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Portrait : Fadhel Jaziri, l’artiste aux semelles devant

Travailleur acharné et infatigable, créateur de nouveaux concepts, découvreur de talents, autant de qualités ont fait de lui un auteur incontournable qui a régné durant des décennies sur la scène culturelle tunisienne. Sa dernière création « Mon cher violon » est à l’affiche au Festival international de Hammamet le 10 août

La Presse — Il a bouleversé à jamais l’univers de la scène musicale tunisienne. Auteur le plus influent de sa génération, il explore dans ses œuvres la culture tunisienne. Éclaireur, son œuvre visuellement puissante révèle un univers à l’esthétique soignée. Il s’agit de Fadhel Jaziri, actuellement en convalescence après une opération délicate et à qui on souhaite un prompt rétablissement et un retour rapide parmi les siens.

Fadhel Jaziri n’est pas seulement auteur de méga-spectacles. Il a débuté sa carrière comme acteur en faisant ses premières armes dans la pièce «Mourad III» de Aly Ben Ayed. Après des études à Londres, il retourne en Tunisie et participe en 1972 à la fondation du Théâtre du sud de Gafsa avec d’autres compagnons de route : Fadhel Jaïbi, Jalila Baccar, Mohamed Driss et Raja Farhat et participe à la mise en scène de «Jha wa Charq el Hayer».

Après cette expérience, il regagne Tunis et fonde en 1976 le Nouveau théâtre avec Fadhel Jaïbi, Mohamed Driss, Habib Masrouki et Jalila Baccar.  Ce nouveau collectif marque un tournant décisif dans le paysage théâtral tunisien et arabe en rompant avec les approches classiques jusque-là en vogue.

Avec ses amis du Nouveau théâtre, il a donc jeté par-dessus bord le théâtre vaudevillesque de l’époque aux codes poussiéreux pour créer de nouvelles phrases théâtrales qui ont bouleversé toutes les approches précédentes. 

De multiples succès sont au palmarès avec notamment des pièces comme «La Noce», «Ghasselet Enoueder», «Arab» dans lesquelles il était auteur et acteur. 

Cette expérience s’est soldée par une scission entre lui et les autres membres de la compagnie. Après ce parcours magistral, Fadhel Jaziri, toujours en quête de nouveauté, ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il fait désormais cavalier seul pour le reste de sa carrière alternant méga-spectacle, théâtre et cinéma. 

Désormais, Si Fadhel, comme tout le monde artistique se plaît à l’appeler, s’est mis à son propre compte. Il se lance dans la musique sans qu’il soit musicien, s’aventurant dans des projets grandioses qui exigent beaucoup d’énergie, de la discipline et des heures de travail sans relâche. Dans les années 90, il marque irrémédiablement la scène artistique avec «Nouba», premier méga-spectacle de musique populaire «le mezoued» pratiqué dans les faubourgs de Tunis et réunissant de grandes pointures telles que Ismail Hattab, Fatma Bousseha, Habouba, Lotfi Bouchnak et d’autres. 

Il sera suivi de «Hadhra», spectacle de musique soufie auquel participent de gros calibres du chant sacré. Ce projet, dont le succès est retentissant, a fait par la suite de nombreux émules. Puis, il enchaîne avec «Noujoum», «Zghonda et Azouz», «Bani Bani» «Ezzaza» à travers lesquels il explore la musique de variété qui a marqué la scène culturelle tunisienne des années 60/70.

Sous ses lunettes noires qui cachent un regard scrutateur, ses chemises débraillées et ses blazers sombres, sa voix douce et son débit lent caractérisés par un timbre singulier reconnaissable entre toutes autres voix, se cache l’auteur déjanté que certains qualifient de hautain. Fadhel Jaziri est aussi un acteur de talent, ce qu’on a tendance à oublier. Acteur sur scène (La Noce, Ghasselet Enoueder, Arab) et à l’écran (La Noce du Nouveau théâtre, «Sejnane» de Abdelatif Ben Ammar, «Le Messie» de Roberto Rosselini, «Arab», «Traversées» de Mahmoud Ben Mahmoud).

Une carrière interrompue pour une autre option : la mise en scène. Passionné  du cinéaste américain John Ford et du Japonais Akira Kurosawa, Jaziri ne dissimule pas son attirance pour leurs films. Il s’en est inspiré dans  ses œuvres  «Thalathoun» (2008), «Eclipses» (2016) et «De la guerre» (2019). Ces films, même s’ils n’ont pas eu une longue carrière commerciale, resteront comme des références pour les générations futures.

Au théâtre, la scène ne lui échappe pas. Il adapte la pièce «Thawret Saheb el Himar» (La révolte de l’homme à l’âne) (2012) de Ezzeddine Madani, «Kaligula 2» (2023) et «Jranti Laziza» (Au violon) (2025). Dans la foulée de ces réussites, il fonde le Centre des arts de Djerba inauguré le 10 novembre 2022.

Travailleur acharné et infatigable, créateur de nouveaux concepts, découvreur de talents, autant de qualités ont fait de lui un auteur incontournable qui a régné durant des décennies sur la scène culturelle tunisienne.  Il a su brasser large en imposant un langage artistique innovant exerçant une influence impressionnante sur la jeune génération d’artistes. 

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