Accueil Culture Notes de lecture – Mémoires d’un arbitre international : Une épopée en douze rounds

Notes de lecture – Mémoires d’un arbitre international : Une épopée en douze rounds

« Boxe ! ». L’injonction d’un arbitre pour le départ d’un match de boxe ou sa reprise ? Cela pourrait être mais, ici, il s’agit du titre d’un ouvrage récemment paru à Paris, signé par Alfred Asaro, un arbitre international, et qui a été présenté la semaine dernière à Tunis à la faveur d’une rencontre-débat organisée par l’infatigable Azdine Ben Yacoub autour du thème : « Sport d’entreprise-sport et travail ».

La Presse — On dira que de tels ouvrages, il en paraît régulièrement pour raconter de grands et de moins grands parcours sportifs. Certes, mais, pour le public tunisien, professionnels, journalistes et public confondus, le livre que nous évoquons est particulier. Très particulier.

Douze rounds, disons-nous en titre. Le temps d’un combat de boxe. C’est aussi le nombre des chapitres qui, en un peu plus de 100 pages abondamment illustrées, retracent un parcours exceptionnel, unique de par sa longévité.

L’auteur, Alfred Asaro, se présente au lecteur comme étant tunisien de naissance d’origine sicilienne. Il est né en 1938 dans le faubourg de Mégrine Lescure (qui s’en souvient ?) voisin de la localité de Ben Arous, au sud de la capitale. Là, dans un petit pavillon, il coula une enfance heureuse au sein d’une famille nombreuse (huit enfants !) dont le chef, né à Tunis ainsi que son épouse, était technicien des Chemins de fer tunisiens (CFT). En été 1956, la famille emménage en France où le père a été muté à la SNCF. Fin du premier round.

Dans les deux rounds suivants, Asaro parle des débuts de sa vie à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, à la périphérie nord de la capitale française. Une vie de famille de pieds-noirs, comme on appelait les rapatriés français d’Afrique du Nord, marquée par une existence très laborieuse faite de dur labeur et de tâtonnements pour trouver sa juste place et sa bonne occupation. Les loisirs ? Ceux qu’on a pratiqués dans les quartiers populaires, là-bas, de l’autre côté de la mer, en particulier la boxe à laquelle s’adonnait  son frère Aldo. Il suivait les séances d’entraînement de son aîné et ses combats de salle en salle, en particulier celle du Red Star, à Saint-Ouen. Il découvre alors cet univers si particulier fait de rage de vivre et d’amitiés ; un monde d’hommes, rude mais si profondément humain. Tout en regardant Aldo à l’ouvrage, il se livrait lui-même à quelques exercices dans un coin retiré où, cependant, il était suivi du regard par l’entraîneur, Gaëtant Micaleff. Mais il ne pensait pas un instant à une carrière de pro. Il était trop maigre pour ça !

Sa voie dans le monde du Noble Art, il la trouvera au quatrième round, en 1972, quand, à l’instigation de Micaleff, il frappe à la porte de la fédération d’Ile-de-France de boxe pour postuler une formation pour devenir arbitre. Sa licence d’arbitre stagiaire, il l’obtiendra l’année suivante. Dès lors, à force de travail et de sacrifices, notamment sur le plan familial, il se mettra sur l’orbite des « hommes en blanc » tout en poursuivant ses activités professionnelles dans le domaine de l’électricité. Il passera ainsi du statut d’apprenti à celui de technicien spécialisé dans diverses branches de ce secteur et de salarié à patron d’une entreprise artisanale à celle comprenant des dizaines d’employés. Sa carrière d’arbitre suit la même trajectoire jusqu’à accéder, en 1987, à un grade international. C’est à partir du septième round qu’Alfred Asaro nous introduit dans l’intimité de l’arbitre. Il nous décrit dans le détail son état d’esprit et le mode de son fonctionnement, notamment sur le « carré magique ». Il nous fait part de ses certitudes, de ses doutes et de ses déchirements. Au passage, il agrémente son récit d’épisodes amusants, des rencontres inattendues, des propositions de rôles d’arbitre pour des productions cinématographiques dans lesquelles il a côtoyé des célébrités. Et, bien entendu, les grands matches d’envergure mondiale. Au dernier round et au bout d’une carrière d’arbitre d’un demi-siècle, Alfred Asaro finit comme il a commencé, en Tunisie, en grand-père qui, en 2024, fait (re)découvrir son pays d’origine à ses petits-enfants accompagnés de leurs parents et où il éprouve des moments de forte émotion. A travers les couleurs, les senteurs et les clameurs, il ressuscite l’enchantement de son enfance avec, toutefois, un léger pincement au cœur lorsqu’il retourne à Mégrine où il n’y a plus de Lescure ni de pavillon familial. « La bourgade de 1.500 âmes est devenue une ville de 26.000 habitants ». Ainsi va la vie.

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