Accueil A la une Maladies négligées en Tunisie : Où en sommes-nous ?

Maladies négligées en Tunisie : Où en sommes-nous ?

Chaque année, la Tunisie enregistre plusieurs cas de maladies tropicales négligées, notamment l’hydatidose et la leishmaniose, qui représentent un poids considérable pour le système de santé. Le nombre de cas de leishmaniose s’élève à environ 4 000 par an, avec des pics atteignant parfois 10 000 cas. Ces chiffres ont été dévoilés lors d’une journée de sensibilisation organisée par l’Institut Pasteur de Tunis à l’occasion de la Journée mondiale des maladies tropicales négligées, célébrée le 30 janvier.

Selon les experts, entre 13 et 16 interventions chirurgicales sont réalisées chaque année pour l’ablation de kystes hydatiques pour 100 000 habitants dans le secteur public. Toutefois, ces chiffres restent partiels, faute de données disponibles sur les interventions effectuées dans le secteur privé, laissant supposer une incidence bien plus élevée.

Cette journée de sensibilisation a rassemblé 80 participants, dont des experts, des professionnels de santé et des chercheurs. Huit interventions ont permis d’explorer divers aspects de ces maladies, notamment leur épidémiologie, les méthodes de diagnostic, les stratégies de prévention et les défis liés à leur traitement. L’approche « One Health », qui insiste sur l’interconnexion entre la santé humaine, animale et environnementale, a également été mise en avant comme un levier essentiel pour lutter efficacement contre ces pathologies.

Ikram Kézani, chercheuse à l’Institut Pasteur de Tunis et directrice de l’Alliance africaine contre la leishmaniose, a souligné à l’agence Tap que cette maladie, bien que transmissible, reste marginalisée face à d’autres pathologies perçues comme plus urgentes. Mourad Makni, professeur en dermatologie et chef de service à l’hôpital La Rabta, a pour sa part insisté sur le coût élevé du traitement de la leishmaniose pour le système de santé public. Son traitement étant exclusivement pris en charge par les hôpitaux publics, il représente une lourde charge financière. La prévention demeure également un défi majeur, les chiens et les rongeurs constituant les principaux réservoirs du parasite.

La leishmaniose cutanée se manifeste par des ulcères qui peuvent se propager sur tout le corps. Le traitement repose sur des injections locales ou générales, avec une durée de guérison variant entre deux et quatre semaines.

L’hydatidose constitue une autre menace silencieuse. Mohamed Gharbi, professeur à l’École nationale de médecine vétérinaire de Sidi Thabet, a expliqué que les statistiques disponibles sont largement sous-évaluées, en raison du manque de données sur les interventions chirurgicales pratiquées dans le secteur privé. Cette maladie parasitaire est transmissible à l’humain par contact avec un chien infecté, que ce soit par morsure, griffure ou ingestion de légumes souillés par des excréments contaminés. Elle peut affecter plusieurs organes, principalement le foie et les poumons, et devenir mortelle en cas de rupture d’un kyste cardiaque.

Parmi les symptômes de l’hydatidose figurent une toux persistante, un gonflement abdominal ainsi qu’un état de fatigue général. La prévention repose sur plusieurs mesures essentielles, notamment le traitement des chiens domestiques, l’interdiction de leur donner de la viande crue, une meilleure gestion des déchets et un contrôle strict de la prolifération des chiens errants.

Samia M’neif, directrice générale de l’Institut Pasteur de Tunis, a rappelé que cette journée de sensibilisation vise avant tout à favoriser l’échange d’expertises et à mettre en lumière les avancées en matière de recherche et de traitement. Meriem Kharrouf, directrice de la recherche médicale au ministère de la Santé, a insisté sur l’urgence d’améliorer la prise en charge de ces maladies négligées et de renforcer la collaboration entre les structures de recherche et les décideurs. L’objectif est de garantir des projets de recherche alignés sur les priorités sanitaires nationales afin de lutter efficacement contre ces maladies qui demeurent un défi de santé publique majeur en Tunisie.

 

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