
Par Omar BOUHADIBA*
Le programme sur la BBC radio, il y a quelques jours, traitait d’un sujet grave. La voix du speaker était de circonstance, profonde, autoritaire et réprobatrice. Avec cette petite nuance particulière aux natifs de la langue anglaise, qui, sans même s’en rendre compte, adoptent l’accent oxfordien dès qu’il s’agit de donner des leçons. Le sujet: violations de droits de l’homme en Chine. Rien de répréhensible à cela, car nous sommes tous pour que les droits de l’homme soient partout respectés. Sinon que.. la veille, l’Etat sioniste avait tué des centaines de civils faisant la queue pour une miche de pain. De ce bain de sang, pas un mot.
L’Etat sioniste a le droit de se défendre, clamait-on sur toutes les chaînes occidentales, dans une harmonie sans précédent. Il est vrai que, à en croire une star d’un journal télévisé en langue anglaise, elles auraient toutes reçu un mémo leur demandant de développer cette idée…. Sans se rendre compte de l’effet dévastateur que cette petite phrase de sept mots avait sur la crédibilité morale de l’Occident.
Car ce n’est que quelques mois seulement auparavant que la Russie de Poutine, qui mène somme toute une guerre relativement propre en Ukraine, était accusée de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Ses comptes étaient gelés, ses avoirs confisqués et pas moins de 21.000 sanctions infligées à l’Etat russe, dont 7.000 par les USA et près de 3.000 par la France.
Rien de tel pour le colon qui … «a le droit de se défendre».
Le problème est qu’aucun génocide dans l’histoire de l’humanité n’a été aussi bien documenté. Les vidéos des soldats sionistes. abondent sur Youtube et sont on ne peut plus explicites. Il n’est une loi internationale qui n’ait été violée , un crime contre l’humanité qui n’ait été commis. Pas une école, pas un hôpital, pas une ambulance qui n’ait été bombardé. Des journalistes tués par centaines, les travailleurs humanitaires de l’ONU pris pour cible prioritaire…. Le déchaînement de la cruauté sanguinaire est inimaginable et sans précédent dans l’histoire. Les responsables sionistes, loin de le nier, se flattent dans les médias de leurs violations de droits de l’homme, allant jusqu’à traiter leurs victimes d’animaux. Tout récemment, encore, un membre influent de la Knesset préconisait de séparer les hommes des femmes et enfants, pour tous les exécuter.
Et pendant tout ce temps, alors que les enfants meurent de faim ou sous les bombes, les grandes nations occidentales, auto-improvisées défenseurs des droits de l’homme, donneurs de leçons de démocratie et d’humanité au monde entier, font preuve d’un silence aussi assourdissant qu’incompréhensible.
Etonnamment, les rares voix à l’Ouest qui se sont élevées demandant un arrêt immédiat des massacres viennent de grands intellectuels juifs, tels Jeffrey Sachs, John Mersheimer , Naom Chomsky ou Norman Finkelstein. A l’exception de l’Irlande et de l’Espagne qui, très tôt, ont fait preuve d’humanité, l’Occident se contente de comptabiliser le nombre croissant des victimes civiles tout en décrivant le carnage comme une guerre, justification implicite du génocide qu’on fait passer pour des dommages collatéraux, regrettables, mais inévitables.
Les manifestations pacifiques se multiplient dans les universités et ailleurs, provoquant un durcissement des régimes occidentaux, et ces mêmes forces de police qui encadrent les marches pro-sionistes, n‘hésitent pas à utiliser la matraque dans une orgie de violence totalement disproportionnée dès qu’apparaît un drapeau palestinien. Les étudiants d’Harvard, Columbia et autres sont menottés, humiliés et expulsés sans aucune base juridique. La fracture entre peuples et dirigeants sur ce sujet semble totale, et tous les sondages montrent qu’une vaste majorité des peuples sont révoltés par ce qui se passe.
Entre-temps, les armes occidentales continuent d’abreuver la frénésie meurtrière de Tsahal prise dans un délire sanguinaire dont on ne voit pas la fin.
Les avions britanniques, basés à Chypre, effectuent des vols de reconnaissance pour le compte de Tsahal, alors même que le premier ministre suggère timidement que, peut-être pourrait-on s’arrêter de tuer. L’UE dont la ministre des Affaires étrangères, Kaja Kallas, tout récemment à Jérusalem, affirmait l’occupant et l’UE étaient partenaires, se fend d’un communiqué déclarant qu’il y aurait peut- être un doute sur l’existence possible d’une intention génocidaire à Gaza, et pourrait peut-être soumettre au vote la suspension du régime commercial préférentiel avec l’Etat sioniste. Et cela après 70.000 morts, soit la capacité d’un Stade de France plein.
Comment expliquer ce comportement autrement que par une peur irrationnelle du lobby juif et encore? Difficile de comprendre la logique et les motivations de grandes nations, telle que la France des droits de l’homme et des lumières, qui, sciemment, aux yeux du monde entier, choisissent de renier toutes les valeurs humaines dont elles s’étaient fait les chantres depuis 70 ans. La réponse vient peut-être de Netanyahou quand Trump, rendons- lui justice, lui a, tôt dans son mandat, demande de cesser. «Vous avez fait la même chose pendant la dernière guerre. Il faut ce qu’il faut». Il n’a pas tout à fait tort. Dresde en Allemagne a subi le sort de Gaza, suite a la célèbre réplique de Churchill à ses militaires hésitants: «Il n’y a pas de femmes et enfants innocents à Dresde». Suite à quoi, des bombes incendiaires furent utilisées car elles étaient plus efficaces contre les populations.
Finalement, à moins d’être aveugle, il faut se rendre à une évidence, que le monde entier a saisie: prêcher les droits de l’homme et les grands principes humanitaires n’a été qu’un outil de l’Occident pour asseoir sa supériorité morale et donc économique. En réalité, les Occidentaux n’en croient pas un mot et sont prêts à faire le contraire de ce qu’ils prêchent si cela leur convient. L’histoire regorge d’exemples, tels le million de shahid algériens ou les colonnes infernales de Bugeaud, ou les 15 millions de congolais, ou les 6 millions de juifs, ou Dresde, ou Hiroshima, etc. Après ça, allez savoir qui ou quoi croire!
O.B.
* Banquier tunisien au Koweït