Rentrée littéraire 2019 : Nos huit premiers coups de cœur

336 romans français et 188 étrangers dans les librairies entre la mi-août et la fin octobre cette année. Ces ouvrages sont dénichés dans cette production éditoriale, la plus resserrée depuis vingt ans. La rédaction de Franceinfo Culture partage avec vous ses premiers coups de cœur. Et il y en aura d’autres.

«Ici n’est plus ici», de Tommy Orange
Consacré «Meilleur roman de l’année» par l’ensemble de la presse américaine, «Ici n’est plus ici» (Albin Michel) est le premier roman de Tommy Orange. Le romancier américain d’origine cheyenne né en 1982 y raconte à travers plusieurs voix le destin des Indiens «urbains» d’Amérique. Tommy Orange se défend d’avoir voulu écrire un livre politique, mais il affirme que «naître autochtone en Amérique, c’est naître politisé», et qu’il n’y a «pas moyen d’y échapper». Son livre est une bombe, qui fait littéralement éprouver au lecteur les blessures provoquées par la colonisation sur les hommes et les femmes des peuples indigènes, pour qui «ici n’est plus ici», et qui continuent, générations après générations, à saigner. Un grand roman.
(Traduit de l’Américain par Stéphane Roques – Albin Michel – 330 pages)

«Roi par effraction», de François Garde
Roi par effraction. Ainsi François Garde a-t-il choisi d’intituler son roman consacré à Joachim Murat (1767-1815), fils d’aubergiste du Quercy devenu maréchal de France, puis roi de Naples, sous Napoléon. Magistral récit de ce qui fut un pan d’histoire, tel qu’a pu le ressentir un second couteau propulsé par hasard sur un trône, ce roman placé sous les auspices des œuvres de Marguerite Yourcenar et d’Alexandre Dumas (dont sont tirés les exergues) tient haut la main sa promesse de départ : “partir à l’assaut de la forteresse du temps et négocier un cessez-le-feu”. En six arrêts sur images, le roman retrace l’épopée napoléonienne en épousant les hauts et les bas d’un militaire à la destinée d’exception. Une brillante cavalcade aux accents mélancoliques.
(Gallimard, 304 pages)

«Bleuets», de Maggie Nelson
Deux cent-quarante variations autour de la couleur bleue, qui inspire magnifiquement Maggie Nelson à la suite d’un chagrin amoureux. Ce roman est une méditation intime et obsessionnelle autour du deuil et de la mélancolie, un petit bijou d’écriture qui se lit d’une traite.
(Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, Editions du sous-sol – 100 pages)
«Le ciel par-dessus le toit», de Nathacha Appanah
Une mère et ses deux enfants, tous trois plombés par l’enfance de Paloma. Peut-on renaître de ses cendres ? C’est à cette question que répond Nathacha Appanah dans son très beau dixième roman, Le ciel par-dessus le toit, un chant déployé à trois voix qui courent comme le flux des pensées de ses trois personnages, à la manière de la romancière anglaise Virginia Woolf. Une très belle écriture, presque une apesanteur.
(Gallimard – 125 pages)

«Le bal des folles», de Victoria Mas
Victoria Mas, auteure de cinéma et fille de la chanteuse Jeanne Mas, signe un beau premier roman, déjà couronné du prix Première plume, du prix Stanislas et qui figure dans la première sélection du prix Renaudot. L’histoire s’ouvre en 1885, dans le service des «hystériques» de l’hôpital parisien de la Pitié Salpêtrière. Ce sont les personnages, Eugénie et Louise, deux internées, puis Madame Geneviève, intendante et idolâtre des médecins, qui habitent ce roman avec force. Attachantes, elles incarnent l’oppression quotidienne dont sont victimes les femmes de l’époque. Avec un scénario bien ficelé, l’auteure nous fait frémir au rythme des mésaventures des personnages.
(Albin Michel – 256 pages)

«Eden», de Monica Sabolo
Prix de Flore pour Tout cela n’a rien à voir avec moi (Editions Jean-Claude Lattès, 2013), Monica Sabolo revient avec un roman envoûtant, dans la veine de ses précédents écrits, sur les thèmes de la nature et de l’adolescence. Dans «la réserve», «paradis perdu», un drame ouvre l’histoire : après avoir disparu pendant plusieurs jours, Lucy, une amie de Nita, est retrouvée dans la forêt, victime d’un viol, «ce mot que personne ici ne prononce jamais»…  Mené par des personnages féminins forts, Eden offre un récit tantôt rythmé, tantôt contemplatif, qui fascine pour son ambiance étrange et dramatique.
(Gallimard – 288 pages)

«Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon», de Jean-Paul Dubois
Paul Hansen est incarcéré dans une prison montréalaise pour un crime que l’on ignore. Le temps s’y écoule misérablement, dans les six mètres carrés qu’il partage avec un mastodonte des Hells Angels qui propose systématiquement en cas de problème de «couper son interlocuteur en deux». Pendant qu’il tire sa peine protégée par cet ange gardien, Paul peut donner librement accès à ses rêveries d’évasion et remonter le fil de sa vie. Cette dernière fresque de Jean-Paul Dubois exhale les grands espaces de son maître John Updike, et évoque l’esprit d’autres figures de la littérature américaine qu’affectionne l’auteur (John Fante, Cormac McCarthy, Charles Bukowski, Jim Harrison), et qui hantent ces pages.
(Editions de L’Olivier, 256 pages)

«Le nom secret des choses», Blandine Rinkel
A 18 ans, Océane quitte Saint-Jean-des-Oies pour la capitale, où elle se confronte à un monde différent de celui qu’elle a toujours connu. Jeune fille qui se cherche encore, issue de la classe moyenne, elle se retrouve à côtoyer la bourgeoisie parisienne. Ces rencontres suscitent chez la jeune fille un sentiment d’imposture. Océane rencontre Elia, elle aussi en conflit avec son identité, qui va lui donner «le goût des métamorphoses». Le nom secret des choses est un beau roman d’apprentissage, qui rend compte avec poésie d’un âge où tout vacille.
(Fayard – 304 pages)

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