Accueil A la une Jeunesse : Repenser, réorienter, conforter

Jeunesse : Repenser, réorienter, conforter

Selon les chiffres annoncés, «la population tunisienne a atteint 11.972.169 habitants en 2024. Ce recensement constitue un outil fondamental pour actualiser les données démographiques et sociales du pays, permettant aux autorités de mieux orienter les choix économiques, sociaux et territoriaux».

La Presse — Etant donné que nous avons choisi d’aborder les orientations à donner au secteur de la jeunesse, les autres chiffres qui nous donneront (c’est incontestablement utiles) une idée de la composition de cette population tunisienne en détail, ces statistiques, nous paraissent secondaires.

En effet, la jeunesse, ce n’est pas seulement une question de tranches d’âge. C’est  une définition qui l’estime comme «une phase de la vie intermédiaire entre l’enfance et l’âge adulte marquée par un accès progressif de l’autonomie».

Les sciences humaines la situent dans l’intervalle d’âge des 15-24 ans.

En juin 2024, le ministère de la Jeunesse et des Sport a procédé au lancement de «la stratégie nationale pour la jeunesse à l’horizon 2035».

Elle s’est fixé comme objectif prioritaire les défis complexes auxquels est confrontée la jeunesse tunisienne, des défis multidimensionnels, notamment à la lumière des transformations politiques, sociales et économiques rapides dont le monde est témoin.

La stratégie nationale de la jeunesse à l’horizon 2035 voulait donc institutionnaliser l’action de la jeunesse et édifier un nouveau pacte social avec cette frange de la société, en vue de lui redonner confiance en elle et en ses institutions.

Elle s’articule autour de «l’appartenance, la citoyenneté, le bien-être social, les modes de vie sains, l’intégration sociale et économique des jeunes, la créativité, l’innovation, la mobilité des jeunes et les loisirs».

Cela fait déjà une année, et c’est sans doute l’heure du bilan, pour cette excellente initiative qui a eu le mérite de démontrer que la jeunesse n’est pas une frange de la société pour laquelle on construit des locaux et dont on rebat les oreilles avec des slogans creux évoqués pour les circonstances.

Il faudrait se poser la question que nous estimons fondamentale : et si nos maisons des jeunes actuelles, dont la formule a été instituée depuis des décennies, n’étaient plus pratiques ?

Il faudrait peut-être réorienter nos efforts et s’inspirer de ce qui se fait de mieux de par le monde.

Nous avons posé quelques questions à des jeunes qui campaient sur le trottoir en face d’une maison des jeunes de la proche banlieue.

«Pourquoi nous ne sommes pas à l’intérieur ? Quelle différence y a-t-il ? Nous sommes tous les trois chômeurs. Je suis un bac plus trois. Mes deux camarades ont bouclé l’école de base et ont quitté. Je voudrai faire de l’électronique. Il y a trop de problèmes. Il faut faire des déplacements et ces frais je ne suis pas en mesure de les assurer. Mes parents me donnent de l’argent de poche, mais c’est insignifiant. Pour apprendre un métier, il faut faire une demande, une longue attente au terme de laquelle on risque fort d’être déçu. Il faudrait effectuer de longs déplacements, trouver où loger, comment se nourrir, etc. Des difficultés à n’en plus finir.  J’attends des jours meilleurs».

Un siège de jeunes scouts se trouve sous un bâtiment, caché comme s’il voulait se dérober des regards. Des jeunes s’affairent. Les locaux sont froids, lugubres, tout juste aérés.

Le patron des lieux, un chef au sourire accueillant, expliquait à une maman qui voulait lui confier son fils, les modalités en usage pour faire partie du groupe.

Les jeunes qui étaient à l’intérieur apprenaient un hymne. De ces jeunes, la première image qui frappe les rares visiteurs, ce sont les uniformes disparates.

En face, une bibliothèque à laquelle nous avions rendu visite il y a quelques années. Cela n’a pas beaucoup changé, tant au niveau de l’ambiance qu’à celui de la fréquentation.

Du bout des lèvres, on nous avoue qu’ils ont entendu parler de cette stratégie envisagée pour la relance du milieu de la jeunesse en prévision de 2035, mais que rien n’est précis et qu’ils n’ont rien vu venir.

Maison des jeunes, local de scouts, bibliothèque, trois milieux différents, qui pourraient relever de trois secteurs différents. C’est ça la «jeunesse». Elle ne se limite  pas au seul ministère de la Jeunesse et des Sports. Tous les autres départements ont leur mot à dire et devraient être tenus pour responsables  de cette stratégie nationale. Comme son nom l’indique, elle est bien nationale et la répartition des tâches, implique une volonté collective pour la faire réussir.

Nous avons vu des centres de ce genre à l’étranger, implantés pour accueillir les jeunes. Ils sont tout d’abord tous proches de bon nombre de complexes sportifs ou d’établissements scolaires et universitaires. C’est ensuite, non pas seulement des lieux de divertissement, mais c’est également de petits ateliers de formation. Les équipements sont d’une diversité qui souffle à l’oreille des jeunes qui se présentent l’idée d’un nouveau hobby, un métier, un élan de bricolage, pour réparer une panne de vélomoteur, de moto ou même de voiture que l’on s’arrange avec la complicité d’un…technicien, parfois un «sénior» volontaire attaché à ces lieux.

Cela créée des amitiés et on se promet de se retrouver. Non pas sur les trottoirs ou une terrasse de café, mais dans un centre accueillant, où on ne s’ennuie pas et où on pourrait apprendre bien des choses. Entre autres un métier.

Bien sûr, c’est là l’idéal, mais imaginons que chaque ministère prenne sa part dans l’équipement d’une maison des jeunes, que l’on s’attache à répondre aux seuls besoins de la région. Les zones touristiques par exemple ont besoin de personnel hôtelier. Les zones agricoles de spécialistes dans les élagages ou de personnel pour l’entretien des cultures sous serre, de conducteurs d’engins ou autres spécialités. Les sociétés de transport seraient intéressées par des mécaniciens, les ateliers sont à la recherche de potiers, etc.

Pourquoi l’on ne se rapprocherait pas  d’eux, au lieu de les attendre ? On aura moins de chômeurs bons à ne rien faire, et plus de jeunes disponibles pour faire le travail.

Aux côtés des ordinateurs, nous pourrions  trouver un tour, une fraiseuse, un technicien senior prêt à vous apprendre un métier. Qu’y a-t-il de plus pratique et de plus facile ?

Du côté des loisirs, il y a un personnel d’encadrement prêt à vous prendre en charge. Du solfège, des instruments de musique ou une scène pour devenir un acteur en herbe, voué à une stature de star. Tout est possible et à portée de main.

Les stratégies, c’est bien. Mais si la conception se fait dans les bureaux, au terme d’un large consensus et en accord avec les départements concernés, c’est au niveau de la répartition des tâches sur le terrain que réside la réussite ou l’échec de ces stratégies mises au point

Nous avons toujours incité les intervenants à se rapprocher de leurs objectifs et à ne pas les attendre dans des lieux fixés à l’avance et qui rebutent les jeunes incapables de se déplacer, faute de moyens.

Si d’autres pays le font, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire ?

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