Le manifeste ou comme il est baptisé par Lobna Jeribi «Socle commun» constitue un point «d’ancrage» des divers protagonistes, y compris les partenaires sociaux lors de la conception des politiques publiques. Elaboré suivant une approche qui se base sur les attentes et les valeurs communes des Tunisiens, il balise la voie aux prochains dialogues socioéconomiques

Huit ans après le déclenchement du processus de la transition démocratique, la prospérité économique et sociale du pays est à son stade initial, voire en déclin. Quelles en sont les causes, quelles sont les solutions possibles à mettre en œuvre pour remettre les pendules à l’heure et passer à la vitesse croisière de la démocratie ? Comment cette morosité socioéconomique qui s’est étalée sur 8 ans s’est-elle répercutée sur la qualité de la vie du citoyen ? Quelle feuille de route consensuelle pour remettre la prospérité du citoyen au cœur des objectifs des politiques publiques ? Ce sont autant de sujets et de questions qui ont été mis à plat, mardi dernier, lors d’une conférence-débat organisée par le think tank Solidar Tunisie. L’objectif est d’acter un manifeste portant le nom de «Socle commun » qui détaille les piliers et les principaux axes d’une « vision commune pour la prospérité et la citoyenneté ». L’événement a été tenu en présence du ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, Zied Laâdhari, et un peloton d’experts économistes et sociologues.  Les participants ont débattu de deux principales études, à savoir l’évaluation exhaustive du Plan quinquennal 2016-2020 et une étude exploratoire sur les attentes et les valeurs de la société tunisienne.

Les points faibles du Plan quinquennal 2016-2020

Intervenant sur le diagnostic du Plan de développement 2016-2020 et de son déploiement, Laâdhari a soulevé quatre points faibles qui seraient à l’origine de l’échec de l’exécutif à atteindre les objectifs assignés au plan, en l’occurrence l’absence de vision claire qui détermine des choix économiques à appliquer dans le prochain futur, l’absence d’outils adéquats pour assurer sa déclinaison en des projets opérationnels, le caractère participatif qui a distingué son élaboration  et qui lui a conféré, de surcroît, un aspect revendicatif corporatiste et régionaliste et finalement la prédominance du volet infrastructures qui seraient parfois superflues, notamment dans des régions où la vocation épargne leur nécessité. «Il faut savoir d’où on vient pour savoir où l’on va, pour se décider si on veut s’inscrire dans une rupture ou pas. Ainsi, ces tergiversations des choix économiques traduisent une absence de vision claire», a affirmé Laâdhari.

Collectif «prospérité et citoyenneté»

De son côté, la présidente de Solidar Tunisie, Lobna Jeribi, a présenté, dans son allocution d’ouverture, le contexte et la méthodologie de l’élaboration de cette vision. Elle a déclaré, à cet effet, que l’alliance «prospérité et citoyenneté» créée avec des acteurs clés de la société civile — qui se sont fixé pour mission de défendre la prospérité du citoyen —, vient de rendre public un manifeste qui vise à élaborer une conception des politiques publiques centrées sur le citoyen. Les membres de ce collectif sont respectivement l’Afturd (Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement), Nomad 08 Redeyef et l’Ong Solidar Tunisie. Le manifeste a été énoncé à la fin de l’événement par l’universitaire et expert auprès de Solidar Abdelkader Boudriga. Jeribi a, à cet effet, détaillé le principal motif qui a poussé les membres de l’alliance à se lancer dans cette entreprise : l’absence d’une vision claire commune et partagée qui devrait émaner d’un dialogue socioéconomique et qui a, surtout, caractérisé les politiques publiques jusque-là mises en œuvre, constitue le leitmotiv exhortant ces acteurs de la société civile à élaborer ce socle commun. L’objectif étant d’inciter les protagonistes de la chose publique à remettre le citoyen et sa prospérité au centre de leurs objectifs communs.

Les raisons d’un déploiement difficile des politiques publiques 

Lobna Jeribi a souligné qu’une approche basée sur les attentes et les valeurs communes des Tunisiens a été adoptée pour énoncer ce socle commun qui constitue, en outre, un point « d’ancrage » des divers protagonistes, y compris les partenaires sociaux lors de la conception des politiques publiques.  «L’absence de cette vision claire dont nous parlons, s’explique par un écosystème politique instable, à savoir une période post révolution, un gouvernement instable … etc. Ce qui induit une difficulté dans la mise en œuvre d’une vision par rapport à un gouvernement ou un département. Mais cela s’explique aussi par un fait organisationnel qui estampille les partis politiques et le déploiement des politiques publiques. De par notre expérience en tant qu’ONG qui accompagne le Parlement, nous avons constaté que les partis politiques manquent d’appui organisationnel (à l’instar des think tank) qui jouent le rôle de forces de propositions pouvant suggérer des programmes fiables et réalisables qui émanent de la réalité c’est-à-dire qui prennent en compte les difficultés de terrain, et ce, loin des slogans creux. Aussi, il ne faut pas omettre que ces difficultés et ce manque d’appui s’imposent également aux partis au pouvoir qui de par le présent système électoral et celui des coalitions trouvent des difficultés à mettre en œuvre un programme donné d’un parti donné pour un département spécifique», a noté Lobna Jerbi dans son allocution afin d’expliquer les entraves qui bloquent l’exercice politique des partis. Elle a précisé, à ce sujet, que la prédominance de la logique de survie qui favorise un contexte de concurrence permanente entre les politiques de réaction et les politiques d’anticipation, a fait prévaloir, à cause de la succession et la multitude des crises politiques et socioéconomiques, une logique d’anticipation court-termiste. La vision long-termiste qui émane du citoyen, étant reléguée au second plan.

Méthodologie de l’élaboration du socle commun

La présidente de Solidar Tunisie a, en outre, détaillé la méthodologie de l’élaboration du socle commun qui est déployée sur 9 étapes. Elles sont définies respectivement en ordre croissant comme suit: le cadrage de la mission; l’évaluation de la conduite des politiques publiques; l’élaboration des recommandations pour les prochains plans quinquennaux.  Une analyse qualitative des attentes des Tunisiens, une étude quantitative de ces attentes à travers des enquêtes de terrain qui visent à évaluer le décalage entre la perception et la réalité; une synthèse des attentes qui regroupe plus de 80% des attentes communes des citoyens;  l’élaboration des axes stratégiques et des piliers de la vision. Enoncé du manifeste et finalement la restitution publique et la communication à son sujet.

Par ailleurs, les participants ont débattu avec le ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale de l’évaluation de l’efficacité et des résultats du Plan quinquennal 2016-2020. L’étude qualitative et quantitative sur les attentes des Tunisiens qui est réalisée par le président du Forum social des sciences appliquées Abdelwahab Hfaiedh, a fait l’objet également d’un débat interactif entre les participants. 

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