t-elle. Mayssa a la ferme conviction que le pouvoir d’achat des Tunisiens dégringole au point de ne plus pouvoir se permettre des dépenses irréfléchies. « Le premier jour des soldes était un jour comme les autres. Seul le week-end, poursuit-elle, a fait l’objet d’une ambiance moins morose. Cela dit, les recettes proprement dites n’avaient rien d’exceptionnel ». D’ailleurs, une semaine s’est écoulée sans que les objectifs tracés pour le démarrage des soldes ne soient réalisés. « Nous n’avons pas réussi à réaliser plus de 25% des objectifs. Nous sommes, par ailleurs, toujours à la phase de la première démarque. Tous les modèles soldés et toutes les tailles sont disponibles », renchérit-elle.
La fin d’année était plus rentable !
L’avis de Mayssa n’est pas un point de vue mais s’avère une réalité amère que les commerçants sont dans l’obligation d’admettre à leur corps défendant. Ahmed Hamlaoui, gérant d’une boutique, s’étonne de la faible demande en cette première semaine des soldes. « Pourtant, les prix sont bien tentants, les promotions aussi vu qu’elles varient de 20 à 50%. Nous avons, durant la période de fin d’année, vu des jours bien meilleurs ; nous avons même appliqué des remises à la caisse, au plus grand bonheur de nos fidèles clients », se remémore-t-il.
Dans une autre boutique de prêt-à-porter masculin, située dans un centre commercial à Tunis, Amal Zouaghi, gérante, ainsi que des vendeuses causent. Elles sont seules dans cette boutique où sont exposés des vêtements de qualité, mis en promotion. « On a avancé la date des soldes probablement pour être en synergie avec la période des soldes en Europe. Sauf que la stagnation est hors pair », fait-elle remarquer.
Fini le paiement par facilité !
Est-ce seulement ce déphasage qui est à l’origine de la stagnation commerciale ? Est-ce dû à la baisse du pouvoir d’achat ? Ou y a-t-il d’autres causes entravant la réussite des soldes d’hiver ? Hend Jelassi, superviseure dans cette même boutique, énumère toutes les contraintes ayant été à l’origine de cet échec. « D’abord, l’interdiction des chèques de garantie a barré la route aux paiements par facilité. Or, la majorité des Tunisiens recourent à cette solution pour acheter des vêtements et bien d’autres articles de consommation. Certes, explique-t-elle, les chèques de garantie nous causaient, parfois, des problèmes. Et pour preuve : nous avons, jusqu’à nos jours, des chèques impayés datant de 2022… Néanmoins, c’était une réelle motivation pour les consommateurs et une solution pour les commerçants pour vendre leurs marchandises et assurer la pérennité de leur activité commerciale ».
Ramadan, avant tout !
Outre l’interdiction du paiement par facilité, le timing serait, selon Hend, méconnu de bon nombre de Tunisiens. « Je suis persuadée que bon nombre de personnes ne sont pas informées sur le démarrage précoce des soldes », indique-t-elle. Et d’ajouter que la majorité des compatriotes n’ont d’autres préoccupations, désormais, que les dépenses relatives à Ramadan et à l’Aïd.
La qualité se paie cher
Certes, l’impact des soldes d’hiver, cette année, semble bien en deçà des espérances. Mais, pour ceux et celles qui ont pris l’habitude d’étoffer leurs garde-robes par des articles soldés, l’occasion demeure à saisir. C’est le cas, par exemple, de Wafa, une professeure universitaire qui préfère garder anonyme son nom de famille. « J’étais de passage, récemment, devant quelques vitrines, et j’ai pu constater le lancement des soldes d’hiver. Personnellement, j’ai tendance à croire aux soldes chez certaines enseignes que je trouve sérieuses et dignes de confiance. C’est intéressant, à mon avis, de profiter des remises de plus de 20% et de 30% », explique-t-elle. S’agissant de la qualité, elle ne cache pas son ravissement de trouver des enseignes tunisiennes, voire de petites maisons de produits tunisiens, qui allient style, élégance, originalité et qualité. Néanmoins, il faut avoir les moyens pour se permettre d’acquérir des vêtements et, des articles en cuir et des chaussures de qualité, ce qui n’est pas évident pour tout le monde. Safa Riahi, fonctionnaire, avoue n’être aucunement intéressée par les soldes. « Je trouve, nous confie-t-elle, que les prix restent gonflés pour une qualité, du moins que l’on droit dire, médiocre. Je m’habille essentiellement grâce à la friperie, où je trouve une qualité irréprochable et durable à bas prix ».