Dr. Chahine Karmous, Maître de conférences en production végétale : Des filières agricoles dépendantes de l’importation des semences

Dr Chahine Karmous, maître de conférences en production végétale  et auteur de l’étude « Le rôle de la Banque nationale des gènes dans la conservation de la diversité biologique et la sécurité alimentaire en Tunisie », a bien voulu répondre à nos questions.

Votre étude aborde le sujet des semences en Tunisie, notamment les variétés génétiques. Quel est l’enjeu des semences pour l’agriculture tunisienne ?
L’enjeu réside dans le patrimoine et les variétés locales qui sont en voie d’extinction. Tout d’abord, il faut noter que nous disposons de variétés de semences dites «autochtones», c’est-à-dire qui sont naturellement disponibles en Tunisie et qui sont adaptées à notre environnement, à la nature du sol, etc.
Des programmes visant à améliorer le rendement de l’agriculture tunisienne ont été mis en place après l’indépendance par l’ONU. Leur objectif est d’augmenter le rendement agricole à travers des semences de variétés génétiques améliorées. Le problème, c’est que ces variétés nécessitent beaucoup d’intrants. Attirés par leurs forts rendements agricoles, les agriculteurs tunisiens favorisent les variétés améliorées et ont massivement abandonné les variétés «autochtones».

Est-ce que ce problème est général à tous les types de cultures agricoles ?
Oui, tout à fait. Pour les cultures maraîchères, le phénomène de la ségrégation qui caractérise les variétés hybrides pose un problème. Il consiste en un affaiblissement du rendement des semences d’une année à l’autre. Habituellement, l’agriculteur consacre une partie de la récolte pour assurer la culture de la prochaine saison agricole. Avec le phénomène de la ségrégation, l’agriculteur s’est trouvé dans l’obligation d’acheter de nouvelles semences pour chaque saison. Ce qui accroît le coût de la production. Pour les cultures céréalières et l’arboriculture, les variétés améliorées nécessitent beaucoup d’intrants, de surcroît, les risques liés au développement accru de la résistance des maladies, sont en train de menacer des récoltes entières, comme c’était le cas avec les poires.

Quelles répercussions économiques suite à l’épuisement des variétés autochtones ?
A vrai dire, l’enjeu est principalement économique étant donné que le faible recours aux variétés autochtones a induit la création de filières agricoles entièrement dépendantes de l’importation des semences. A titre d’exemple, pour les cultures céréalières, nous importons 3 baguettes sur 4. Les intrants sont également importés. C’est la sécurité alimentaire qui est touchée. Pourtant, la Tunisie est dotée d’une variété biologique végétale importante qu’il faut préserver.

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