
Le médiateur est appelé à assurer la conciliation familiale et accompagner les familles afin de limiter les conflits, parvenir à des solutions et éviter les procès.
L’idée de créer la fonction de médiateur familial se précise de plus en plus et constitue une avancée attendue eu égard aux profondes mutations sociales observées au fil des années sous l’effet des changements économiques et politiques, en particulier depuis 2011. Des mutations qui ont été marquées notamment par la montée du taux de divorce et de la violence intrafamilial, l’effritement des liens familiaux causés par des litiges en matière d’héritage.
À ce propos, la deuxième partie du Conseil ministériel restreint tenu le 06 février 2025 a été consacrée à la présentation d’un projet de système spécifique de conciliation familiale, autrement dit à la création du statut de «Médiateur familial». L’objectif en est de limiter les répercussions négatives des conflits familiaux. Ce projet s’appuie sur une évaluation des résultats limités de la loi n°50 de 2010 du 1er novembre 2010, relative à l’établissement de l’institution de conciliateur familial dans les conflits du Statut personnel.
Pourquoi un médiateur familial ?
Il faut dire que lors du CMR en question, la création du statut de «médiateur familial» a été précédée de l’étude d’un projet de mise en place d’un nouveau système de pension alimentaire et de rente de divorce. C’est que ces thèmes sont intrinsèquement liés l’un à l’autre. Le médiateur familial peut éviter le divorce au couple et le recours à la justice pour les membres d’une même famille dans le cadre de la résolution des litiges en matière d’héritage. Rien ne vaut des arrangements à l’amiable au sein d’une même famille.
La multiplication des cas de divorce (14.706 durant l’année judiciaire 2021-2022 et pas moins de 14 mille en 2023) conduisant à l’augmentation du nombre de personnes condamnées pour non-paiement de la pension alimentaire, représentent une réelle menace pour la société. De tels indices imposent à l’État la prise de mesures préventives en vue d’apaiser les tensions et d’éviter la judiciarisation des conflits conjugaux.
L’unité familiale pour assurer la cohésion sociale
«Dans une société où la conjugalité est fragile, la médiation familiale est avant tout un outil au service des familles en vue de préserver ou de restaurer les liens familiaux et de prévenir les conséquences de trop grandes ruptures dans le groupe familial. Le manque de dialogue s’y fait sentir cruellement, et le recours juridique n’y satisfait pas», souligne dans son tout récent livre Dominique Lefeuvre, médiateur familial diplômé d’État en France, publié sous l’intitulé Le médiateur familial : quand et pourquoi ?». Il faut donc chercher à mettre en pratique des mécanismes susceptibles de protéger la cohésion familiale à travers le rapprochement des points de vue entre les conjoints pour éviter les procès et la séparation qui causent des séquelles indélébiles.
Le médiateur aura ainsi pour mission d’assurer la conciliation familiale et d’accompagner les familles afin de limiter les conflits, de favoriser le dialogue et de promouvoir une culture de cohésion familiale. D’ailleurs, dans son mot d’ouverture des travaux du CMR en question, le Chef du gouvernement, Kamel Meddouri, a souligné que «la réalisation des fondements de la cohésion familiale nécessite la mise en place d’une nouvelle politique publique pour la famille, conformément aux dispositions de la Constitution, notamment celles relatives à la famille». Dans ce même contexte, il a aussi mis en avant l’avancement dans la mise en place d’une stratégie nationale visant à renforcer la stabilité et la cohésion de la famille tunisienne selon une approche participative, inclusive et efficace qui tienne compte des mutations sociétales, démographiques, culturelles et économiques actuelles.
S’inspirer d’autres modèles étrangers tout en gardant nos spécificités
Ce projet s’appuie également sur de meilleures pratiques et des législations comparées, tout en adaptant les solutions aux spécificités de la famille tunisienne. En France à titre d’exemple, la pratique de la médiation familiale a été introduite en 2001 par divers spécialistes, tels que les juristes, les psychologues, les employés sociaux, en vue de trouver des réponses à l’évolution des modes de vie, à l’augmentation des divorces et particulièrement à la nécessité de ne pas judiciariser inutilement les conflits. La loi relative à l’autorité parentale du 4 mars 2002 a officialisé la reconnaissance législative de la médiation familiale.
Pour bien faire les choses, un diplôme d’État de médiateur familial a été instauré en France par décret en 2003. Ce diplôme atteste des compétences nécessaires pour intervenir auprès de personnes en situation de rupture ou de séparation afin de favoriser la reconstruction de leur lien familial et d’aider à la recherche de solutions répondant aux besoins de chacun des membres de la famille.
En Algérie, la médiation familiale est légalement reconnue, généralement pratiquée et encouragée par l’État. Le décret exécutif n° 16-62 (2016) a fixé les modalités d’organisation de la médiation familiale et sociale. Les mesures d’application de ce décret ont été annoncées en 2017. Au Maroc, le Code de la famille reconnaît l’importance de la médiation familiale et autorise le juge à recourir à des médiateurs pour tenter de réconcilier les parties en conflit. Cependant, l’absence d’une procédure spécifique et d’un cadre institutionnel adéquat limite la portée de cette pratique, souligne dans un article, Zakaria Berala, chercheur en juridiction des affaires de la famille.