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Boudchart à Carthage : Redéfinir les codes de la chorale

C’était un show aux multiples facettes avec une bonne part de créativité, porté par des artistes marocains, mais aussi des musiciens tunisiens de haut niveau.

 La Presse  —Après le clap de fin du Festival international de Carthage, une série de concerts se tient toujours à l’amphithéâtre antique, organisés par des amicales et des organismes privés. Pour la soirée du 28 août, le public a eu rendez-vous avec le maestro marocain Amine Boudchart, initiateur du concept « La chorale, c’est vous ». Au-delà d’un simple spectacle où c’est le public qui chante, c’était un show aux multiples facettes avec une bonne part de créativité, porté par des artistes marocains, mais aussi des musiciens tunisiens de haut niveau.

Chanter ensemble, mais autrement

Boudchart a fait un premier passage en Tunisie, l’année dernière au Festival international de Carthage avec un succès retentissant. D’ailleurs, les concerts où les spectateurs se trouvent pleinement acteurs de l’événement ne cessent de se multiplier ces dernières années, avec à chaque représentation un succès fulgurant. Le principe est une expérience participative où le public reprend en chœur des chansons célèbres, comme dans un karaoké géant. Un dress code est souvent suggéré, le blanc, pour accentuer cet esprit d’unisson chez les spectateurs.

Des versions tunisiennes de ce concept existent également, Yalla nghanni, Kolna nghani… avec parfois des chanteurs en invités d’honneur. Le concept de Boudchart n’est donc plus inédit. Ce qui fait sa spécificité, c’est le lot de surprises qu’il réserve à ses fans à chaque spectacle. Pour le public de Carthage, c’était chose promise, chose faite. 

En dehors des reprises à travers lesquelles il a parcouru des répertoires très variés, le maestro a présenté ses propres compositions. Le concert a ainsi été entamé avec «Mosaïca». Pour la «Hadhra» marocaine, la foule a d’abord applaudi un derviche tourneur qui a exécuté sa danse rituelle en tournoyant longuement, les bras levés.

Après cette chorégraphie incarnant la spiritualité et la transe propre à la tradition soufie, la scène a été investie par des figurants en costumes traditionnels brandissant des drapeaux, tandis que les danseurs offraient une performance captivante, enveloppée par le parfum subtil des bougies flottant dans l’air et que l’on pouvait sentir même dans les gradins.

L’audience a vibré par la suite au rythme de «La Bamba», une autre composition de Boudchart, sublimée par une chorégraphie rythmée et la prestation soignée du chanteur et guitariste marocain, Adel Santos. Les morceaux créés par le maestro ont été joués en intermèdes entre les passages pendant lesquels le public chantait et marquaient le passage d’un genre musical à un autre.

Le menu artistique était éclectique, répondant à tous les goûts. La sélection a inclus des classiques arabes de Oum Kalthoum, Warda, Abdelhalim Hafiz, Fairouz, ainsi que «Je t’aime» de Lara Fabian, le tube italien «Volare»..

La musique tunisienne a été au cœur du programme avec des medleys de Saliha, Mohamed Jamoussi, Lotfi Bouchnak… D’ailleurs, même si Boudchart a été accompagné de sa troupe, des artistes tunisiens se sont particulièrement distingués lors de cette soirée.

Des talents tunisiens à l’honneur

Le maestro a tenu à présenter au public des musiciens tunisiens dont les prestations ont marqué des temps forts qui ont visiblement enrichi le concert. Le célèbre violoniste Outail Maaoui a retenu l’attention lors de ce spectacle par ses solos. Connu par son propre projet artistique «Ombres d’Atlas», il fusionne par son jeu et ses compositions différentes sonorités maghrébines. 

Le résultat est séduisant par son originalité, entre modernité et authenticité. Une deuxième violoniste de renom à mentionner, Rim Belhedi, l’ancienne directrice du Conservatoire régional de La Manouba.

Son solo sur «Ana baachak» de Mayada Hennaoui a confirmé encore une fois un talent indéniable et une passion qui se dégageaient à chaque mouvement.

Un autre nom a suscité beaucoup d’intérêt, Montassar Jebali. Au mezwed et à la zokra, il a accompagné le morceau de hadhra marocaine. Les notes des instruments tunisiens ont subtilement fusionné avec la musique traditionnelle marocaine, mettant en relief ainsi la proximité culturelle entre les deux pays.

La plus jeune a été Ghalia Ben Halima, qui maîtrise son luth avec une impressionnante virtuosité à seulement 17 ans. «Elle est encore jeune, mais elle a un grand avenir devant elle», a lancé Boudchart quand il l’a présentée au public.

La montée sur scène du chanteur tunisien Ahmed Attafi fut un moment chargé d’émotion. Muni d’une guitare qui appartenait à feu Yasser Jradi et qu’il lui a offerte lui-même, il a interprété « Dima dima », une chanson patriotique que le public a reprise en chœur.

De nombreux hommages ont été rendus à Yasser Jradi depuis sa disparition. Mais, venant d’un artiste marocain dans un contexte plutôt festif, la surprise était agréable et bouleversante à la fois.

Ce concert à guichets fermés de Boudchart a ainsi transcendé l’idée reçue que ce genre de performances se fait à un moindre effort et que faire chanter le public est un prétexte pour camoufler un manque de créativité.

C’était un show haut en couleur qui a redéfini les codes de la chorale à l’état pur avec de nouvelles compositions, des reprises, du chant et de la danse.

Même si le maestro marocain ne se produit pas souvent chez nous, son passage pourrait inspirer les Tunisiens qui ont adopté le même concept à perfectionner leurs spectacles, et surtout à innover pour se distinguer et ne pas être une copie fade d’un même modèle.

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