Accueil Economie Tribune: Mathématiques, le cœur battant de l’IA (III)

Tribune: Mathématiques, le cœur battant de l’IA (III)

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Par Mohamed Jaoua, mathématicien

Lors de l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française en 2017, son ministre de l’Éducation avait chargé Cédric Villani, médaillé Fields 2010, de réfléchir aux moyens de remédier à la polarisation de la société française entre, d’une part, une recherche mathématique de premier plan, et d’autre part, une culture mathématique qui a progressivement déserté les collèges et les lycées comme le dénote le classement Pisa. 

Cédric Villani lui avait remis — avec Charles Torossian, Docteur et Inspecteur Général de Mathématiques, directeur de l’IH2EF — un rapport préconisant 21 mesures pour « sauver les Mathématiques à l’école ». Au premier rang desquelles figure la mise en œuvre, dès le plus jeune âge, d’un apprentissage des mathématiques concrètes fondées notamment sur l’expérimentation, la verbalisation, l’abstraction et le renforcement des liens avec les autres disciplines. Souffrant, quant à nous, des mêmes maux que la France, que nous avons hérités d’elle mais aussi aggravés, notre système éducatif serait bien inspiré de tirer de ce rapport quelques conclusions quant aux mesures à prendre pour enrayer le déclin de notre école sur ce qui fut jadis son terrain de prédilection. Il faut préciser que notre objectif —en tant que mathématiciens—  n’est pas, et ne devrait pas être de sauver les Mathématiques à l’école et à l’université. Il doit être bien plutôt de sauver notre école et notre université —et sauver notre pays— du déclin des Mathématiques en leur sein, dans un monde qui devient quant à lui chaque jour plus mathématique. 

Pour cela, il ne s’agit pas tant d’inventer que d’apprendre et d’ouvrir les yeux sur le monde. Villani et Torossian avaient à cet égard prôné la méthode dite de Singapour, dont l’application, à l’orée des années 80, avait progressivement propulsé les élèves de ce pays, jadis à la traîne, aux premiers rangs du classement PISA (encore première en 2023 et 2024). Certains de ses outils pour réconcilier les jeunes avec les Mathématiques, comme le recours aux bûchettes dont ceux de ma génération se souviennent bien, peuvent sembler désuets.

Mais, avec d’autres objets tels que cubes, bouliers, dés, jetons, figures géométriques, disques de fractions, pièces de monnaie factices, etc., qui servent à concrétiser les concepts — ils se révèlent d’une redoutable efficacité à l’usage … après tout, ne dit-on pas que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes ? D’autres outils, plus modernes, sont basés sur l’usage de plateformes et autres objets numériques d’apprentissage. Ils sont plus innovants pour permettre de personnaliser l’expérience d’apprentissage de chacun, en faisant notamment recours à l’IA, en répétant autant de fois que nécessaire le même exercice, en apportant à l’élève en difficulté des corrections partielles pour lui permettre de progresser dans sa résolution, pour ne pas rester bloqué, en échec, pour ne pas abandonner.

Bref, des outils pour apprendre les mathématiques « en les faisant », en les utilisant pour résoudre des problèmes concrets de la vie courante. On m’objectera que tous les enseignants le font… mais dans une classe de 30 élèves, pourquoi accepter que le rythme des plus lents s’impose à l’enseignant et à la progression de tous, alors qu’une plateforme d’apprentissage peut s’adapter au rythme de chacun sans laisser personne en chemin ? 

M.J.
(À suivre)

N.B. : L’opinion émise dans cette tribune n’engage que son auteur. Elle est l’expression d’un point de vue personnel.
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