
Selon Slaheddine Maâref, expert en projet de développement dans le domaine des TIC, le partenariat public-privé (PPP) peut jouer un rôle clé dans le développement de plusieurs secteurs, notamment dans la transition numérique. Encore faut-il lever les blocages et instaurer un climat de confiance entre les acteurs publics et privés. Il nous apporte son éclairage.
En revenant sur les expériences du passé et en analysant les besoins actuels en matière de projets PPP, quel état des lieux faites-vous aujourd’hui du partenariat public-privé ?
Le sujet du PPP est de nouveau d’actualité en Tunisie, car nous avons besoin de leviers de développement économique pour accélérer la croissance et le rythme de développement du pays. Nous avons des expériences réussies en Tunisie, bien sûr, mais elles restent malheureusement peu nombreuses. Nous aimerions que le PPP se développe davantage et qu’il ne se limite pas uniquement aux grands projets nécessitant d’importants investissements.
L’objectif est aussi d’impliquer les petites et moyennes entreprises pour qu’elles puissent contribuer à cet effort national. Plusieurs éléments doivent être pris en compte pour assurer le succès des projets PPP : les mécanismes existants, la confiance entre les parties, les conditions de cofinancement, la transparence… Tous ces aspects doivent être débattus. Nous pouvons, également, tirer les enseignements des réussites passées, notamment celles des années 90. Le projet de développement du lac de Tunis, par exemple, est une réussite dont ont bénéficié à la fois l’Etat tunisien et le partenaire privé chargé de sa mise en œuvre. La centrale de Radès, construite par des investisseurs privés puis récemment restituée à l’Etat en parfait état de fonctionnement, en est un autre exemple. Certaines technopoles technologiques ou encore des projets dans le domaine du transport prouvent également que ce modèle peut fonctionner en Tunisie.
Pourquoi ça bloque aujourd’hui?
Je pense que l’une des principales raisons est la situation financière de l’Etat. Celui-ci ne dispose pas des ressources suffisantes pour contribuer de manière significative aux projets. L’investissement public a baissé à des niveaux qui ne permettent plus de lancer un grand nombre de chantiers. Mais les ressources financières peuvent être mobilisées par le secteur privé. Il est donc essentiel de créer les bonnes conditions pour encourager ce dernier à investir dans des projets en PPP.
La confiance et le partage des risques sont, à ce titre, des éléments clés. La clarté des contrats, la gouvernance des projets et la participation des PME tunisiennes, notamment dans les projets technologiques, sont autant de conditions à réunir. Cela nécessite également des institutions solides capables de soutenir le développement des PPP.
Vous avez souligné l’importance d’engager un dialogue autour du PPP…
Aujourd’hui, de nombreux acteurs en Tunisie n’ont pas une compréhension approfondie du partenariat public-privé. Cette méconnaissance freine le lancement de projets, car elle empêche les parties d’avancer avec une vision claire et une certitude quant aux bénéfices du modèle. Il est donc essentiel de relancer les dialogues aux niveaux national, régional et sectoriel pour sensibiliser ces acteurs et clarifier l’intérêt du PPP. Tout le monde doit y trouver son compte, car ces projets doivent être fondés sur un principe gagnant-gagnant.
Le dialogue sectoriel est particulièrement important, car il permet de définir les priorités et de déconstruire certaines idées reçues, notamment celle selon laquelle le PPP équivaudrait à une privatisation ou à un désengagement de l’Etat. Ce n’est pas le cas. Au contraire, le PPP est une contribution des Tunisiens et de leurs partenaires au développement du pays, avec la garantie que l’Etat récupérera les infrastructures et les services à terme.
Comment concevez-vous le PPP dans le domaine des nouvelles technologies, un secteur prioritaire et à forte valeur ajoutée ?
L’exemple de la plateforme relative aux chèques, récemment mise en place, illustre bien l’intérêt des PPP dans les technologies numériques. Mais ce modèle peut aussi s’appliquer à d’autres secteurs comme l’énergie, la douane, le transport, les hôpitaux ou encore l’agriculture. Dans ces domaines, nous avons besoin d’expertise et d’innovation, notamment en matière d’intelligence artificielle, des éléments clé pour améliorer notre compétitivité sur la scène internationale. La Tunisie est un pays touristique et ouvert. Nous devons donc nous doter de systèmes informatiques performants et modernes. Or, l’Etat ne peut pas, à lui seul, développer des logiciels et des applications partout. Il doit permettre aux jeunes, aux PME et au secteur privé de créer des solutions technologiques pour son compte, tout en assurant un contrôle efficace grâce à des indicateurs de performance clairs. Ces partenariats doivent s’inscrire dans la durée. Il est, donc, essentiel de faire confiance aux jeunes talents et aux entreprises locales en leur faisant confiance dans la mise à niveau continue des systèmes et des solutions qu’ils développent.