Accueil Culture Mes Humeurs : Passion cuisine

Mes Humeurs : Passion cuisine

Contrepoint

La Presse Partant de l’ouvrage de Erri de Luca (Récits de saveurs familières), l’Humeur de samedi dernier évoquait la cuisine et ses spécificités et, au passage, une brève idée de l’alimentation tunisienne. Retour sur la cuisine tunisienne. Le phénomène est envahissant, les écoles et instituts privés de cuisine et de pâtisserie poussent comme des champignons, on en rencontre partout, aussi bien dans la capitale que dans les régions.

Ces instituts acceptent les étudiants sans baccalauréat, souvent sans bagage scolaire consistant ; en fin d’études, les diplômes sont garantis, c’est à croire que la filière est prometteuse et les débouchés encourageants. Mais la réalité est, hélas, moins rose qu’on ne croit. Pour beaucoup de diplômés, c’est la galère, pour d’autres, c’est des stages fréquents dans des hôtels et des promesses d’embauche.

Les meilleurs sont engagés, la majorité d’entre eux sont sous-exploités ou pire des chômeurs, en quête de n’importe quelle offre, même si l’offre ne correspond pas à leur  spécialité. Des jeunes débrouillards, encouragés par leurs parents, lancent de modestes restaurants, des street-food qui réussissent (j’y reviendrai); d’autres sont engagés dans des restaurants de ville où ils apprennent le métier.

Trouverait-on des passionnés parmi ces diplômés ? A la lumière de plusieurs rencontres avec des jeunes chefs, il me semble que les passionnés ne sont pas légion. De nombreux amateurs de bouche sont plutôt critiques (ou déçus) que satisfaits de la cuisine des nouveaux restaurants ( pas tous évidemment). Et reviennent aux endroits qui ont donné leurs preuves et dont la carte n’a pas changé depuis des décennies.   

Quelques chefs se sont fait connaître; grâce à la télé; les chaînes télé tunisiennes nous servent des émissions culinaires à satiété et sans mesure, avant, pendant et après les repas; leurs formats se ressemblent : un plan de cuisine, un frigo, du matériel flambant neuf, un fond d’écran avec des ustensiles, un chef et son assistant au premier plan et l’affaire est dans le sac.

Chaque chapitre, chaque recette est interrompue par un ingrédient nécessaire et fréquent : une annonce publicitaire ; au point de donner l’indigestion. Pire que la publicité : les préparations. Où l’on découvre avec regret des chefs (pas tous) qui ne lésinent pas sur les crèmes pour masquer le goût du produit, usant et abusant du gras et du sucré (pour les gâteaux). A ce sujet, aucune mention n’indique que le gras et le sel sont nocifs pour la santé ; il n’existe pas de mention non plus pour encourager à bouger, etc. 

La majorité des chefs qui ont réussi officient dans des hôtels de luxe, payés avec largesse, ils sont engagés pour animer des stands à l’étranger. Ils se poussent le col, n’acceptent pas la critique et se prennent pour des « dieux » de la cuisine. Pourtant, ces « dieux » n’ont pas investi dans leurs restaurants, ils travaillent dans des chaînes d’hôtels, ne prennent pas de risques, ne développent pas de projets.

Nous vient à l’esprit la fin tragique d’un passionné de la cuisine ( ça existe), un des plus grands chefs au monde : Bernard Loiseau. Il a commencé jeune,  gravi les échelons du métier jusqu’à devenir l’une des figures les plus marquantes de la gastronomie française ( et mondiale), d’une modestie remarquable, il a ouvert à grands frais son restaurant La Côte d’Or en Bourgogne.

Les vedettes de la politique, les stars du showbiz et autres notoriétés publiques y ont leurs ronds de serviette. A force de travail, de rigueur et de créativité, il décroche la première, la deuxième et la troisième étoile du guide Michelin, la plus haute distinction en matière de cuisine. En 2003, des rumeurs ont couru sur une possible perte d’étoile, le chef adulé par la critique, ses pairs et le grand public se suicide à l’âge de 52 ans. Chez lui, tout chantait l’évidence de sa flamme. De son métier ce passionné de la cuisine a fait un sacerdoce.  

Charger plus d'articles
Charger plus par Hamma Hannachi
Charger plus dans Culture

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *