
Retourner ou pas ? Si la question taraude une grande partie de la diaspora tunisienne, souvent partagée, c’est parfois l’envie d’entreprendre qui fait pencher la balance. Une enquête récente dévoile les motivations derrière ce désir de retour, mais aussi les obstacles qui freinent le passage à l’action.
La Presse — Seuls 20 % des Tunisiens de la diaspora déclarent envisager un retour définitif en Tunisie. C’est ce qu’a révélé une enquête récente menée par Emrhod Consulting, dont les résultats ont été présentés lors de la 2e édition du «Tunisian Global Forum», le rendez-vous incontournable de la diaspora tunisienne, tenu récemment à Tunis. Réalisée auprès de 1.041 Tunisiens résidant à l’étranger, l’enquête vise à cerner leur désir de retour, leur volonté d’entreprendre, mais également à identifier les freins qui pourraient les en dissuader.
L’échantillon est représentatif de la diaspora tunisienne, dont 60 % sont des migrants récents, installés depuis moins de dix ans. L’étude montre que 59 % des répondants ne manifestent pas d’intérêt pour un retour définitif. Selon les panélistes présents lors de la présentation, ce chiffre s’explique par la forte proportion de migrants récents dans l’échantillon.
Par ailleurs, 21 % des sondés déclarent ne pas avoir de vision claire quant à leur éventuel retour. L’attachement à la terre natale reste néanmoins fort : 56 % des migrants retournent plusieurs fois par an et 35 % reviennent au moins une fois par an.
Des motivations diverses
En ce qui concerne les motivations du retour, les raisons familiales arrivent en tête avec 32 % des enquêtés. 21 % souhaitent passer leur retraite en Tunisie, tandis que 24 % expriment une envie d’entreprendre. Dans un second volet, l’enquête s’est intéressée à ceux qui souhaitent lancer un projet entrepreneurial en Tunisie.
Elle révèle d’abord que 81 % des expatriés ont quitté le pays pour des raisons professionnelles. Seuls 10 % ont déclaré être convaincus de contribuer à des initiatives en Tunisie, dont deux tiers envisagent de le faire dans le futur. Trois motivations principales animent ceux qui souhaitent entreprendre : l’expertise acquise à l’étranger, l’émergence d’un écosystème naissant avec l’apparition de pépinières d’entreprises et des dispositifs de financement, l’attachement au pays et la volonté de mettre leurs compétences au service de la Tunisie.
Selon l’enquête, le renforcement de facteurs économiques favorables à l’entrepreneuriat pourrait séduire davantage d’expatriés. Ainsi, 71 % des sondés seraient plus enclins à revenir en cas de meilleur accès au marché et aux opportunités économiques, 81 % évoquent la nécessité d’une stabilité économique et politique, 82 % insistent sur l’importance d’un environnement propice à l’investissement, au capital-risque et à l’accès au financement. L’étude met ainsi en avant l’entrepreneuriat comme moteur du retour et clé d’une réintégration réussie.
Elle a également identifié les freins qui s’érigent en obstacles face à ceux qui voudraient franchir le pas. En somme, 10 obstacles ont été identifiés, dont trois se démarquent nettement: Le marché du travail, jugé peu attractif par 71 % des sondés, en raison d’un manque d’emplois qualifiés et de salaires insuffisants, le manque d’opportunités entrepreneuriales, cité par 69 %, qui évoquent les difficultés à lancer et à développer un projet et, enfin, la lourdeur des démarches administratives, dénoncée par 62 % des répondants. S’ajoutent également d’autres contraintes: le cadre de vie (64 %) et le système fiscal et réglementaire (58%).
Des leviers à activer
L’étude s’est aussi penchée sur les mesures pouvant favoriser le retour. Parmi les leviers jugés attractifs : 83 % jugent très attractive l’idée d’avoir des procédures administratives simplifiées, 79 % plaident pour la simplification des règles bancaires et de change et 76 % cherchent une garantie de protection sociale à leur retour.
En conclusion, l’enquête recommande de transformer ce potentiel et ce désir de retour en une dynamique concrète à travers cinq axes prioritaires : la modernisation du marché du travail, l’adaptation des postes aux compétences acquises à l’étranger, la réévaluation des grilles salariales pour réduire l’écart avec l’étranger, la simplification des procédures administratives et la clarification du cadre fiscal et des règles de change. En somme, l’étude souligne l’importance de capitaliser sur ce désir de retour.