Accueil A la une 30 nouveaux barrages et stations de dessalement d’ici 2050 : La gestion de l’eau en Tunisie est-elle suffisante pour éviter des tensions futures ?

30 nouveaux barrages et stations de dessalement d’ici 2050 : La gestion de l’eau en Tunisie est-elle suffisante pour éviter des tensions futures ?

Le 21 mars 2025, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, qui se célèbre chaque 22 mars depuis sa proclamation par les Nations Unies en 1992, Abdallah Rabhi, expert international en gestion des ressources en eau, a rappelé l’importance de cette journée pour sensibiliser les citoyens à l’exploitation durable des ressources hydriques. 

Lors de son passage ce matin sur les ondes d’Express Fm, Rabhi a souligné que cette journée permet de mettre en lumière les enjeux critiques de la gestion de l’eau à l’échelle mondiale, nationale et locale.

Concernant la situation hydrique actuelle de la Tunisie, il a indiqué que l’année 2025 enregistre une situation plutôt favorable en termes de précipitations, avec des niveaux dépassant les moyennes dans de nombreuses régions du pays. À ce jour, le stock des barrages est estimé à 841 millions de mètres cubes, soit un taux de remplissage de 35,5 %. “Nous pouvons considérer cette saison comme plutôt bonne”, a-t-il précisé.

Cependant, il a également signalé que les recettes en eau, à savoir le volume total des précipitations accumulées dans les réservoirs, restent inférieures à la moyenne de 48 %, avec un total de 662 millions de mètres cubes contre 1,387 milliard de mètres cubes en moyenne. Rabhi a exprimé l’espoir que les mois de mars et avril, traditionnellement plus pluvieux, contribuent à renforcer les stocks des barrages, bien que la situation ne soit pas encore critique.

Des défis permanents pour la gestion de l’eau

L’expert a toutefois souligné plusieurs défis persistants pour la gestion de l’eau en Tunisie. Selon lui, les ressources en eau par habitant sont particulièrement faibles dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, où 80 % des pays sont confrontés à des pénuries d’eau. En Tunisie, la part d’eau disponible par habitant est estimée à 420 mètres cubes par an, bien en deçà du seuil de pauvreté en eau fixé à 1 000 mètres cubes. Certains pays, comme les plus arides, peuvent se retrouver avec moins de 100 mètres cubes d’eau par habitant chaque année.

“Le cas particulier du gouvernorat de Zaghouan, autrefois un pourvoyeur clé d’eau pour le pays, illustre bien cette situation de crise, avec des niveaux de pénurie de plus en plus préoccupants”, a-t-il précisé, tout en soulignant les effets dévastateurs de l’assèchement progressif des barrages, particulièrement touchés par l’accumulation des sédiments au fil des années, qui limitent leur capacité de stockage.

En outre, en réponse à ces défis, Abdallah Rabhi a indiqué que le gouvernement tunisien a lancé un plan stratégique pour la gestion de l’eau à l’horizon 2050, dont la mise en œuvre a déjà débuté. “Ce plan prévoit des investissements majeurs, notamment dans la construction de 30 nouveaux barrages et de stations de dessalement à travers le pays… L’objectif est de garantir un approvisionnement stable en eau tout en réduisant les pertes dans les réseaux de distribution”, a-t-il encore précisé.

Dans ce même cadre, Rabhi a insisté sur l’importance de renforcer la gouvernance de l’eau. Il a évoqué la nécessité de réformer le Code de l’eau, en soulignant que la loi actuelle, datant de 1975, ne correspond plus aux réalités modernes du pays. “Le code devrait inclure la création d’un Conseil supérieur de l’eau, placé sous la présidence du gouvernement, pour superviser les questions liées à la gestion de cette ressource essentielle”, a-t-il expliqué.

Une urgence nationale

Parmi les solutions proposées par l’expert, la mise en place de barrages souterrains, le développement de techniques de dessalement à plus grande échelle et la réduction significative des pertes d’eau dans l’agriculture, qui représente environ 50 % des pertes totales, figurent en bonne place. “L’agriculture est un secteur crucial, mais elle doit adopter des pratiques plus économes en eau pour faire face aux défis futurs”, a-t-il affirmé.

Il a également souligné la nécessité de réexaminer la structure administrative en charge de la gestion de l’eau en Tunisie, de renforcer les dispositifs de suivi et de contrôle, et de créer des mécanismes permettant une gestion plus efficace et équitable de la ressource.

Rabhi a également indiqué que “la gestion des problèmes de l’eau en Tunisie est insuffisante”, ajoutant que “l’eau est devenue un facteur de décision politique”, avec des conflits et des guerres entre pays pour l’accès à cette ressource vitale. “Il est donc crucial de renforcer les mécanismes de coopération et de gouvernance afin d’éviter des tensions futures”, a-t-il ajouté, en faisant référence aux divers exemples de luttes internationales pour l’eau.

Selon Abdallah Rabhi, le coût du mètre cube d’eau dessalée est estimé à 3 dinars, tandis que le coût de l’eau stockée dans les barrages est de 1 700 millimes. Pour équilibrer l’offre et la demande d’eau d’ici 2050, le coût total du plan d’action proposé est évalué à 75 milliards de dinars.

Face à cette situation, il a insisté sur le fait que l’eau devrait être une priorité nationale, au même titre que l’éducation, l’énergie ou la santé, et qu’il est indispensable d’intégrer la gestion de l’eau dans une politique de développement durable à long terme. « La sécurité alimentaire est intimement liée à la sécurité de l’eau », a-t-il conclu, appelant à une mobilisation générale pour préserver cette ressource essentielle.

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