Accueil A la une Exportations : Réorienter la carte géo-commerciale

Exportations : Réorienter la carte géo-commerciale

Face aux nouvelles pressions commerciales internationales, plus particulièrement américaines, les exportations tunisiennes devraient s’outiller de scénarios de ripostes assez efficaces pour espérer préserver leurs parts du marché international, du moins limiter les dégâts. 

Pour cela, les cartes à jouer devraient tenir compte, en priorité, de la diversification des marchés, l’amélioration de la qualité de l’offre, et l’engagement de nouveaux accords stratégiques.

La Presse — Depuis le 1er août 2025, les exportations tunisiennes vers les Etats-Unis sont soumises, officiellement, à une taxe de 25 %, alors qu’elles répondaient auparavant à des taux réduits et même nuls, selon la nature des produits ou encore les accords commerciaux spécifiques entre les deux parties.

Un revirement donc à 180 degrés qui a suscité des vives réactions. Et entre pessimisme et optimisme, le débat est assez intense. Certains, parlent d’impact assez profond, alors que d’autres d’une « légère secousse ». Selon les premières lectures, l’impact de cette nouvelle taxation, comme le soutient d’ailleurs un rapport de l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises, Iace, serait plutôt timide, à l’exception, peut-être, de quelques produits, l’huile d’olive  conditionnée et certains articles de textile notamment.

Mais là n’est pas le problème. Car les craintes actuelles portent, comme le laisse entendre Bassem Ennaifer, économiste, dans une déclaration à une radio locale, « sur les exportations des produits qui transitent par des bases européennes et qui pourraient être soumises à une double imposition, du moins à une réaffectation de l’origine ».

Question de renégociation 

De ce fait, l’on estime que seul un nouvel accord spécifique entre la Tunisie et les USA sur la nouvelle taxation pourrait changer, positivement bien entendu, la donne. Nos décideurs économiques, qui maintiennent encore le silence radio malgré la délicatesse de la question, doivent réagir donc vite et multiplier les négociations avec la partie américaine pour arriver à un arrangement satisfaisant.

D’ailleurs, plusieurs pays n’ont pas trop attendu pour engager des négociations sérieuses et intenses avec les USA avec l’objectif de trouver des compromis qui arrangent les uns et les autres. C’est le cas, comme le rapportent certaines sources, du Vietnam qui « s’est entendu au début de juillet avec les Etats-Unis sur une taxe de 20 % au lieu des 46 % prévus initialement ». L’Union européenne a conclu, de son côté, un accord-cadre sur une taxe de 15 % au lieu de 30 %.

Et la liste est encore longue. Malheureusement, notre pays n’est pas encore au menu, même si certaines sources parlent d’un accord imminent entre les deux parties.

En parallèle à cette question de négociations, nos décideurs doivent désormais agir avec prudence. Car, comme le pense encore l’économiste, l’éventuelle baisse de l’activité économique européenne et le ralentissement de la production, notamment automatique, se traduiront, systématiquement, par une chute sensible de la demande de certains produits tunisiens, la mécanique et l’électronique en premier lieu.

Justement, les industriels européens seront certainement contraints à opter pour la délocalisation de leur industrie aux USA pour contrer les nouvelles dispositions américaines. Et cela signifie une rupture automatique de l’approvisionnement à partir des fournisseurs traditionnels, entre autres la Tunisie.  Car, les industriels européens opteront, et c’est tout à fait logique, pour « des fournisseurs voisins ».

Rééquilibrage sectoriel 

Une éventualité qui pourrait malheureusement être lourde de conséquences, étant donné notre dépendance, dans une large proportion, du marché européen. Et cela contraint, de toute évidence, nos décideurs à revoir leur politique économique, réorienter leur carte géo-commerciale et préparer de nouveaux scénarios de riposte.

De telles dispositions sont incontournables surtout que les premières analyses montrent que notre pays commence à ressentir réellement les effets du ralentissement de l’activité économique européenne, alors qu’elle n’est encore qu’à ses débuts. En effet, les dernières statistiques de l’Institut national de la Statistique  (INS) relèvent qu’au terme des sept premiers mois de 2025, le déficit commercial a enregistré un record avec un montant global de 11,9 milliards, soit une hausse préoccupante de plus de 26 % par rapport à la même période de l’année dernière.

Certes, le déficit énergétique assez conséquent reste la principale cause de cette détérioration, mais la quasi-stagnation de nos exportations y est pour quelque chose. Il faut reconnaître, en effet, que ce ralentissement des exportations pourrait être annonciateur d’une prochaine période délicate qui nécessite des contre-mesures concrètes et efficaces.

Cela est d’autant plus urgent que les exportations de nos secteurs stratégiques (sans parler des exportations de l’énergie qui subissent une chute spectaculaire), notamment les industries agroalimentaires, l’huile d’olive en premier lieu, sont nettement en deça de leur comportement habituel. 

Tout comme certains secteurs, qui constituaient autrefois  un véritable contrepoids des contre-performances d’autres activités, semblent aujourd’hui incapables d’assumer ce statut, ce qui justifie une valeur à l’export timide par rapport à leur potentiel réel. C’est le cas du textile-habillement qui se contente toujours du minimum. Une attitude qui le place très loin des industries de nos concurrents directs.

Le tableau n’est pas donc de toute assurance. Nos décideurs doivent trouver les parades nécessaires pour pouvoir gérer les turbulences fréquentes du marché international. L’équilibrage de notre politique sectorielle, la diversification des marchés, l’amélioration de la qualité de l’offre nationale, et la bonne intégration des chaînes de valeurs internationales, se replacent, à ce stade, comme des solutions fiables.

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