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Son œuvre « Frémissement lunaire » (acrylique sur toile) fait écho à ces mots de Kandinsky : « Le bleu profond attire l’homme vers l’infini, il éveille en lui le désir de pureté et une soif de surnaturel. C’est la couleur du ciel tel qu’il nous apparaît dès que nous entendons le mot ciel ».
«Lignes en Transe», l’exposition rétrospective de l’artiste peintre et architecte Amara Ghrab, est à voir et à vivre, jusqu’au 15 mars 2025, à la Maison des Arts-Le Belvédère (Dar El Founoun).
«L’artiste est la main qui, par l’usage convenable de telle ou telle touche, met l’âme humaine en vibration», écrivait Kandinsky, des mots qui trouvaient sûrement résonance chez Amara Ghrab, lui qui à travers un faire généreux cherchait à exprimer «sa quête du divin, son émerveillement devant la beauté du monde et son amour des gens et de la vie».
Né en 1945, Amara Ghrab a quitté ce monde il y a un peu plus d’un an, cette exposition, organisée en coopération avec le ministère des Affaires culturelles, vient lui rendre hommage, mettant au jour une œuvre pléthorique. Un livre d’art bilingue lui a été également consacré où on découvre son riche parcours à travers une sélection de ses œuvres, croquis, photographies et écrits accompagnés de textes en français et en arabe, signés par Amor Ghedamsi, Hichem Ben Ammar, Faouzia Sahly et d’autres plus personnels, rédigés par son épouse et confidente Nadia Ghrab.
Près d’une centaine d’œuvres entre peintures, dessins et autres techniques mixtes sont à rencontrer, parsemées dans les cimaises de Dar El Founoun. Car oui, il s’agit là de rencontre, une rencontre avec un faire généreux, délicat, subtil, aérien, curieux, explorateur… Un faire viscéral, au contenu spirituel émanant du besoin de Amara Ghrab de retranscrire, de retransmettre, de revivre ce qui s’offre à son œil et à son esprit.
Pas de figuration réaliste, car il s’agit plus chez cet artiste-architecte «épris de lumière» de «construire» les choses autrement ou plutôt de les déconstruire, d’aborder la peinture en termes d’expérience sensationnelle et spirituelle et en termes d’exploration, celle de l’espace, des lumières et des couleurs, d’aller chercher dans les interstices de tout cela des brèches de lumières, des jaillissements de couleurs et des éclats de lignes.
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Bien des choses infusent dans l’œuvre de Ghrab et ses compositions dans leur majorité se présentent comme l’expression de son expérience spirituelle d’être vivant individuel. Entre nouvelle figuration et abstraction (scènes allégoriques, lyriques, anecdotiques, portraits, paysages urbains, etc.), il nous révèle, avec beaucoup de finesse, la puissance fabuleuse du geste créateur dans «sa quête de sens» et de paix, nous conviant à son «monde intérieur», à ses méditations et autres rêveries et prières colorées.
Son œuvre «Frémissement lunaire» (acrylique sur toile) fait écho à ces mots de Kandinsky: «Le bleu profond attire l’homme vers l’infini, il éveille en lui le désir de pureté et une soif de surnaturel. C’est la couleur du ciel tel qu’il nous apparaît dès que nous entendons le mot ciel».
Né à Zarzis en 1945, Amara Ghrab a fini sa vie à Tunis en 2023. Les images de son environnement natif, la cueillette des olives, la criée pour le poisson, les fêtes et les musiciennes ont été pour lui une source d’inspiration.
Il commence sa formation de peintre à l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis, reçoit le prix du Salon de peinture en 1967, et tient ses premières expositions personnelles en 1968. Boursier de l’Etat, il parfait sa formation aux Beaux-Arts de Paris. Là, il s’initie, à côté de la peinture, à différentes pratiques artistiques, théâtre, musique, et aux grands mouvements de pensée qui secouent alors le monde. Puis, dans l’idée de mettre la beauté au service du bonheur, il entreprend des études d’architecture à Paris. De retour à Tunis en 1981, il consacre l’essentiel de son temps à la pratique de l’architecture et à son enseignement.
A partir de 2005, il se donne entièrement à la peinture, dessinant et peignant sans arrêt. «Certaines de ses œuvres ont été réalisées en trois quatre jours, où il travaillait d’affilée, un peu comme si des impressions diffuses qu’il portait en lui se cristallisaient soudain, jaillissaient sur la toile en une composition vivante, obéissant à quelque impérieuse nécessité intérieure. D’autres fois, il tâtonnait, cherchait le meilleur moyen d’exprimer cette chose qui se mouvait au fond de lui, et qui parfois lui échappait. Il laissait sa toile puis la reprenait maintes fois, se battait contre ce qui lui résistait», témoigne Nadia Ghrab dans le livre qu’elle lui a dédié.
Un artiste et une œuvre à (re)découvrir !