Coalition civile pour les libertés : Non aux fausses promesses, oui aux mesures urgentes

La coalition détaille dans une lettre ouverte aux candidats au palais de Carthage les mesures urgentes qu’ils doivent prendre une fois élus à la présidence de la République.

La campagne électorale pour le scrutin présidentiel anticipé du 15 de ce mois bat son plein. Et les 26 postulants à la magistrature suprême sont, dès lors, au four et au moulin multipliant déclarations et contre-déclarations partisanes. Parallèlement, la Coalition civile pour les Libertés individuelles, un collectif associatif regroupant une cinquantaine d’organisations nationales, ne manque pas de monter au créneau.

Dans une lettre ouverte à tous les candidats et candidates, elle a tenu à faire valoir l’Etat de droit et des institutions, tout en s’engageant à consacrer les principes de l’égalité et des libertés, conformément à la Constitution de la IIème République en marche. Dans ce sens, les signataires les ont, également, exhortés à ne pas user de fausses promesses en guise de tremplin pour Carthage, comme ils l’ont fait lors de la campagne électorale 2014 avec pour  résultat que les programmes publiquement annoncés sont restés lettre morte. C’est pourquoi, ces revendications refont, aujourd’hui, surface et leurs défenseurs reviennent à la charge. Cette fois-ci, il y a, vraisemblablement, tendance à maintenir la pression jusqu’à ce que leurs demandes soient satisfaites. Autant dire, la Coalition espère que les candidats en lice portent un intérêt tout particulier à la question des libertés fondamentales en les inscrivant dans leurs programmes électoraux. Et afin d’en faire leur cheval de bataille.

Recommandations en six points

Premier point, l’accélération de la mise en place de la Cour constitutionnelle dès les cent premiers jours de leur investiture, étant donné qu’elle est l’unique juridiction en mesure de trancher sur la constitutionnalité des lois adoptées dont celles relatives aux droits et libertés. La création d’une telle Cour est nécessaire à l’exercice démocratique (droit de recours..), voire un des garde-fous contre toutes les dérives du pouvoir. Deuxième point, l’adoption du projet de loi sur l’égalité successorale qui dort encore dans les tiroirs de l’ARP. Le mot d’ordre, ici, est de rendre facultatif le choix de son application, sans pour autant déroger aux dispositions de la religion. Troisièmement, il paraît nécessaire, suggère la Coalition, que l’approbation du Code des libertés individuelles déjà soumis à l’ARP, suite à une proposition parlementaire, ne soit pas renvoyée aux calendes grecques. D’après elle, la démocratie ne saurait ainsi se réaliser sans la liberté de penser, de s’exprimer et de circuler. La nécessaire révision du Code de procédure pénale, conformément aux standards internationaux constitue le quatrième axe de son plaidoyer. Et bien que la loi 2016-5 du 16 février 2016, modifiant et complétant certaines dispositions dudit code, protège les droits des suspects et des détenus en garde à vue, avant et après leur interrogatoire au poste de police, elle ne semble pas suffisamment garante et conforme à la vision de réforme judiciaire globale. Surtout que le ministère de la Justice est près de finaliser un nouveau projet de Code de procédure pénale. Cinquième revendication, l’adoption d’un nouveau Code pénal. C’est que l’actuel Code, devenu obsolète, remonte à 1913, d’autant plus qu’il ne correspond plus ni à l’esprit de la nouvelle Constitution ni au présent cadre normatif de la société tunisienne si moderne et évoluée. « Nous voulons un code loin d’être répressif, dégradant et attentatoire à la dignité humaine..», recommandent les signataires de la lettre. La sixième et dernière revendication s’intéresse essentiellement à l’installation de toutes les instances constitutionnelles, au plus tard dans le courant de la première année du mandat présidentiel. Ces instances sont perçues comme étant un des piliers du système politique selon la Constitution de janvier 2014. Leur absence ayant en effet gelé certains dossiers sensibles.

Des questions qui inquiètent !

Sur la même lancée, la Coalition civile a formulé aux 26 prétendants à la présidence de la République une vingtaine de questions ayant, en grande partie, trait au respect de l’égalité et des libertés individuelles. Cela se traduit par une parfaite réponse à une série de questions thématiques: quelle est votre position par rapport au projet de loi sur l’égalité dans l’héritage entre hommes et femmes ? Pouvez-vous l’adopter dans vos programmes électoraux ? De même pour l’égalité des revenus, comment la voyez-vous ? L’objectif étant d’exiger l’égalité intégrale et effective, à même de faire face à la discrimination dans toutes ses formes. Les signataires reviennent sur les recommandations qu’ils ont faites pour sonder, de plus près, les points de vue des candidats en ce qui concerne les droits et libertés afférents à l’intégrité physique du suspect. De même à propos de la suppression des articles 226, 226 bis et  230, lesquels sont considérés comme répressifs et attentatoires à la dignité humaine. Autre question, leur politique de protection physique des individus, notamment les droits des femmes à la maîtrise de la procréation, en usant de tous les moyens contraceptifs dont l’avortement. Et enfin, sont-ils pour ou contre l’abolition de la peine de mort et des tests de dépistage des drogues ?

Volet protection de la vie privée, la Coalition s’interroge sur leur avis quant au projet de loi y afférent. Cela dit, comment vont-ils s’y prendre pour son adoption ? Sont-ils pour ou contre l’état d’urgence prolongé ? Le terrorisme est-il bien défini dans la loi le régissant, promulgué en 2015 ? Comment voir les mesures préventives déjà entreprises en matière de lutte anti-terrorisme ? A propos de la liberté de pensée, de conscience et de religion, comment imaginer l’application de l’article 6 de la Constitution ?  Autre question relative à la liberté d’expression et de la presse : quelles garanties constitutionnelles et juridiques susceptibles d’assurer l’indépendance de la nouvelle Haica ? Comment la mettre en place et désigner ses membres, loin des quotas partisans et d’instrumentalisation politique ? Comment faire appliquer la loi sur les médias audiovisuels pour ne pas les laisser déroger aux règles déontologiques? Que pense-t-on de la neutralité des médias publics et comment les rendre de vrais médias de service public ?

Kamel FERCHICHI

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