Accueil A la une Criminalité : Le matricide, un nouveau phénomène

Criminalité : Le matricide, un nouveau phénomène

Mettre fin à la vie de celle qui donne la vie est un acte criminel des plus atroces, des plus cruels et des plus immoraux ! Le matricide vient contrecarrer toute logique, toute valeur et mettre l’Humain, indépendamment de sa culture, de son ethnie et de ses croyances, face à la force du mal dont il est capable. De nos jours, achever sa mère à coups répétitifs, avec préméditation, ne relève plus des faits divers atterrants qui survenaient une fois tous les cinquante ans ! On en entend parler au fil des mois, selon une fréquence inquiétante, pour des crimes aussi choquants et invraisemblables. Et à chaque délit, les pensées se perdent dans le labyrinthe des hypothèses pourtant non argumentatives : comment a-t-il osé ? Comment a-t-il pu le faire ? Qu’est-ce qui a bien pu le pousser à envisager un tel acte barbare et l’accomplir ? Comment a-t-il pu tuer sa mère de ses propres mains ?

La Presse — Toute justification est, incontestablement, vaine ! Quelle que soit la nature de la relation mère-fils, quels que soient les conflits marquant ce couple, leurs querelles et leur vécu, le matricide demeure intolérable. Néanmoins, pour comprendre ce tournant sidérant qui fait du matricide un crime récurrent, aussi bien à l’échelle mondiale que dans notre pays, où le statut de la mère chapeaute pourtant la hiérarchie familiale — valeurs sociales et religieuses obligent —, nous avons eu recours à M. Atef Labbadi, psychologue. Il rappelle que, d’un point de vue psychologique, scientifique, religieux, social et universel, la mère constitue un être sacré, non seulement chez les humains mais aussi chez tous les mammifères. 

Dans un état second…

Cet être risque, en revanche, d’être délesté de sa sacralité suite à moult facteurs d’ordre psychologique, psychiatrique, social, relationnel mais aussi suite à l’addiction ou la toxicomanie. «D’abord, il faut que l’on admette que l’humanité vit à un rythme qui excède de loin ses capacités d’adaptation. Tout ce qui a trait au social a connu une mutation telle que la vitesse du rythme de la vie est nettement supérieure au rythme que l’humain est capable de gérer. Aussi, le niveau du stress a-t-il augmenté d’un cran, incitant bon nombre de personnes à s’adonner aux stupéfiants. Ces derniers, poursuit M. Labbadi, nous proviennent en quantités immensurables, ce qui les rend accessibles». Pris sous l’emprise des drogues, le toxicoman perd et la maîtrise de soi et sa capacité à distinguer le bien et le mal. «D’où les crimes qu’il pourrait commettre alors qu’il est dans un état second. D’ailleurs, le statut de la victime ne compte plus à ses yeux. Qu’elle soit sa mère ou une personne qui lui est tout à fait inconnue, pour lui, toutes se valent», explique notre psychologue. 

Avidité et obsession de l’apparat

Les changements radicaux des valeurs, la suprématie de l’individualisme sous ses pires manifestations et le relâchement des liens sociaux sont tels qu’il devient difficile de percevoir la société telle qu’elle était auparavant. Selon l’avis du psychologue, l’apparence — ou plus exactement l’apparat — représente la principale valeur dans une société où le confort matériel prime sur le relationnel et l’humain. «Pour l’Homme moderne, sa devise se limite à “je vaux ce que je porte, ce que je possède comme biens matériels”». Cette logique trouve toute son assise aussi bien dans le nouveau moule social que dans l’excès de zèle auquel s’adonnent certains parents. C’est qu’en faisant primer l’intérêt suprême de l’enfant-roi, certains parents lui apprennent à devenir égoïste et avide. Il finit par avoir la ferme conviction, poursuit M. Labbadi, que ses parents ne vivent que pour lui. Pis encore : leur intérêt s’effrite face à son intérêt à lui. Ainsi, l’égocentrisme et l’avidité nourrissent le relâchement relationnel au sein même de la famille, voire entre l’enfant et ses parents, au point d’annuler toute hiérarchie. 

De la santé psychologique et mentale

D’un autre côté et sur le plan psychologique — voire aussi psychiatrique —, les troubles de la personnalité viennent comme une explication scientifiquement prouvée à ce genre de délits. Il s’agit de troubles qui en disent long sur des complexes non résolus, voire accentués au fil des années, dont le complexe d’Œdipe, par exemple. «Les personnalités psychopathiques, les personnalités narcissiques, celles machiavéliques, les schizophrènes, les paranoïaques ; autant de troubles qui résultent, pour certains, de complexes psychologiques non résolus et qui pourraient inciter la personne concernée à commettre des actes illicites, voire atroces. Les paranoïaques, par exemple, sont souvent en proie à des hallucinations. Ils peuvent être extrêmement redoutables car se croyant persécutés et menacés», ajoute M. Labbadi. 

En examinant les différents scénarios évoqués par le psychologue, l’on constate que certains crimes, des plus horribles, auraient, probablement, pu être évités si seulement on avait accordé une importance plus notable à la santé psychologique et mentale, à la gestion du stress qui ronge notre quotidien, à la lutte contre la toxicomanie en traitant le problème à la base, notamment en barrant la route à tout trafic de stupéfiants… Ils auraient pu être évités si les familles avaient su résister au fléau de l’individualisme en s’affermissant davantage pour maintenir, solide et inébranlable, la hiérarchie familiale et la sacralité parentale. Combien il aurait été rassurant d’entendre évoquer «la sacralité parentale» plutôt que «la démission parentale» que l’on observe à l’œil nu…

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