Des candidats crispés, allant jusqu’à oublier la question posée, d’autres plus à l’aise et bien habitués aux situations de confrontations médiatiques, parvenant ainsi à maîtriser clairement leurs réponses et parler de leurs projets futurs. Le baptême du feu pour certains n’était pas facile du tout au point qu’ils sautaient du coq à l’âne et manquaient d’argumentation et de coordination dans leurs interventions.

Suite et fin des débats télévisés à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle. Ce lundi c’était au tour de 7 candidats formant le troisième groupe des 26 prétendants à la présidence de répondre aux questions des journalistes. La présence physique du postulant sur le plateau étant obligatoire, l’homme d’affaires Slim Riahi n’a pas été autorisé à participer à distance et par vidéoconférence  au débat.

Un face-à-face virtuel avec les électeurs scotchés, il faut le souligner, depuis le démarrage de ces débats devant le petit écran, mais qui aura, sans nul doute,  de réelles répercussions sur les intentions de vote, notamment au sein des jeunes qui pourront évaluer les candidats en passant au crible leurs programmes et leurs positions.

Des candidats crispés jusqu’à oublier la question

Pour cette dernière confrontation médiatique, ce fut  au tour de Kaïs Saïd (indépendant), Safi Saïd (indépendant), Hamma Hammami (Coalition du Front), Seïfeddine Makhlouf (indépendant), Saïd Aïdi (Beni Watani), Salma Elloumi (El Amel), Youssef Chahed (Tahya Tounes) de passer, ce lundi 9 septembre, l’épreuve de vérité et de tenter de convaincre les électeurs de leurs choix en répondant à des questions en rapport aux prérogatives du président de la République selon la Constitution de 2014. On passe de la défense à la sécurité nationale et la politique étrangère et à d’autres questions d’ordre général. Chaque candidat dispose aussi de 99 secondes pour évoquer librement ses opinions et ses choix.

Des candidats crispés, allant jusqu’à oublier la question posée, d’autres plus à l’aise et bien habitués aux situations de confrontations médiatiques, parvenant ainsi à maîtriser clairement leurs réponses et parler de leurs projets futurs. Le baptême du feu pour certains n’était pas facile du tout au point qu’ils sautaient du coq à l’âne et manquaient d’argumentation et de coordination dans leurs interventions. Et comme le meilleur moyen de la défense c’est l’attaque, ils s’obstinent à botter en touche les questions et vilipender le gouvernement sortant, usant d’un discours populiste et faisant luire aux yeux des promesses utopiques. On va jusqu’à clasher les binationaux et accuser certains partenaires économiques de longue date d’être derrière tous les maux de la Tunisie, c’est le cas du postulant Seïfeddine Makhlouf.

On frise la diffamation !

Le candidat Hamma Hammami, présenté comme indépendant, puis comme représentant de la Coalition du Front sur sa demande incessante, ne pouvait rater l’aubaine de ce débat pour accuser le gouvernement sortant usant de propos répréhensibles qui frisent la diffamation et obligeant le journaliste à intervenir pour rectifier le tir et l’ancien chef du gouvernement à demander un droit de réponse. 

Hammami insiste sur la réouverture de dossiers brûlants à l’instar des assassinats politiques des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi et de l’appareil secret d’un parti politique.  

A certains moments, des candidats se lancent  dans une violente diatribe contre le gouvernement sortant dès qu’ils prennent la parole à tel point qu’ils oublient très vite la question posée. Un temps d’arrêt est observé, suivi d’un moment d’hésitation, on tente de se rappeler la question mais c’est très difficile quand on a une idée bien fixe à faire passer. «C’était quoi déjà la question ?». Et au journaliste-animateur Cheker Besbes de rafraîchir la mémoire du candidat mais le temps passe tellement vite que le postulant ne se retrouve plus et répond de manière laconique. Une stratégie de communication qui consiste à botter en touche sur la question et profiter du débat pour passer les messages en live aux électeurs.

Quelles sont les actions prioritaires durant les 99 premiers jours ?

On a vu lors de ce débat des candidats qui promettent « monts et merveilles » s’ils accèdent à la magistrature suprême durant les 99 premiers jours de leur exercice et d’autres  qui ont préféré garder les pieds sur terre. En substance, Selma Elloumi évoque la nécessité de lutter contre le chômage des jeunes, booster l’investissement au profit de cette catégorie et appuyer le développement dans les régions. Quant à Essafi Saïd, il promet de promulguer certaines lois pour renforcer le droit de la femme dans le travail et dans le foyer et lui assurer la gratuité des soins (pour celles atteintes du cancer).Sa première destination sera la Libye en vue de contribuer à la réconciliation nationale dans ce pays.

Seïfeddine Makhlouf met la création de la Cour constitutionnelle dans ses actions prioritaires ainsi que la levée de l’Etat d’urgence et des procédures portant atteinte à la liberté de mouvement des citoyens. Il promet de soumettre l’Ugtt à un contrôle et un audit et demandera à la France de s’excuser aux Tunisiens pour la période coloniale.

De son côté, Saïd Aidi promet de contrôler encore plus le financement des partis politiques, notamment en période électorale et de ne pas briser l’avenir des jeunes pour un joint fumé. Une stratégie pour la prévention des jeunes contre l’addiction aux produits psychotropes doit être mise en place, a-t-il encore souligné.

Le candidat Youssef Chahed a rappelé que le président de la République est le garant de l’indépendance et de l’unité de la nation, selon la Constitution. «Je tiendrai une réunion avec les partis politiques et les organisations nationales dans le but de faire baisser les tensions issues des élections pour le bien du pays. Je conseillerai sau futur chef de gouvernement d’éviter de choisir les membres de son équipe sur la base de leur appartenance politique». Une réunion du Conseil national de sécurité sera tenue dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Sa première destination en cas de victoire sera l’Algérie.

Pour Hamma Hammami, il est important de se pencher dès les premiers jours sur le dossier des assassinats politiques et de l’organisation secrète et de procéder  à l’audit de la dette publique du pays.  Il s’opposera aux accords de libre-échange complet et approfondi (Aleca) et luttera contre la corruption. Des mesures seront prises en faveur des démunis. Sur le plan des relations extérieures, il confirme son intention de rétablir  les relations avec la Syrie.

On n’a pas besoin de 99 jours pour faire miroiter des rêves qui ne seront jamais réalisés, a souligné le postulant à la présidence Kaïs Saïd. Sous l’influence de sa formation de juriste, il fait savoir que le pays a besoin de mettre en œuvre de nouveaux outils de la loi en mesure de bien répondre aux attentes des citoyens. Il promet à la même occasion d’appuyer la prise de décision par les jeunes dans les régions. Le premier pays à visiter s’il est élu sera incontestablement l’Algérie.

Ainsi, certains candidats gardant les pieds sur terre ont regardé vers le futur lors de cette confrontation médiatique, d’autres, utopistes et populistes, ont cherché à accabler d’accusation le gouvernement sortant et remettre en cause   la politique de l’Etat depuis l’indépendance. Mais c’est toujours au peuple de trancher.

Ces débats télévisés constituent une profonde transformation en matière d’organisation de la campagne électorale dans la Tunisie post-révolution mais certains observateurs se posent déjà une question cruciale autour de l’impact de ces débats sur le choix des candidats. Certains ont déjà fait leurs choix et ce n’est pas ce genre de débat qui changera la donne selon leur conviction.

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