
Mourad Hattab, expert économique et spécialiste des risques financiers, a pointé du doigt la faiblesse des banques publiques dans le soutien financier aux sociétés communautaires, un secteur créé pour favoriser le développement économique régional. Selon Hattab, ces institutions n’ont pas honoré leur rôle de soutien à la création de ces entreprises, malgré les attentes de l’État à leur égard.
“Les banques publiques ont failli à leur mission en ne finançant pas les sociétés communautaires, retardant ainsi la concrétisation de ces projets pourtant alignés avec les objectifs de développement du pays”, a indiqué l’expert, dans une déclaration à l’agence Tap. Il a rappelé que ces institutions étaient censées soutenir la création d’entreprises, en particulier les sociétés communautaires, tout en mettant en œuvre les politiques de développement économique national.
À l’exception de la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS), qui a octroyé des prêts d’une valeur de 13 millions de dinars aux entreprises citoyennes, les autres banques publiques ont manqué à leur devoir en n’accordant aucun financement aux sociétés communautaires, malgré les efforts répétés de leurs créateurs. Ces projets ont échoué à obtenir les crédits nécessaires en raison du manque d’engagement des banques publiques.
Mourad Hattab a également souligné un problème structurel au sein de ces établissements. “Les gestionnaires des banques publiques semblent peu motivés à soutenir des projets économiques novateurs, malgré leur rôle d’employés de l’État”, a-t-il précisé. Selon lui, la priorité de ces institutions reste d’accorder des crédits aux grands groupes économiques, comme le montrent les chiffres : environ 60 % des prêts bancaires sont attribués à ces grandes entreprises, délaissant ainsi les sociétés communautaires, qui constituent un moteur clé pour la croissance économique régionale.
En se basant sur les dernières données financières, Hattab a rappelé que les prêts des banques publiques représentent actuellement 42,9 % de l’ensemble des crédits du secteur bancaire en Tunisie.
Dans ce contexte, le président de la République, Kaïs Saïed, a insisté sur la nécessité de renforcer le rôle des banques publiques dans le soutien à la politique sociale de l’État, soulignant qu’elles doivent “soutenir les efforts de l’État et combattre les réseaux de corruption qui pensent être plus puissants que l’État”. Lors de ses rencontres avec la ministre des Finances, Michket Slama Khaldi, et d’autres responsables, le président a également insisté sur la nécessité de simplifier les procédures de financement et de donner une priorité au soutien des jeunes entrepreneurs.
De son côté, Mourad Hattab a appelé à une révision urgente des politiques économiques, notamment en ce qui concerne la non-application de la loi sur la réduction des taux d’intérêt des prêts. “Les banques publiques doivent respecter les lois de l’État et assumer leur rôle de soutien au développement économique national”, a-t-il ajouté.
Il a également averti qu’en l’absence de réformes dans le système bancaire public, l’économie nationale continuerait à se dégrader, avec des conséquences dramatiques sur la création d’emplois et l’investissement. “La non-réalisation des projets liés aux sociétés communautaires empêche le pays de se défaire de la dépendance vis-à-vis des institutions financières internationales, qui imposent des conditions strictes pour financer l’économie tunisienne”, a-t-il conclu.
Pour rappel, les sociétés communautaires, créées par le décret n°15 de 2022, visent à promouvoir des initiatives économiques locales dans les régions et à générer des emplois en fonction des besoins spécifiques de chaque région. Un financement supplémentaire de 20 millions de dinars a été alloué en 2025 à ce secteur, visant à renforcer la ligne de crédit dédiée aux sociétés communautaires et à soutenir le Fonds National de Garantie.