Alors que l’arrestation du candidat à la présidentielle anticipée Nabil Karoui a provoqué une grande polémique dans le paysage politique, mais aussi dans le milieu judiciaire, les accusations, contre- accusations, explications et éclaircissements ne sont plus à compter. Ce que nous pouvons retenir de cette affaire, c’est que les atteintes à la justice et à son indépendance, mais également aux autres appareils de l’Etat, se font au vu et au su de tous

L’affaire a explosé en pleins préparatifs pour la campagne électorale de la Présidentielle anticipée qui devrait démarrer le 2 septembre prochain, soit dans moins d’une semaine, ce qui a déclenché une grande polémique en Tunisie, mais aussi à travers plusieurs médias étrangers. Alors que le collectif de défense de Nabil Karoui, ainsi que sa chaîne TV et ses «supporters» crient à l’instrumentalisation de la justice et à une arrestation à dimension politique, la Cour d’appel s’est expliquée sur cette affaire affirmant qu’il s’agit d’une pure décision de justice.  

En effet, les clarifications de cette branche de la justice font savoir que la chambre d’accusation en charge de la corruption financière près la Cour d’appel s’est réunie, vendredi dernier, pour examiner la plainte déposée par I Watch contre les deux frères Karoui et a décidé d’émettre deux mandats de dépôt à leur encontre. La chambre d’accusation a également décidé de rejeter la demande de levée de l’interdiction de voyage et du gel de leurs avoirs présentée par le collectif de défense des deux frères Karoui. Une décision qui a été immédiatement appliquée vendredi dernier, rappelons-le, par une unité sécuritaire.

Des éclaircissements et des précisions qui n’ont pas fait taire le clan Nabil Karoui qui persiste et signe qu’il est question d’une affaire de règlement de comptes politiques. Le parti de Karoui évoque même «un kidnapping» de la part de la «milice gouvernementale» contre son candidat, qu’il considère comme «un prisonnier politique», dans des déclarations qui portent atteinte à l’appareil de la justice tunisienne et à tout le processus démocratique, au vu et au su de tous. Et c’est dans ce sens que le porte-parole de la Cour d’appel de Tunis, Sabeur Horchani, a fustigé de telles accusations, assurant que «toute discréditation des procédures judiciaires prises par la chambre d’accusation en charge de la corruption financière près la Cour d’appel est inacceptable». «Il est inadmissible que des spécialistes en économie et en politique discutent de ces procédures judiciaires prises conformément au code pénal», a-t-il souligné.

Le ministère de l’Intérieur dément

Ces accusations portées dans le cadre de cette affaire et médiatisées notamment par la chaîne Nessma TV n’ont pas visé uniquement l’appareil judiciaire, mais ont ciblé également le ministère de l’Intérieur, qui s’est trouvé obligé, à chaque fois, de réagir. Dans le cadre de ces accusations infondées, Fayçal Jadlawi, avocat de l’homme d’affaires Chafik Jarraya, emprisonné depuis mai 2017, a affirmé que son client a reçu en prison une visite d’une brigade sécuritaire spécialisée pour obtenir «des informations et des dossiers compromettant Nabil Karoui et Hafedh Caid Essebsi, directeur exécutif de Nida Tounès». Le ministère de l’Intérieur a, dans un communiqué, catégoriquement démenti ces accusations, réitérant son refus de s’enliser dans des tiraillements politiques, appelant le ministère public à ouvrir une enquête suite aux déclarations de Jadlawi. La Direction générale des prisons et de la rééducation a, à son tour, démenti l’information selon laquelle l’homme d’affaires Chafik Jaraya aurait reçu en prison la visite d’une brigade sécuritaire spécialisée. La direction a qualifié les propos de l’avocat de Jarraya de « diffamatoires », estimant que l’objectif est d’attirer l’attention de l’opinion publique. «La dernière visite d’une brigade sécuritaire spécialisée au prisonnier remonte au 27 mars 2019 », précise la direction, appelant l’avocat Fayçal Jadlawi à recourir à la justice pour prouver ses propos. « La direction des prisons n’hésitera pas à exercer son droit de poursuivre toute personne ayant publié une fausse information ou diffusé des rumeurs infondées portant atteinte à l’établissement », ajoute la même source. En tout cas, dans ce climat tendu, décrit par certains observateurs comme étant une guerre politique, marqué notamment par des accusations, des contre-accusations et des démentis, tous les regards se tournent vers l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) en charge de l’organisation et du bon déroulement des échéances électorales. Farouk Bouasker, membre de cette instance, a commenté l’arrestation du candidat du parti « Au cœur de la Tunisie », Nabil Karoui, précisant qu’il ne sera pas retiré de la course présidentielle malgré son emprisonnement, comme le stipule la loi. «Les procédures judiciaires n’interfèrent en rien avec le processus électoral», a-t-il insisté. Car en effet, conformément à la loi électorale, l’élimination d’un candidat aux élections se fait seulement en cas d’existence de jugements définitifs prononcés par la justice.   Dans le cadre ce cette affaire, les yeux se tournent également vers le paysage médiatique qui semble être au cœur des tiraillements politiques. Le cas le plus frappant étant celui de Nessma TV. Alors que son propriétaire Nabil Karoui affirme qu’il n’a aucun lien légal avec la chaîne et qu’elle n’œuvrait pas au profit de ses intérêts, ce média, dont la diffusion est déjà interdite par la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle(Haica) consacre quotidiennement des heures de diffusion pour «blanchir» Karoui ainsi que pour faire pression sur l’opinion publique et parfois désinformer, comme ça  été le cas en annonçant le «kidnapping» de Karoui, lors de son arrestation. 

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