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Le 27 février 2025, l’atelier final multi-acteurs du projet Adaptation aux impacts du changement climatique grâce à l’irrigation intelligente et à l’approche WEFE Nexus dans la zone humide de Ghar El Melh, Tunisie (ACCISI-GEM) s’est tenu, marquant une étape importante dans la lutte contre les effets du changement climatique dans la région. L’événement a rassemblé des acteurs clés des secteurs public, privé, académique et des ONG pour échanger sur les résultats obtenus et sur les voies à suivre pour l’extension des solutions proposées.
L’objectif central était de partager les succès de l’approche intégrée WEFE Nexus, combinant l’eau, l’énergie, l’alimentation et les écosystèmes, dans le cadre de l’irrigation intelligente, et d’étudier les politiques et financements nécessaires à leur mise à l’échelle.
Ce projet, dirigé par l’International Water Partnership, a vu la collaboration de plusieurs partenaires tunisiens, tels que l’Institut National des Etudes Technologiques (INET), le ministère de l’Agriculture, la CERDAIA de Bizerte et le CTV Ghar El Melh. Ensemble, ils ont mis en place des systèmes d’irrigation intelligente alimentés par des énergies renouvelables pour réduire la consommation d’eau, améliorer la productivité agricole et protéger les écosystèmes de la région. Ces résultats sont désormais mis en avant par les participants à l’atelier, notamment à travers les témoignages des acteurs impliqués dans le projet.
Un projet pionnier d’irrigation intelligente
Sondes Nijoumi, cheffe de projet et cofondatrice du programme ACCISI-GEM, a souligné l’importance de l’adoption de l’irrigation intelligente dans la région. “Nous avons installé des équipements d’irrigation intelligente chez des agriculteurs dans la région de Ghar El Melh afin qu’ils puissent suivre leur système d’irrigation de manière intelligente. Grâce à ces technologies, ils savent quand irriguer et combien irriguer, ce qui a permis de réduire la consommation d’eau de 30% et d’augmenter la production de 27%. Ces résultats nous montrent la voie vers une agriculture durable et plus résiliente face aux impacts du changement climatique”, a-t-elle expliqué.
Nijoumi a ajouté que l’approche WEFE Nexus, qui intègre les dimensions de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation, a été au cœur de cette réussite et que cette approche permet de relier les défis énergétiques à la gestion de l’eau, tout en garantissant la durabilité des ressources. “Nous cherchons à démontrer que l’irrigation intelligente, couplée à l’énergie solaire, peut non seulement améliorer la rentabilité des exploitations agricoles, mais aussi réduire l’impact environnemental “, a-t-elle encore précisé.
Des résultats concrets pour les agriculteurs
Les témoignages des agriculteurs impliqués dans le projet témoignent de l’impact positif des nouvelles technologies sur leur travail quotidien. Touhami Bouagila, agriculteur bénéficiaire du projet, a partagé son expérience. À 75 ans, il a constaté des améliorations notables dans la gestion de son exploitation. “ J’ai vu les résultats. Avant, il fallait irriguer sans savoir exactement quand ni combien. Aujourd’hui, grâce à l’irrigation intelligente, je réduis l’utilisation de l’eau tout en augmentant mes rendements. C’est une grande aide, mais il y a encore des défis, surtout en matière de financement des équipements. Le gouvernement doit soutenir davantage les agriculteurs pour rendre ces technologies accessibles à tous”, a déclaré Bouagila.
Ce dernier a égallement mis en lumière l’importance de l’accessibilité et du soutien institutionnel pour que ces technologies puissent être adoptées à grande échelle par les agriculteurs. Le soutien financier et politique est essentiel pour surmonter les obstacles liés au coût des équipements, qui restent encore un frein pour de nombreux producteurs agricoles, notamment dans les régions rurales.
L’énergie, un autre défi pour l’agriculture
Pour sa part, Ali Sahli, chercheur et professeur à l’Institut National Agronomique de Tunis (INAT), a abordé la question de l’énergie dans le cadre du projet. Il a expliqué que le programme ACCISI-GEM a également permis d’étudier l’impact de l’utilisation des énergies renouvelables, en particulier l’énergie solaire, pour l’irrigation. “Nous avons travaillé sur l’utilisation des technologies modernes dans l’agriculture, en particulier l’utilisation de l’énergie solaire pour alimenter les systèmes d’irrigation. L’énergie est un des principaux défis pour l’agriculture, et ce programme nous a permis de démontrer qu’il est possible de réduire les coûts énergétiques en utilisant des énergies renouvelables”, a-t-il souligné.
Selon lui, la transition énergétique est un facteur clé pour l’avenir de l’agriculture durable en Tunisie. L’intégration de l’énergie solaire dans l’irrigation permet non seulement de réduire la dépendance aux énergies fossiles, mais aussi de rendre les exploitations agricoles plus autonomes sur le plan énergétique. Sahli a aussi précisé que ce projet montre l’importance de prendre en compte les spécificités de chaque région. “Chaque zone a ses propres caractéristiques agricoles et socio-économiques. C’est pourquoi il est essentiel d’adapter les solutions aux besoins locaux, comme nous l’avons fait ici à Ghar El Melh”, a-t-il ajouté.
Il est aussi à noter que l’atelier a également permis de discuter des prochaines étapes pour le projet. Les acteurs présents ont souligné l’importance de renforcer la collaboration entre les différents partenaires pour garantir la pérennité et l’extension du projet. Le cadre de coopération, comprenant les autorités locales, les ONG, les chercheurs et les agriculteurs, doit continuer à se développer pour favoriser l’adoption de l’irrigation intelligente à une échelle plus large. Le développement de mécanismes de financement pour soutenir cette transition et l’élaboration de politiques publiques incitatives ont été identifiés comme des priorités.