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Phosphate en Tunisie : Entre richesses naturelles et défis de production

Le renforcement du rythme de production se fera par étapes au cours des prochaines années avec pour objectif d’atteindre 14 millions de tonnes par an à la fin de 2030.

Secoué par plusieurs crises, le secteur des mines est dominé à 80 % par l’activité de phosphate et contribue à hauteur de 3% au PIB. La production de phosphate revêt un intérêt primordial et constitue une priorité majeure pour l’État. Lors de sa rencontre le 4 mars, au Palais de Carthage, avec Mme Fatma Thabet Chiboub, ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, le Président de la République, Kaïs Saïed, a mis en avant la nécessité pour ce secteur de retrouver, et même de dépasser, son ancien rythme de production.

Les directives présidentielles émanent d’une réalité qu’on a tendance le plus souvent à occulter : la Tunisie compte parmi les plus grandes réserves de phosphate du monde. En 2024, notre pays occupe la quatrième place avec des réserves estimées à 2,5 milliards de tonnes. 

La production annuelle a atteint un seuil de 8 Mt en 2010; mais depuis elle a chuté à un niveau moyen de 4 millions de tonnes pendant la période 2011 – 2022 à cause des mouvements sociaux, révèle une étude élaborée par Najeh Cherif, chargée des fonctions de directeur général des mines au ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie en mai 2023.

En matière de production de phosphate et dérivés, la Tunisie est pionnière à l’échelle internationale. La Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) est l’entreprise publique tunisienne d’extraction de phosphate. Elle exploite neuf carrières à ciel ouvert dans le bassin minier de Gafsa. La CPG dispose de 10 laveries pour traiter le phosphate brut en phosphate marchand avec une capacité de 8,3 Mt. En termes de perspectives de développement, l’étude met en avant «la nécessité d’augmenter la production des ressources minérales et d’améliorer le cadre législatif et réglementaire, la promotion du secteur minier pour attirer les investisseurs et l’encouragement de la transformation des minerais».

Comment passer rapidement à l’action ?

En vue de retrouver la dynamique de production, un Conseil ministériel restreint (CMR) a été tenu au cours duquel un programme futur de développement, de production, de transport et de transformation du phosphate pour la période 2025-2030 et la mise en place d’un mécanisme permanent de suivi de sa mise en œuvre a été adopté.

Des mesures concrètes ont été prises à cette occasion pour, surtout, agir au plus vite sur le terrain. Ainsi, il a été décidé la création d’une unité industrielle de production de monophosphate fin et de monophosphate de calcium granulé à Skhira au golfe de Gabès, avec une capacité de production annuelle estimée à 250 mille tonnes, et d’une unité industrielle de production d’acide phosphorique purifié, avec une capacité de production annuelle estimée à 60 mille tonnes à la même ville.

Egalement au menu de ce programme ambitieux, la création d’une unité de purification de l’acide phosphorique de cadmium à El Mdhilla (Gafsa), dotée d’une capacité de production annuelle estimée à 180 mille tonnes. Le conseil a aussi décidé d’appuyer le Groupe chimique tunisien (GCT) pour le financement des composantes restantes du projet Mdhilla 2 et de créer des unités pilotes de production d’ammoniac vert à Gabès, de production d’acide phosphorique à Skhira et d’engrais phosphatés granulés à Mdhilla. Ce projet, rappelons-le, consiste à réaliser une usine de production de TSP avec une capacité de production de 400.000 tonnes/an.

Ces mesures et tant d’autres prises dans le cadre de la préservation de l’environnement, comme l’installation d’unités pour traiter les émissions des unités de production d’acide phosphorique à Gabès, Skhira et Mdhilla, sont susceptibles de booster le secteur de la production de phosphate, et surtout de passer à l’action et favoriser sa durabilité. 

Et c’est en toute logique qu’il a été décidé lors du CMR de retirer le phosphogypse de la liste des déchets dangereux et de l’inscrire en tant que produit à valeur ajoutée et de l’utiliser dans divers domaines selon des conditions préfixées et d’exonérer le GCT de la TVA sur les intrants des engrais destinés au marché local. Une décision qui n’a pas été bien accueillie par les représentants de la société civile, notamment à Gabes, qui appellent d’ores et déjà à la création de centre de dépistage  précoce de certaines maladies liées aux agents polluants provenant de l’industrie du phosphate.

Les défis logistiques passés en revue

Il est à souligner que plusieurs avancées ont été réalisées en matière de transport, à l’instar du projet de rénovation d’un tronçon de 190 km de lignes ferroviaires assurant le transport du phosphate, la reprise  de l’activité de transport du phosphate par chemin de fer sur la ligne 15 reliant Métlaoui et  Redeyef en 2024 après une interruption depuis octobre 2017 suite à des inondations. 

Aujourd’hui, il y a tout lieu de penser qu’on est dans la phase ascendante de la courbe de production. La ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, Fatma Thabet Chiboub, va encore plus loin. Elle a mis l’accent lors du CMR précité sur les principaux résultats prévus dans le cadre de ce programme, précisant que «le renforcement du rythme de production se fera par étapes au cours des prochaines années avec pour objectif d’atteindre 14 millions de tonnes par an à la fin de 2030». Pour certains observateurs, la ministre a placé la barre trop haut.

Toutefois, il est bien utile de préciser qu’il s’agit d’une projection de la production selon un plan d’action permettant d’orienter avec précision les tâches à accomplir, tout en tenant compte bien évidemment des conditions des travailleurs et du respect de l’environnement.  Pour bien mener ces tâches, les membres de la commission des secteurs productifs du Conseil national des régions et des districts (Cnrd) n’ont pas trop attendu et ont déjà pris les choses en main.

Ils se sont déjà réunis mercredi, 20 mars et ont planché sur les défis logistiques liés au transport du phosphate vers les unités de transformation et d’exportation. «L’efficacité opérationnelle aux différentes étapes de la production et du transport du phosphate, ainsi que les moyens d’en améliorer la gouvernance et optimiser les coûts» ont été au centre des discussions de cette réunion supervisée par Imed Derbali, président du Conseil des régions et des gouvernorats, et à laquelle ont pris part Abdelkader Amaydi, PDG de la CPG, et Najah Cherif, directrice générale des mines au ministère de l’Industrie, selon la TAP.

Les discussions ont d’ailleurs porté sur les «stratégies visant à rendre le secteur plus durable, l’utilisation de techniques de production modernes à faible coût et à impact environnemental réduit, ainsi que sur le développement de partenariats et d’investissements dans le secteur». Les entraves liées au transport, aux défis environnementaux, ainsi que les problématiques sociales, les contrats, la transparence des recrutements et le rôle social de la CPG, ont été aussi au menu des discussions. 

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