
Face à des attentes clients en constante évolution et des risques de plus en plus complexes, le secteur de l’assurance explore de nouvelles pistes technologiques. L’intelligence artificielle, encore marginale il y a quelques années, s’impose aujourd’hui comme un outil clé pour mieux comprendre, anticiper et répondre. En Tunisie, certains acteurs commencent à en mesurer les effets concrets.
La Presse — Le secteur des assurances en Tunisie explore de nouveaux leviers d’innovation pour améliorer la gestion des risques, renforcer la satisfaction client et accroître l’efficience opérationnelle. « BNA Assurances » figure parmi les acteurs de référence sur le marché tunisien, illustrant concrètement cette transition technologique. Dans un entretien, Mohamed Skander Naija, directeur général de «BNA Assurances», revient sur les premiers cas d’usage, les résultats obtenus, et les perspectives qu’offre cette technologie pour repenser l’assurabilité et soutenir l’inclusion financière.
Un virage technologique amorcé il y a cinq ans
M. Naija explique que l’intelligence artificielle fait partie des outils de l’entreprise depuis plusieurs années. « Nous avons commencé à utiliser l’intelligence artificielle il y a plus de cinq ans. L’expérience a débuté par son application à la gestion des risques et à l’optimisation des couvertures proposées aux clients », précise-t-il. A l’époque, le portefeuille de « BNA Assurances » était fortement concentré sur l’automobile, avec un nombre élevé de véhicules assurés et un historique important en sinistres.
« L’idée a donc émergé d’utiliser cette nouvelle technologie, encore peu répandue à l’époque, pour mieux comprendre le risque d’accident, mieux le chiffrer, et proposer, en conséquence, la meilleure couverture possible aux clients. Ce fut le premier cas d’usage de l’IA chez BNA Assurances », souligne-t-il.
Depuis, les modèles ont été mis à jour chaque année afin de refléter l’évolution des comportements et des données. L’objectif, selon M. Naija, est clair : «Permettre aux gestionnaires et aux souscripteurs de mieux évaluer le risque automobile, de mieux le quantifier, et donc de répondre plus justement aux besoins des assurés, en leur offrant les garanties les plus adaptées ».
Il poursuit : « L’intelligence artificielle a ensuite été appliquée à la maîtrise du risque de contrepartie, afin d’assurer une collecte plus régulière et fluide des primes, tout en anticipant les risques d’impayés ».
Mais les applications de l’IA ne s’arrêtent pas là. « Cette technologie a également été étendue à d’autres domaines. Sur le plan de l’efficacité opérationnelle, elle a permis d’aider les gestionnaires à accélérer le traitement des données fournies par les clients, notamment lors des déclarations de sinistres », ajoute-t-il. L’objectif était d’automatiser certaines tâches pour libérer du temps et permettre un traitement plus rapide et plus personnalisé des dossiers.
Des technologies telles que la reconnaissance de caractères (OCR) ou la compréhension automatique du langage naturel ont été intégrées dans les processus métiers. « Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est devenue un véritable outil de travail pour les équipes, non seulement pour la gestion des risques, mais aussi pour l’optimisation des performances commerciales, la conformité et la lutte contre la fraude », indique M. Naija.
Accélérateur de performance
Tous les projets ne sont pas encore passés en production, mais de nombreux prototypes sont actuellement en phase de test. « À chaque fois, la méthode reste la même : une idée est testée avec les outils d’intelligence artificielle, les résultats sont évalués, et si les résultats sont probants, la solution est déployée en production ».
Selon lui, l’intelligence artificielle est désormais une réalité opérationnelle chez « BNA Assurances », permettant d’offrir un service « plus rapide, plus pertinent et plus efficace » aux clients. « C’est un véritable accélérateur de performance dans la gestion opérationnelle. Elle permet de traiter un volume important de données de manière plus rapide, plus fiable, et surtout plus exhaustive », souligne le directeur général.
Il prend l’exemple de la gestion des sinistres, où les informations sont nombreuses et complexes. « Une quantité considérable d’informations est collectée : les événements, les coûts associés, les démarches de réparation… Les dossiers sont souvent très volumineux. L’IA générative permet de synthétiser ces données, de préparer les dossiers pour les gestionnaires, et ainsi de guider leur lecture et leur prise de décision. Cela se traduit par des réponses plus rapides, plus précises, et plus transparentes pour le client ».
Un autre axe majeur d’impact est le développement de nouveaux produits d’assurance et le soutien à l’inclusion financière. « Le métier d’assureur consiste à couvrir les clients face à des événements imprévus ou accidentels. Pour cela, il faut collecter des données historiques, comprendre les risques, les chiffrer, et proposer une couverture en échange d’une prime », rappelle-t-il.
Et la micro-assurance
Grâce à l’IA, il est désormais possible de modéliser des risques complexes, longtemps jugés difficilement assurables: catastrophes naturelles, pandémies ou événements rares pour lesquels les données étaient autrefois insuffisantes. « L’intelligence artificielle nous permet de repousser les frontières de l’assurabilité, au bénéfice des clients et de l’économie », affirme Mohamed Skander Naija.
Il cite également la micro-assurance, longtemps marginale en Tunisie : « Ce segment n’a pas pu se développer auparavant à cause du manque de données. Aujourd’hui, grâce aux technologies d’IA, nous sommes en mesure d’accélérer les cycles de conception et de mise sur le marché de produits adaptés à des publics jusque-là exclus ».
En conclusion, le dirigeant rappelle : « Le secteur de l’assurance repose historiquement sur la collecte et l’analyse des données. Aujourd’hui, la puissance de l’intelligence artificielle nous permet de mieux servir les clients, plus vite, et avec une qualité de service renforcée. Elle permet de couvrir davantage de risques, y compris ceux qui étaient autrefois jugés difficilement assurables ».
Pour la Tunisie, cette évolution représente une opportunité stratégique. « Cela peut permettre de renforcer le taux de pénétration de l’assurance dans notre économie, et donc d’accroître la résilience nationale. Une économie bien assurée est une économie capable de se relever plus rapidement face aux chocs, qu’ils touchent les entreprises ou les particuliers ».