Accueil Economie Trump relance la guerre commerciale : Vers un nouvel ordre économique ?

Trump relance la guerre commerciale : Vers un nouvel ordre économique ?

A peine revenu à la Maison-Blanche, Donald Trump remet au goût du jour sa doctrine « America First » (l’Amérique en premier) et sa politique protectionniste, notamment vis-à-vis des importations européennes, qui risquent de fragiliser l’économie mondiale et pourraient rebattre les cartes du commerce international.

«A partir d’aujourd’hui, notre pays sera de nouveau prospère et sera de nouveau respecté dans le monde entier. Nous susciterons l’envie de toutes les nations, et nous ne permettrons plus jamais que l’on profite de nous. Pendant chaque jour de l’administration Trump, je mettrai l’Amérique en premier, tout simplement… Je commencerai immédiatement une refonte de notre système commercial pour protéger les travailleurs et les familles américains.

Au lieu de taxer nos citoyens pour enrichir d’autres pays, nous taxerons les pays étrangers pour enrichir nos citoyens », le discours d’investiture du revenant à la Maison Blanche, Donald Trump, le 20 janvier 2025, ne laissait aucune chance aux doutes quant à ses intentions de déclencher une guerre commerciale avec la Chine, l’Europe ou encore ses voisins les plus proches, le Mexique et le Canada (pas pour les mêmes raisons).

De lourds tarifs douaniers

Dès les premières semaines de son nouveau mandat (dernier mandat selon la constitution américaine, il ne pourra pas se représenter en 2028), Trump annonce l’instauration de tarifs douaniers de 25 % sur les importations en provenance de l’Union européenne. En Europe, les secteurs particulièrement touchés sont la métallurgie qui avait déjà, en 2018 (lors du premier mandat de Trump), fait les frais de cette politique, puis le secteur de l’agroalimentaire qui pourrait très prochainement être taclé par une taxe de 200 % sur les vins et les spiritueux européens.

Une guerre commerciale qu’assume Donald Trump en dépit des mises en garde de la Réserve fédérale des Etats-Unis, la Fed, équivalent de notre Banque centrale. Le président de la Fed, Jerome Powell, a en effet déclaré la semaine dernière: «Nous avons maintenant une inflation provenant d’une source exogène, mais avant cela, l’inflation sous-jacente était d’environ 2,5 %, avec une croissance de 2 % et un chômage de 4 %».

Selon les projections de la Réserve fédérale, l’inflation aux Etats-Unis pourrait bondir en 2025 tout en freinant l’investissement, la confiance et la croissance à court terme. Selon certains experts, une stagnation économique combinée à une hausse des prix (stagflation) aux Etats-Unis n’est pas exclue. Le président américain a récemment demandé à la Fed de réduire ses taux d’intérêt, mais la Réserve fédérale maintient pour l’instant son taux directeur. 

Une remise en cause du modèle ricardein ?  

Pour l’Europe l’impact est énorme, avec néanmoins quelques nouvelles opportunités pour le vieux continent, assure Mohsen Hassan, expert économique et ancien ministre. « Le protectionnisme tarifaire déclenché par Trump constitue un choc économique inédit qui risque d’accentuer les tensions commerciales et provoquer une récession économique mondiale », explique-t-il, en notant au passage que l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde) a revu à la baisse ses prévisions de la croissance mondiale à 3,1 % cette année, soit une baisse de 0.2 point par rapport à ses dernières anticipations au mois de décembre. 

Une révision de la copie rendue nécessaire en raison de cette remise en cause du commerce mondial mais également en raison de l’incertitude géopolitique.  En fait, la politique commerciale menée par l’administration Trump risque de provoquer le bouleversement de la logique du commerce mondial. En économie, la logique du libre-échange et l’idée de l’avantage comparatif, développée par David Ricardo, voudraient que chaque pays devrait se spécialiser dans la production des biens où il est le plus compétitif pour maximiser l’efficacité globale du commerce international. Or, voilà Donald Trump qui voudrait finalement que tout soit produit localement, même si les coûts sont plus chers, avec, en prime pour les entreprises américaines, une baisse d’impôts.

Un bouleversement pour l’Europe, mais… 

«Les tarifs douaniers, la déréglementation et la réduction des impôts vont accroître les bénéfices des entreprises, mais il faut signaler que l’augmentation des coûts de production vont augmenter les prix et donc fragiliser la demande intérieure aux Etats-Unis… Ce n’est pas du tout rose pour les Etats Unis, où règne actuellement un climat de pessimisme et manque de confiance », précise Mohsen Hassan. D’ailleurs, les marchés financiers réagissent pour l’instant assez mal aux politiques de Donald Trump.

Pour l’Europe, notre interlocuteur explique que les politiques économiques de Donald Trump ont entraîné une désorganisation des chaînes d’approvisionnement, bouleversé les flux commerciaux et contraint les entreprises européennes à revoir leur organisation. En gros, pour pouvoir contourner la taxation américaine, les entreprises européennes envisagent de délocaliser leurs activités sur le sol étatsunien.

«La baisse de l’impôt sur les sociétés aux États-Unis exerce une pression supplémentaire sur les entreprises européennes, qui pourrait inciter certaines firmes à délocaliser leurs activités outre-Atlantique», précise Mohsen Hassan.  «En matière de croissance, poursuit-il, l’Europe affiche un taux modeste de 1%, cela dit, l’augmentation des dépenses de défense [pour s’affranchir de la dépendance vis-à-vis des Etats-Unis] pourrait, à court terme, soutenir l’activité économique, même si elle risque au passage d’aggraver le déficit budgétaire».

Si le défi semble énorme pour l’Europe, le challenge Trump pourrait très bien être une opportunité, estime l’expert. En effet, confrontée à cette agressivité commerciale, l’Union européenne revoit ses priorités économiques et industrielles. Une approche qui, à terme, favoriserait l’émergence d’une Europe plus forte et plus intégrée.

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