
Malgré une fragilité physique et des résultats moins lumineux, Ons Jabeur a encore un rôle à jouer.
La Presse — Imaginons que l’un des meilleurs joueurs de football, de handball, de volley-ball, qu’un de nos anciens champions du monde de boxe, de judo, d’escrime ou de n’importe quelle autre discipline sportive, accepte de rendosser le maillot et de reprendre la compétition. Quel serait son rendement ? Retrouverons-nous la même aisance, dextérité, inspiration et présence influente sur l’adversaire? Assurément non. La performance, ce n’est pas seulement un nom. C’est aussi un certain nombre de conditions, critères exogènes et endogènes, d’ambiance, de présence et de disponibilités physiques, dont dépendent l’inspiration et la technique. Parce que la technique est un art. On ne saurait jouer d’un instrument de musique dans un lieu qui ne s’y prête pas. Lorsque le corps ne répond pas, lorsqu’on n’a plus ses jambes de début de carrière (nous n’avons pas précisé d’âge), il est difficile de soutenir le rythme de ces tournois de tennis que l’on organise de par le monde.
Ons Jabeur, que nous admirons et que nous respectons pour tout ce qu’elle a fait non pas seulement pour le sport, mais aussi pour l’image de la Tunisie, éprouve ces derniers temps des difficultés. Nombreux sont ceux qui sont scandalisés par sa rétrogradation en 36e position au classement. Cette merveilleuse joueuse, qui maîtrise son art et que l’on vient pour voir son tennis, fait de finesse et de gestes incroyables. Ce tennis qui n’est plus en vogue et qui a fini par céder la place à de véritables bûcherons.
Rien n’est éternel
Nous ne sommes pas les seuls à avoir constaté qu’elle n’a plus la même présence sur le terrain. Elle garde ses coups magiques, mais a perdu cette fraîcheur, cette maestria qui lui ont permis de dominer et d’aller aussi loin.
Attention, nous parlons d’une joueuse cent pour cent tunisienne, qui s’est frayée un chemin, alors que les courts de tennis se comptaient sur les doigts des mains, que les techniciens n’avaient pas encore l’expérience qu’ils ont de nos jours. Les organisateurs qui l’invitent savent tout cela. Et pourtant, elle est de tous les tournois. Qu’elle joue un ou deux sets, qu’elle gagne ou qu’elle perde, cela est égal. On vient pour la voir. Rien que pour revoir ses amortis, ses coups droits, ses balles liftées à effets diaboliques.
Les commentaires de ses supposés fans, ces derniers temps, deviennent de plus en plus acerbes, blessants, hors de propos pour une sportive qui a marqué son époque. Qu’on le veuille ou non, dans le monde arabe, en Afrique et même ailleurs, joueurs et joueuses la prennent en exemple et veulent l’imiter. Son public doit comprendre que rien n’est éternel sauf cette grâce divine qui lui a permis d’aller aussi loin. Il faut l’accepter et comprendre que Ons joue pour le plaisir, en raison certainement de cette fragilité physique qui pourrait intervenir à n’importe quel moment pour n’importe quel sportif d’élite. Mais sa mission est loin d’être terminée. Elle est encore une icône. Elle continue d’impressionner les jeunes. Elle doit continuer à le faire. Ce tennis, pour lequel elle a tant sacrifié, a encore besoin d’elle. Sur le terrain ou en dehors et pourquoi pas un jour parmi ses organes dirigeants.
Ou alors, en tant que responsable d’une académie de tennis qu’elle a promis de lancer une fois sa carrière terminée.