Tout le monde en parle ! La rivale chinoise de ChatGPT, créée par une start-up de Hangzhou, a eu l’effet d’une bombe atomique sur Wall Street et la Silicon Valley. Les entreprises américaines d’intelligence artificielle auraient-elles englouti trop d’argent de la part des investisseurs ? C’est la question qui se pose dans le marché et dans la sphère décisionnelle occidentale, à cause de DeepSeek R1, l’agent conversationnel (chatbot) qui vient de faire de l’ombre à OpenAI o1, et dont la genèse n’aurait pourtant coûté qu’un peu moins de 6 millions de dollars.
Devant un tel constat, l’entreprise centrale des immenses investissements dans l’IA, Nividia Corporation, a subi une séance cataclysmique avant-hier au Nasdaq (National Association of Securities Dealers Automated Quotations : l’une des bourses américaines les plus reconnues, notamment grâce aux entreprises qui la composent issues du domaine des technologies, d’internet et des télécoms).
En effet, en clôture à Wall Street, le cours de l’action «Nvda» a chuté en une seule séance de 17%: ce qui correspond tout simplement à une perte vertigineuse de 589 milliards de dollars de capitalisation, selon des chiffres fournis par le média américain Bloomberg.
Emboitant le pas à Nividia, plusieurs grands noms du secteur des semi-conducteurs ont également subi le cataclysme boursier causé par l’entreprise de Hangzhou: AMD a reculé de 6,37%, Micron a dégringolé de 11,71%, Broadcom a chuté de 17,40% et Marvell Technology a décroché de 19,10%.
Certes, la mise en ligne de ce modèle low cost fut reléguée au second plan au pays de l’Oncle Sam par l’investiture du président Donald Trump. Mais le week-end dernier, sur l’Apple Store aux États-Unis, DeepSeek est devenue l’application gratuite la plus téléchargée, supplantant ChatGPT.
On apprend que plus de 80 % des téléchargements mobiles de l’application chinoise ont eu lieu au cours des huit derniers jours, illustrant l’engouement fulgurant des utilisateurs en un temps record, selon les estimations de Sensor Tower.
Même le patron d’OpenAI, qui a lancé la course à l’IA générative fin 2022, Sam Altman est sous le charme de la «baleine bleue» (emblème de l’IA Made in China) au point de déclarer avant-hier soir que ce nouveau modèle de «DeepSeek» est «impressionnant», pour ne pas dire bluffant !
Voilà de quoi plomber l’ambiance à la Maison-Blanche, notamment après l’annonce par Donald Trump, mardi dernier, d’un investissement de 500 milliards de dollars pour financer Stargate: un projet d’intelligence artificielle (IA) qui va permettre d’ériger un gigantesque réseau de centres de données dans le but de décupler les puissances de calcul nécessaires pour «entraîner» et «faire fonctionner les futures générations de ChatGPT».
Porté par Oracle, une entreprise spécialiste du cloud, dont le PDG Larry Ellison est la troisième fortune des États-Unis, et OpenAi, le projet Stargate est également financé par le fonds d’investissement MGX, appuyé par les Émirats arabes unis, et soutenu par la société d’investissement japonaise SoftBank.
«J’espère que le lancement de l’intelligence artificielle (IA) DeepSeek par une société chinoise sera un avertissement pour nos industriels et leur rappellera qu’il faut rester très concentrés sur la concurrence pour gagner», a fait savoir avant-hier le président étasunien, s’exprimant devant des élus du Parti républicain en Floride.
Malgré les critiques de l’homme le plus riche du monde (patron de Tesla, X, Space X et xAI) et directeur du nouveau Département de l’efficacité gouvernementale (Doge), Elon Musk contre Stargate, affirmant que les partenaires de ce projet n’ont pas l’argent pour le financer (une accusation niée par le patron d’OpenAI, Ndlr), le chef de l’État américain demeure optimiste.
«Cela pourrait être positif», a déclaré Trump. «Au lieu de dépenser des milliards et des milliards, vous dépenserez moins et avec un peu de chance vous parviendrez à la même solution».
Nul doute, l’onde de choc de DeepSeek est plus qu’un signal rouge pour la nouvelle administration américaine pour ne pas dire une gifle aux ambitions protectionnistes et à la politique de recroquevillement de Trump.
Parallèlement, les Chinois — avec leur philosophie du partage (logiciels Open Source) et leur investissement dans la recherche scientifique — sont en train de bouleverser le monde de la Tech.
Entre 2014 et 2023, les chercheurs-ingénieurs de l’empire du Milieu (Chine) ont déposé plus de 38.000 brevets dans le domaine de l’IA générative, soit six fois plus que leurs homologues américains, qui pointent sur la deuxième marche du podium avec environ 6.300 brevets, selon l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi), un organisme des Nations unies. Plus de 50.000 demandes de brevets ont été déposées au cours de la dernière décennie, dont un quart pour la seule année 2023, toujours selon les chiffres de l’Ompi. Les Sud-Coréens, les Nippons et les Indiens complètent le Top 5, avec respectivement 4.155, 3.409 et 1.350 brevets déposés sur la même période. Toutefois, l’Inde et son Bangalore connaissent la croissance la plus fulgurante dans ce domaine, selon les données de l’Ompi.
Manifestement, du côté des pays du Sud global, notamment ceux des Brics, l’IA est plus qu’un slogan farfelu… C’est une réalité qui se conjugue au présent.